Parole d'un enfant

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Personne n'est à l'abri et malgré mon tout jeune âge, à peine dix, voilà déjà trois ans que je subis l'acharnement d'élèves peu scrupuleux et parfois même de certains professeurs.

Je suis petit, donc c'est facile, mais ce n'est pourtant pas ma faute. Je suis né prématurément, bien trop tôt pour que cela ne porte pas préjudice à mon évolution, ma croissance. Je souffre de déficit de l'attention, je suis très rêveur et me complais dans l'art. Une différence qui ne m'a jamais sauté aux yeux jusqu'à ce que je rentre dans une nouvelle école pour ma rentrée en CE2.

Depuis trois ans, je tente de garder la tête hors de l'eau et me rends régulièrement aux urgences pour des traumas crâniens, car certains aiment me frapper violemment la tête contre les murs de briques de l'école. On me traite de nain, d'attardé, de bizarre alors que je suis un enfant tout à fait normal. On me bouscule en dehors de la classe les jours de pluie, mes camarades refusent souvent que je m'abrite. On me vole mes affaires, et lorsqu'un élève fait une bêtise en cours, on m'accuse. Ma maitresse ne cherche jamais plus loin. Pour elle, je suis le coupable idéal.

J'ai commencé à pleurer, j'ai honte et n'ose plus parler à mon entourage. Je me sens si faible et culpabilise qu'ils souffrent par ma faute. Le harcèlement ne me touche pas seulement, j'ai compris que toute ma famille pâtirait de ce mal, parce qu'ils me soutiennent et m'aiment. Ma situation n'a fait qu'aggraver les choses, j'ai commencé à vomir, à me sentir mal à l'école. Je ne me nourris plus non plus, ce qui inquiéte davantage mes parents. J'ai entamé un long suivi, mais qui ne donne pas beaucoup de résultat.

Aujourd'hui, je suis au collège. Heureux de ce nouveau départ, je me suis dit que ça serait différent, mais me suis lourdement trompé. On ne cesse de se moquer de moi, on me cache mes affaires intentionnellement pour que j'arrive en retard en cours, on me détruit mon matériel, on me traîne violemment sur le sol au point que mes différentes couches de vêtements ne me protègent pas des brûlures provoquées par cette brutalité. Les maux de ventre, qui avaient disparus durant les vacances, les vomissements, la peur de l'école s'emparent de nouveau de moi. Le plus atroce, c'est quand j'entends ma mère pleurer. Elle souffre de me voir souffrir. J'ignore comment me sortir de ce cercle vicieux dans lequel je n'ai jamais demandé à entrer, on m'y a forcé...

Avant même d'atteindre mes dix ans, j'ai déjà ressenti l'envie de mourir. Est-ce normal ? Parfois, même l'amour de mes parents ne suffit plus à me protéger, car ils ne sont pas présents à l'école et je me sens terriblement isolé. L'une de mes maîtresses a même osé dire que j'exagérais. Ce qui a mis ma mère dans une colère épouvantable. Je l'envie parfois, ma maman, car même si elle pleure souvent, même si elle parait faible, elle continue de se battre pour moi. Je lui ai déjà dit un jour qu'elle était comme une héroïne. C'est une force que je n'arrive pas encore à comprendre et je me sens encore plus faible en y pensant. Me protéger, me défendre est inenvisageable, car je n'aime pas faire du mal aux autres et préfère me laisser faire.

J'ai peur... car personne ne s'inquiète réellement, à part mes parents. Ils se démènent dans un système aux portes hermétiques que l'on ne peut atteindre. On répond à ma mère ; lorsqu'elle souhaite s'entretenir avec un responsable du collège, qu'ils ont trop de travail pour la recevoir. On lui donne alors un rendez-vous ultérieurement, sans qu'ils ne comprennent que ça sera un jour de plus à vivre dans la peur, l'inquiétude. Que représentent cinq minutes dans une vie pour en sauver une ? Je vous le demande. Apparemment, c'est bien trop.

Aujourd'hui, mes parents sont aux bords d'un gouffre, car les enseignants se plaignent de la mauvaise éducation de certains élèves, mais ils n'en font pourtant pas grand cas. J'ai même l'impression qu'ils sont bien mieux tolérés que moi, du coup, ils pensent me déscolariser, pour mon bien, ma santé, même s'ils ont conscience des désavantages que cela engendrera pour moi. Que faire d'autre ? Malgré mon suivi, les recommandations des médecins et des psys, la situation ne s'améliore jamais. Pourtant, j'ai entendu des noms comme trouble anorexique, phobie scolaire, des mots qui me semblent graves et me donnent l'impression que c'est bien moi le problème. Je suis comme une pathologie, une maladie dont on cherche à se débarrasser. Je ne suis pas un élève « normal », mais c'est quoi un élève normal ?

Je déteste ma vie et en viens à détester l'espèce humaine. Je l'ai même avoué à ma mère, ils ne sont bons qu'à détruire tout ce qu'ils les entourent. Ce ne sont même pas des animaux et les traiter de sauvages serait encore un doux euphémisme. Ils ne valent guère mieux que des parasites, voilà les mots d'un petit garçon d'à peine dix ans et qui n'a déjà plus d'espoir envers ses semblables, ni en son avenir.

Mon cœur saigne, et les personnes qui sont normalement là pour me protéger, en dehors de mon cercle familial, ferment les yeux. Je hais l'école.

Aujourd'hui, ma mère a souhaité que je m'exprime et elle m'a aidé à mettre des mots sur ma souffrance. Une thérapie qui nous a fait verser des larmes, tous les deux. Elle voulait me monter que je n'étais pas seul et que d'autres personnes, en dehors de mon cercle familial, pouvaient comprendre ma douleur.

Nous voilà presque deux ans plus tard, un combat acharner, une année de déscolarisation. Aujourd'hui, j'ai recommencé une 6e à mi-temps, alternée par mes rendez-vous médicaux thérapeutiques, ainsi que ceux de la diététicienne. Je passe beaucoup de test, car si cela ne suffit pas, une suspicion de trouble du spectre autistique asperger est envisageable. Nous attendons la confirmation. J'ai l'impression que j'accumule, mais je suis enfin rassuré, j'aurais peut-être droit à une Avs qui gardera un oeil sur moi. J'avance lentement dans la vie, à mon rythme, avec ma propre vision du monde que je perçois différement. Mais est-ce une raison valable pour que l'on me traite comme un pestiféré ?

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