Les voix du destin sont impénétrables

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Le temps passe et mon état de santé ne s’améliore pas. Pas d’appel de Jessica me disant qu’elle regrette non plus…

Visiblement ma thérapie acoustique n’a pas fonctionné.

Ma sinusite aigue devrait m’inciter à me reposer dans l’obscurité mais même très mal en point, j’ai du mal à rester inactif.

Je reprends mes recherches sur le Web et à part quelques illuminés qui prétendent avoir entendu Nana Mouskouri leur chanter les futurs numéros gagnants de l’Euromillion, rien de concret.

N’ayant pas d’autre piste, je me résous donc à appeler « vibrations prémonitoires » qui ne se présente bien évidemment pas officiellement comme une secte mais comme un groupe d’entraide collective. Au bout de quelques sonneries, une voix nasillarde me répond :

— Bienvenue chez vibrations prémonitoires !

— Bonjour, je vous appelle car depuis quelques jours, il m’arrive quelque chose d’incroyable. Lorsque j’entends un morceau de musique, ce qu’évoque le titre m’arrive quelques heures ou quelques jours après.

— Vous êtes un être exceptionnel mon fils, je vous passe le supérieur.

Je ne sais même pas pourquoi je reste en ligne ! Certainement la peur de me retrouver seul avec ma malédiction ou une curiosité malsaine pour ce type de groupuscules ? Une voix grave, douce mais ferme remplace la voix nasillarde.

— Alors, comme cela, vous entendez l’avenir mon fils ?

— Pas tout à fait, c’est même plutôt l’inverse. C’est parce que j’entends des morceaux de musique que mon avenir change.

— C’est un don mon fils, viens nous rejoindre pour éclairer notre chemin avec tes prémonitions !

— Oui, bien sûr, mais avant cela, j’aimerais savoir : est-ce que je peux influencer mon avenir en choisissant mes prémonitions ?

— Hélas non, mon fils. Voir ou entendre son avenir est déjà un don merveilleux. Seules tes actions pourront le changer comme celle d’adhérer à notre collectif…

Je raccroche avant qu’il n’ait terminé son baratin. Je ne suis pas plus avancé, c’est une bande d’illuminés.

Et je n’imagine pas raconter ce qui m’arrive à ma mère ou à mes potes, ils vont me prendre pour un fou ! Je me sens tellement seul et démuni !

Je reste des heures au fond de mon lit dans le noir complet ressentant chacun des bruits et des secousses de cet hôtel. Heureusement, mon nez bouché m’empêche de subir les odeurs de leur cuisine qui se trouve juste en-dessous de ma chambre située au premier étage.

Je ressasse tous les événements depuis lundi pour essayer de mieux analyser ce qu’il m’arrive et comment ça a pu se déclencher. J’entends « il pleut » et je me prends une averse alors qu’il y avait un beau soleil juste avant. Jessica qui vient ensuite me dire « je m’en vais » comme la chanson de Gainsbourg, le feu qui s’allume dans mon immeuble comme le tube de Johnny. La grenade de Clara Luciani qui apparaît devant le domicile de mon investisseur. Moi qui suis atteint par « le blues du businessman » alors que pour une fois la journée avait bien démarré et enfin je tombe soudainement malade sans raison comme sur le classique de Serge Lama…

Mais je ne vois aucun lien entre ces chansons ni ce qui s’est produit de particulier lundi pour que je sois puni à ce point.

Une envolée lyrique du réceptionniste vient me sortir de mes réflexions. Je n’ai pas reconnu le morceau qu’il est en train de massacrer et ce n’est pas plus mal.

Mais ça me donne une idée !

Je recherche rapidement sur mon téléphone une autre chanson qui parle de guérison et j’appelle la réception.

— C’est Monsieur Ritounel chambre 17, j’aurais un petit service à vous demander ?

— Je vous écoute Monsieur.

— Cela va vous paraître étrange mais est-ce que vous pourriez diffuser la chanson « guérir » de Florent Pagny dans le hall d’accueil ?

— Pardon Monsieur ? Mais nous ne sommes pas une discothèque !

Malgré le mal de crâne intense, j’essaye de trouver une excuse valable pour le convaincre. J’hésite à lui dire que je trouve qu’il a une belle voix, je ne vais vraiment pas être crédible. Je préfère jouer plus classiquement sur la pitié.

— C’est moi qui ai dû être relogé en urgence par l’assurance suite à l’incendie de mon immeuble et j’ai vraiment besoin de réconfort.

— Ah oui, je me souviens. Mais pourquoi vous ne l’écoutez pas dans votre chambre ?

— J’aime vraiment beaucoup l’acoustique de la réception, ça me ferait sincèrement plaisir si vous me permettiez de l’écouter…

— Bon ok, mais exceptionnellement ! Je ne suis pas un juke-box ! Dès que vous arrivez, je lance le morceau.

Mais cela ne me satisfait pas. J’ai déjà essayé d’écouter un titre moi-même, cela n’a pas fonctionné. Je pense que je dois être surpris pour que cela ait un effet.

— Non, non, lancez-le tout de suite, j’arrive dans une minute ! J’aime être saisi par la musique en plein milieu du morceau.

— Vous n’êtes vraiment pas net vous ! Heureusement que vous quittez l’hôtel ce soir ! Je l’ai trouvé dans une playlist. J’envoie et je vous préviens, tant pis si vous n’arrivez pas, je ne le passerai pas deux fois, je n’aime pas Florent Pagny !

J’attends quelques secondes et descends tranquillement à la réception. Je m’imprègne de la chanson jusqu’à la dernière note sous l’œil médusé et méprisant du réceptionniste.

Je remonte ensuite me mettre au lit mais je ne constate aucune amélioration notable. Au bout d’une heure, j’ai même l’impression que ça empire comme si j’avais pris froid dans le hall.

Il faut se rendre à l’évidence aussi absurde soit elle : lorsque j’entends involontairement une chanson, ce qu’elle raconte m’arrive alors que quand j’en écoute une volontairement, apparemment il ne se produit rien…

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