Chapitre 19
Hector
Les plaines stériles et vides que notre convoi traversait depuis des semaines me remplissaient d'une douce mélancolie. Ce paysage sobre distillait en moi, au soleil couchant, une intense émotion. Doux rêveur et indécrottable rationaliste. Ce portrait si juste que Talinn avait brossé de moi, je l'arborais comme une fière étiquette. Tantôt m'émerveillant du cheminement spirituel de notre quête, d'autres fois replongeant mon nez dans mes archives à la recherche d'une explication logique aux prophéties mystiques du garçon.
Talinn m'assistait, décortiquant à mes côtés les ouvrages que j'avais extirpés de la bibliothèque enfouie. Autant profiter de ce long trajet pour fertiliser nos savoirs. Nous avions ainsi installé notre petit atelier dans le local de mon infirmerie. Os flânait la majorité de son temps à la vigie. Par amour des hauteurs et de la solitude, ou bien parce qu'il comprenait que sa présence dérangeait notre concentration. Je lui étais reconnaissant de la distance qu'il prenait autant que je m'en sentais coupable. Je ne désirais pas exclure, encore moins discriminer, le garçon à cause de la frayeur irrationnelle que me causaient ses pouvoirs depuis la mort d'Allan. C'était pourtant ce à quoi ma lâcheté m'abaissait. Même en m'efforçant de penser très fort que je ne souhaitais pas troquer mon amitié avec Os contre celle de Talinn, c'était objectivement ce qui se produisait.
Longs remparts de vilénie, cessez donc d'ériger vos reliefs menaçant dans mon inconscient !
— Je crois qu'il va être temps d'aller manger.
Talinn relève ses yeux fatigués d'une revue scientifique intitulée Nature. Écrite en anglais ancien et regroupant des articles complexes et détaillés sur les innovations scientifiques, c'était sûrement dans ces bibles qu'il nous fallait chercher notre pain béni. Hélas, déchiffrer ce jargon technique, qui en appelait sans cesse à nos notions lacunaires, nécessitait beaucoup de temps et d'énergie.
— Tu as trouvé quelque chose ? ne puis-je m'empêcher de demander.
Mon comparse soupire, comme à chaque fois qu'il a l'impression de faire chou blanc et se décourage.
— Je viens de parcourir un article relatant les diverses perturbations endocriniennes causées par un médicament commercialisé dans les années 2000. Il aurait engendré des séquelles héréditaires sur la vascularisation du cerveau. Grossièrement, cela provoquait des maux de tête et des risques accrus d'AVC. Mais ils parlent aussi de la possibilité de développer des mutations alter-neurales... Tu crois que ça pourrait avoir un rapport ?
J'avais demandé à Talinn de se focaliser sur les articles dans lesquels figurait la mention « Alter », autrement cela prendrait des mois pour tout passer au peigne fin. Or je nourrissais aussi le projet d'étudier le russe afin de déchiffrer les journaux dans cette langue, grappillés dans la ville.
Nous ne risquons pas de nous ennuyer jusqu'à la Terre Promise.
— Possible. Essaye de creuser dans cette voie.
— Difficile. Je n'ai pas encore trouvé d'autres papiers qui mentionnent ce terme...
— Hey le club de lecture, vous venez manger ? La soupe est servie !
Eden disparut aussi vite qu'elle était apparue dans le chambranle métallique improvisé en porte de mon local. Nous choisissons d'en rester là pour ce soir et d'aller nous dégourdir les jambes. Talinn court régulièrement entre les deux convois pour rejoindre mon cabinet d'étude, pour ma part, je n'ai pas eu l'occasion de faire mes mille pas réglementaires depuis un moment.
L'air du soir est frais après la tempête de ce matin. Je déleste Sara d'un bol de soupe et cherche Os du regard pour l'inclure à notre compagnie. Le garçon est d'un naturel solitaire, mais je ne voudrais pas que son isolement soit forcé. Ceux qui osaient s'approcher de lui se comptaient sur les doigts d'une main et les seules conversations qu'il entretenait avec la chefferie étaient d'ordre purement utilitaire. Quand bien même il me rétorquait qu'il n'avait nul besoin de sociabilité, je persistais à croire que cela l'aidait à se sentir plus... humain ?
— Pousse-toi !
— Mais ça va pas non ? Laisse-nous tranquilles !
