Comme tous les midi, je déjeunais dans la salle des profs avec Jean-Michel. Lisa, un autre membre de l'équipe s'était jointe à nous.

Ils avaient fini leurs repas depuis belle lurette et avaient eu le temps d'écrire un mémoire sur l'arrière-train de Jules, décidemment… Quant à moi, j'étais à la moitié de mon sandwich quand Francine se joint à nous.

Je vous ai précisé que Lisa et Francine s'entendaient comme chien et chat ? Et vous savez quoi ? Je me retrouvai coincée entre elles, qui passaient leur temps à se lancer des pics. Ça promettait.

J'étais perdue dans mes pensées (comme d'habitude, oui je sais !), quand une remarque de Lisa me ramena à la réalité.

- C'est vrai quoi, Francine. Tu devrais peut-être t'habiller un peu mieux que ça, non ? Avec ta dégaine, tu as l'air vraiment l'air d'une pauvre fille !

Mon amie se contenta de lui jeter un regard noir. Mais je savais que ce genre de propos réveillait en elle de profondes blessures.

- Francine n'a pas besoin de changer pour te faire plaisir. Le plus important c'est qu'elle se sente bien. Elle est belle telle qu'elle est.

- Oh ça va ! De toute façon, pas étonnant que tu penses comme ça. Regarde toi, on ne peut pas dire que tu sois franchement un exemple de féminité et de coquetterie ! Pas de maquillage, pas de robe, bref, rien qui puisse attirer les hommes.

Je la regardai avec incrédulité. On peut encore penser ça au XXIème siècle, sérieusement ?

- Et qu'est-ce-que la féminité exactement, Lisa ? Mettre des robes, porter des talons ? Se maquiller ?Ne te méprends pas, c'est très bien tout ça. Mais tu peux me dire où est le mal si je ne veux pas répondre à des codes esthétiques ? Je suis comme je veux être et je m'habille de telle ou telle façon parce que je l'ai décidé. Tant que je suis bien dans mes baskets, je n'en ai rien à faire de ce que toi ou les hommes peuvent penser de moi.

- Toi, tu ne te marieras jamais ! Crois moi, si je te dis ça, c'est pour toi. Il faut souffrir pour être belle, et faire un minimum d' efforts pour séduire.

Je secouais la tête en souriant devant tant de bêtise. Je détestais tellement ce genre de commentaire...

- Le mariage n'est pas un but dans la vie pour moi. Et il ne faut pas ''souffrir'' pour être belle. C'est juste une expression désuette qui encourage le fait de souffrir pour faire plaisir à la société et répondre à la dictature de la beauté.

Lisa ouvrit la bouche mais je continuai sur ma lancée :

-Bon, ok ! Ce n'est un secret pour personne que j'adore les trucs super romantiques et super ''gna-gnan''. Mais ça ne veut pas forcément dire que je veux me marier et avoir des enfants. Je veux juste être amoureuse d'une personne qui m'aimera elle aussi. Et laisse-moi te dire Lisa que si cette personne m'aime vraiment, elle m'aimera pour ce que je suis réellement à l'intérieur et non pour l'image que je renvoie. Si Francine et moi ne répondons pas à tes critères, tu es libre de t'en aller.

Je me rendis compte que Francine et Jean-Michel me fixaient avec de grands yeux ébahis. D'habitude, j'étais dans mon monde et assez en retrait, me contentant d'écouter et de rire aux blagues de Jean-Michel. Et puis, plus personne ne faisait attention aux paroles vexantes et maladroites qui sortaient de la bouche de Lisa.

Je n'avais pas haussé la voix ou dit des choses choquantes. Pourtant, on dirait que je venais d'être prise en flagrant-délit de lèse-majesté. Parce que j'avais osé la contredire...

- Euh eh bien, tant mieux pour toi, Jana. C'est vrai, si tu préfères privilégier la personnalité, plutôt que le physique… Ça se comprend aprés tout..., finit-elle par dire en me sondant de bas en haut. Mais, en attendant moi j'ai eu vie sexuelle, contrairement à certaines...

Je saisissais enfin les paroles de la chanson. Parce que, oui ! Lisa avait les yeux revolvers. Et elle aurait, sans aucun doute, pu tuer quelqu'un avec le regard qu'elle me lançait.

- Tu m' en vois ravie pour toi, répondis-je toujours avec le sourire, la regardant droit dans les yeux. C'est tout ? Tu as peut-être quelque chose à rajouter ?

Sur ce, elle se leva et sortit, en marmonnant à mon sujet quelques paroles désagréables, que je feignais ne pas entendre.

- Holy shit ! T'as vu ça, Jean-Michel ? Notre petite Jana a tenu tête à cette pimbêche. Waouh !!!, s'exclama Francine en se jetant à mon cou.

Je me mis à rire en voyant Francine aussi excitée que si elle avait gagné à la loterie. Mais surtout c'est l'air choqué et totalement hagard de mon Jean-Michel adoré qui m'acheva.

Je devrai raconter ça à Mina en rentrant. Elle sera heureuse de savoir que son coté cash et grande-geule avait peut-être miraculeusement UN PEU déteint sur moi !