Chapitre 10
Ile-Rive était une capitale tout en hauteur. La ville, située au sommet d’une colline était composée de hautes tours de pierre aux toits pointus. La cité s’élevait dans le ciel comme un sinistre augure. Amaury et Neven avaient traversé une bonne partie de Montaux avant de finalement arriver devant Ile-Rive. Sur leur chemin, des villes et des villes qui s’agglutinaient. Des routes bondées de marchands et de voyageurs à cheval. On voyait bien que Montaux était une grande terre commerciale qui n’avait que faire de la guerre entre la Haute et la Basse. La région se suffisait à elle-même et si elle utilisait parfois les ressources des autres régions elle n’en avait en réalité pas besoin. Guilhem Presars, le haut-conseiller de Montaux, dirigeait la région d’une main de fer et on disait que ces caves croulaient sous l’or.
Pour Neven et Amaury, le chemin n’était pas encore terminé, ils leur fallait encore accéder à la capitale et pour cela ils devaient franchir le pont-levis de la ville. Vu de près, la cité paraissait encore plus imposante, les hautes tours s’élevaient dans le ciel bleu et semblaient toucher les nuages.
Le pont-levis était abaissé et des marchands et leurs chargements s’écoulaient dans et hors de la cité sans interruption Neven et Amaury s’intégrèrent à un groupe de voyageurs à cheval et les suivirent pour tenter de passer avec eux à l’intérieur de la ville.
Le groupe se composait de cinq voyageurs abordant les peaux pâles de Montaux et celles ambrée de la Basse. La cité était cosmopolite et accueillait tous les habitants de la Plaine. Amaury et Neven avaient enlevé leur cape et pour la première fois, Amaury ne se sentit pas juger sur la couleur de sa peau et de ses cheveux. Ils avancèrent sur le pont-levis et passèrent sans difficultés. Devant lui, se trouvait une jeune fille aux cheveux bruns attachés dans une tresse compliquée à la mode de Château-Bas. Elle montait un hongre alezan et portait à sa taille un sac de toile en bandoulière. Amaury eut soudain un étrange pressentiment.
« Aléna ? » murmura-t-il.
La jeune fille se retourna et ses yeux s’écarquillèrent.
« Amaury ? »
Il l’avait retrouvé. Sans même la chercher, il l’avait retrouvée. Son sourire ne pouvait pas être plus sincère et ses yeux brillaient de joie. Ici, dans cette grande capitale de la Plaine, entouré par les grandes demeures de pierre qui se superposaient. Aléna descendit de sa monture et Amaury l'imita puis elle se jeta dans ses bras. Amaury la serra fort contre lui et des larmes perlèrent aux coins de ses yeux.
" Où étais-tu passé ?" s'écria Aléna en essuyant ses yeux humides.
" J'ai beaucoup de choses à te raconter." répondit Amaury. La jeune fille acquiesça, elle aussi devait avoir beaucoup de choses à dire depuis qu'ils s'étaient perdus de vue à Château-Bas. " Allons nous reposer et je te raconterais tout." continua le jeune homme.
Aléna retourna vers le groupe des voyageurs qui l'avait attendu et leur dit quelques mots. De là où il était, Amaury ne distinguait pas la teneur de leur conversation mais il aperçut Aléna le pointer du doigt et il supposa donc qu'elle tendait à trouver une raison pour qu'ils la laissent partir avec lui.
En réalité, Aléna n'avait pas besoin de beaucoup argumenter pour plaider sa cause. Agnès avait les larmes aux yeux lorsqu'elle apprit que la jeune fille avait retrouvé son ami et le petit groupe lui firent leurs adieux. Aléna ressentait un pincement dans son cœur à cette énième séparation. Rencontrera -t-elle quelqu'un qui ne la laissera pas seule ? Elle rejoint Amaury et il se dirigèrent vers le centre de la capitale, où ils pourraient trouver un lieu ou se reposer. Amaury est un inconnu en réalité. Qui était ce jeune homme aux cheveux noirs et à la peau bronzée ? Un bassois très probablement mais comment Amaury l'avait-il rencontré ?
" Et qui es tu ?" demanda-t-elle en s'adressant au jeune homme.
Il adressa un regard interrogatoire à Amaury qui acquiesça en souriant avant de répondre:
" Neven Livraux."
Aléna le regarda bouche bée, elle n'en croyait pas ses oreilles: le jeune homme qu'elle cherchait depuis des jours était en réalité avec Amaury. Et elle le retrouvait comme par magie à Ile-Rive, sa chance était trop belle.
" Nous avons définitivement des choses à nous dire." s'exclama-t-elle.
Ils finirent par s'installer dans une auberge à la devanture de pierre et de bois qui semblait écraser sous une autre baraque de pierre qui la surplombait. Une fois assis à une table à peu près tranquille, Aléna commença son récit sous les yeux étonnés des deux jeunes hommes. Le temps sembla s'arrêter lorsque Amaury apprit la nouvelle de la mort de son frère mais il somma la jeune fille de continuer son récit. Elle ne tiqua pas quand la main de Neven vint rejoindre celle d'Amaury, lui aussi avait beaucoup de choses à lui dire. Elle expliqua qu'elle avait rencontré Theobald Livraux mais omit de préciser qu'il avait reconnu en elle la princesse de Buria. Elle ne se sentait pas prête à partager cette partie-là de sa vie. Puis elle expliqua qu'on lui avait confié une mission: retrouver Neven et pour cela, elle avait voyagé des jours en direction de Montaux sans aucune garantie qu'elle le retrouverait là-bas.
" Je suis désolée pour ton frère, Amaury." murmura-t-elle.
" Tu n'y es pour rien. Je ne comprends toujours pas ce qui lui a pris d'essayer d'empoisonner le haut-conseiller de la Basse, comme si cela arrêtait la guerre."
" Si je comprends bien, mon père me demande de rentrer à Château-Bas ?" demanda Neven en s'adressant à la jeune fille.
" Oui, il juge que la ville est suffisamment calme pour que tu puisses rentrer."
C'est alors qu'ils entendirent des coups sur la porte de l'auberge. Une troupe de garde en uniforme bleu entra dans un fracas assourdissant. La plupart des clients relevèrent la tête de leur boisson et les conversations s'arrêtèrent.
Le silence s'installa dans la salle avant que l'un des hommes se mette à parler d'une voix grave.
" Theobald Livraux de la Basse est mort. Si son fils ne reprend pas le poste de haut-conseiller avant le dernier jour de la lune Pleine, La Haute sera autorisé à envahir la Basse sans intervention diplomatique de Montaux ou Terre-Rouge."
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