Mon sang ne fait qu'un tour alors que je vois un Fen rouge de colère fulminer contre ce pauvre Moelle. Qu'a donc bien pu faire ce chien, d'ordinaire si sage, pour mériter de telles remontrances ? Je frémis lorsqu'il sort un révolver de sa ceinture et cherche un moyen de contourner le squelettique Os pour atteindre la Moelle. Je me rue dans leur direction, en proie à un mauvais pressentiment. Qui se confirme lorsque le cri de Fen déchire l'air.
— Os ! Arrête ça !
Je m'écrie sans réfléchir. Pas exactement sûr de ce que je peux bien signifier par « ça ». J'attrape Os par les épaules et le fais pivoter vers moi. Ses yeux vides reflètent son état hagard, complètement déconnecté. Encore plus que d'habitude.
— Ressaisis-toi, Os !
Je le secoue comme un prunier et, enfin, ses paupières papillonnent. Il émerge et semble prendre conscience de ma présence. Alors son visage, que je connais si bien pour son inexpressivité, se mue en un dégradé d'émotions fortes. D'abord, l'incompréhension, qui cède ensuite la place à une forme de terreur, pour se solder par une supplique. Comme un appel à l'aide muet. Je ne demande qu'à pouvoir l'aider. Mais comment ? Je suis aussi terrorisé que lui.
Il fuit. Ses jambes décampent à toute vitesse du halo du feu, Moelle sur ses talons.
La place vacante laisse le panorama libre à un Fen désemparé qui s'efforce de retrouver ses esprits. Je m'agenouille auprès de lui. Peu importe que ce rustre vienne d'essayer de tirer sur Moelle, mon devoir de médecin passe avant.
— Tu vas bien ? Tu peux me voir ?
— Qu... Qu'est-ce qui s'est passé ? Je n'avais plus aucun contrôle sur moi-même, c'est... c'est comme si on avait essayé de siphonner ma conscience !
Il est sonné, mais semble de nouveau en pleine capacité de ses fonctions. Mais que ce serait-il passé si je n'étais pas intervenu ? L'idée ne me plaît pas. Il va falloir que j'amorce une petite conversation avec Os.
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Aristote
Pauvre Ari, t'as un grain dans le ciboulot ! Arrête ta parano mon pauvre Ari, c'est juste un gamin. Il ferait pas de mal à une mouche, à part en la gobant.
C'est ça, c'est ça, moquez-vous de ce pauvre vieux Ari. En attendant, à cause de qui on se retrouve dans cette situation ?
Oh non, j'suis pas fou, moi. Que le Saint Chromé me foudroie si je mens ! C'est pas un Dieu qui lui a traversé son esprit fêlé, mais le Diable !
Il a ensorcelé Zilla pour détruire notre famille de l'intérieur. Et pourtant, j'ai pas moufté, j'ai fermé mon clapet, j'ai juré allégeance. Qu'aurais-je pu faire d'autre ? Moi, pauvre vieux bougre, je peux peut-être cuisiner de l'or avec de la poussière, mais je ne suis pas de taille à lutter contre les démons.
Recroquevillé, tapi dans l'ombre, ce pauvre Ari attendait son heure.
Fais profil bas, tiens-toi sur tes appuis, prêt à fuir quand ça pètera, et que le Saint Chromé te vienne en aide.
Mais quand j'ai vu le démon s'en prendre à Fen... S'insinuer comme un ver, directement dans sa tête ! Je ne pouvais plus rester bras ballants. Quelle honte tu seras aux yeux du Saint Chromé, Ari, si tu laisses ce damné épandre sa perfidie à sa guise !
J'emprunte le révolver de Vaslow, qui, sans poser de questions, semble avoir déjà deviné mes intentions. Je m'engouffre à la suite du démon qui s'en est allé revêtir son manteau d'obscurité. Je le retrouve facilement, stoppé entre deux colonnes de caravanes, loin du tohu-bohu du feu de camp. Là, seulement éclairé par l'aura brumeuse de la lune, sa silhouette diaphane se découpe de la trame noire. De dos, il attend. Il lève et écarte les bras comme un martyr qui espère le coup de grâce.
Où est le piège ?
C'est pas le moment de se demander. La fenêtre d'action est là, il faut agir, Ari. Saint Chromé, guide ma balle !
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Zilla
Je suis rincé. Le rythme est harassant. Conduire, non-stop, sans relâche, huit heures par jour chacun, en se relayant à trois bonhommes. Dans ce paysage mort et sans fin, c'est loin d'être une balade de santé. Mes troupes sont à bout de nerfs et je crains l'implosion. Je la crains d'autant plus qu'Os ne nous aide pas à garder espoir.
Ses explications sont vagues et floues. Il semble troublé, comme s'il n'était même plus sûr que l'on emprunte la bonne direction. Franchement, c'est pas le moment d'avoir les psycho-pouvoirs qui flanchent. Alors Bonnie et moi, on donne le change. On insuffle du courage, on brandit nos discours réconfortants et brodés d'espoirs, quand, en creux, on commence nous-mêmes à douter. Quant à Delvin, il ne faut pas attendre grand-chose de la matrone en chef, elle s'est réfugiée dans un sinistre mutisme. Bonnie me dit qu'elle a peur. Peur d'avoir eu raison, peur d'une énième déception, peur de découvrir que cette fameuse Terre Promise n'était bel et bien qu'un conte pour enfants.
La furieuse tempête qu'on a encaissée aujourd'hui nous offre un prétexte bienvenu pour faire souffler tout le monde – sauf les mécanos qui s'attèlent aux réparations – autour d'un bon feu réconfortant. Hélas, c'est aussi une occasion de catalyser les tensions cristallisées entre les deux groupes.
J'entends un cri retentir près du feu. Je reconnais sans difficulté la tonalité de mon comparse de longue date, ce bon vieux Fen. Ce n'est certainement pas dans ses habitudes de rugir de la sorte. Je cours près du feu et le découvre genoux à terre, flingue à la main, devant un Os figé. Un homme, un dénommé Hector avec lequel Talinn passe tout son temps, intervient et le secoue pour lui demander d'arrêter. Arrêter quoi ?
Je me stoppe, hagard, quelques secondes pour tâcher de comprendre la situation : Os s'enfuit entre les alignements de caravanes, Hector s'enquiert de l'état de Fen, Aristote se rapproche de Vaslow, Vaslow lui donne son arme et Aristote se faufile à la poursuite d'Os. J'ai un mauvais pressentiment.
À mon tour, je me glisse dans l'obscurité. Je retrouve vite la trace d'Aristote. Il a levé son arme en direction d'un Os qui ne bouge plus et semble même attendre l'extrême onction.
Ni une ni deux, je ne réfléchis pas. Je fonce et exécute une clé de bras sur Ari. Le pauvre bonhomme est loin d'être un combattant chevronné, je n'ai aucun mal à le faire tomber et à m'emparer de son arme.
Dire que je l'avais épargné après sa petite rébellion aux côtés de Grimm, par égard pour ses loyaux services – le vieux bonhomme aigri remplissait déjà le ventre des Rafales avant que je ne les rejoigne. Et parce qu'il m'avait juré allégeance. Néanmoins, le sursis prend fin en cas de nouvelle trahison, et je considère le fait de tenter de tirer dans le dos de notre guide comme tel.
— Tu regretteras de ne pas m'avoir laissé faire quand ce démon vous anéantira tous !
Je tire. La balle traverse directement son front. Je ne ressens pas vraiment d'états d'âme devant son regard à jamais figé et ce sang qui glisse lentement derrière son crâne. Je n'en peux plus de l'entendre déblatérer les mêmes conneries superstitieuses. Je n'en peux plus de tous ces soi-disant nomades endurcis qui claquent des dents et muent leur trouille en haine dès qu'ils font face à la différence.
— Tu aurais dû le laisser me tuer.
Je sursaute et fais volte-face. Os s'était rapproché de moi, regard rivé au sol et corps tremblant. Je ne l'avais jamais vu si perturbé.
— Mais qu'est-ce que tu racontes ?
— Il a raison. Je suis un monstre, un danger pour vous. Il ne faut pas me laisser en vie.
Qu'est-ce que tu veux que je réponde à ça ? Je suis scié. C'est à cause de ce qu'il s'est passé avec Fen ? Mais que s'est-il passé au juste ? Bordel, je suis complètement largué !
— Viens.
Je l'attrape par le bras et l'entraîne jusqu'à mon camion. Son chien nous suit, comme d'habitude, mais a l'intelligence de rester dehors. J'ai besoin qu'il éclaire ma lanterne, j'ai besoin de rattraper les épisodes que j'ai manqués. Il se laisse tirer comme un virevoltant. Même quand je le pousse sans ménagement sur le matelas du fond, qui sert aussi bien de lit que de canapé. Il semble si dépité que tout lui passe au travers.
Je rapproche un ancien enrouleur de câble reconverti en table et m'assois moi-même en face, sur une caisse. Je sors de ma réserve une bouteille de vodka, grappillée au gré d'un quelconque pillage, et sers deux timbales. Je bois une grande rasade de la mienne. L'alcool descend dans ma gorge et brûle mon œsophage d'une douce chaleur. Ça fait du bien. Os, en revanche, ne touche pas à la sienne.
— Bois.
Bizarrement, il s'exécute. Il tire même une grimace à cause de l'aigreur éthylique.
— Maintenant, explique-moi. C'est quoi ces conneries de danger, de monstre ou je ne sais pas quoi ? Et qu'est-ce qu'il s'est passé avec Fen ?
Il ne dit rien, les yeux toujours rivés vers le bas, sur sa tasse, si bien que je ne peux même pas les voir. Qu'est-ce que cela m'insupporte quand il se renferme de la sorte ! Inévitablement, mes vieux réflexes de tyran reviennent au galop face à un esclave qui refuse d'obtempérer. Je claque du poing sur la « table ».
— Réponds !
Et voilà, bravo Zi. Quelle diplomatie ! Il se met à trembloter et sangloter. Des pleurs ? Vraiment ? Mais qu'est-ce qui s'est passé dans sa tête ? Je soupire. Je ne le saurais jamais si je ne me montre pas un poil plus bienveillant – quand bien même ce mot échappe à mon vocabulaire. Allons Zi, tente une nouvelle approche. Je me fends d'une voix plus sirupeuse.
— Je ne suis pas là pour te blâmer, je veux juste comprendre. On a besoin de toi, tu ne peux pas juste lâcher tout ce monde qui compte sur toi au premier problème.
— J'ai failli tuer Fen. Je l'aurais tué si Hector ne m'avait pas arrêté.
Ok. J'accuse le coup. Je m'attendais à un truc du genre. Mais le tuer, carrément ?
— Mais pourquoi ? Il t'a menacé ?
— Pas moi. Il voulait abattre Moelle.
Moelle, son chien, qui ne le lâche pas d'un poil. Je peux comprendre qu'il ait voulu le protéger, mais de là à employer des contre-mesures létales...
— J'ai perdu le contrôle. Je voulais juste l'arrêter, mais mon instinct a pris le pas... J'ai peur, Zilla. J'ai peur de ne plus me maîtriser... Je le sens parfois, je le sens me dévorer. Je pourrais m'emparer de tous les esprits aux alentours et leur ordonner d'arrêter de respirer...
Je ne l'avais jamais vu dans un tel état : respiration saccadée, parole hachée et surtout... cette peur ? Depuis quand se soucie-t-il de son sort ou de celui des autres ? Ne disait-il pas que la mort ne signifie rien ? Mais ça, c'était avant cette vision. Avant ce destin céleste que nous réserve son dieu facétieux.
Je me décale et viens me caler à côté, je le prends par les épaules. Je le serre comme dans un geste de réconfort tiré de je ne sais quel pan de ma mémoire.
— Cesse de penser à ce qui pourrait se passer de pire. C'est ton corps, ton esprit, ton pouvoir, c'est toi qui décides quoi en faire. Tu le découvres sous un nouveau jour depuis que tu as conscience de toi-même. Ton don réagit à tes émotions, mais il n'a pas changé ! Si tu le maîtrisais avant alors tu parviendras à le maîtriser avec ces nouveaux paramètres.
C'est facile de dire ça quand, en vérité, je n'en sais rien. Peu importe, je veux lui faire confiance. Que puis-je faire d'autre de toute façon ? Je ne veux plus qu'il s'en aille.
À mon grand étonnement, Os laisse sa petite tête d'albâtre se nicher contre ma poitrine. Bon sang, Zi, c'est pas le moment d'avoir envie de lui. Ce n'est plus ton jouet. Il est probablement à des années-lumière de ça et toi, tu lui parasites l'esprit avec ta perversion mal placée. Je veux me détacher de lui et retrouver une distanciation raisonnable, mais il entoure ses bras maigrelets autour de ma taille, comme pour anticiper ma fuite.
— Parfois, j'aimerais que les choses redeviennent comme avant. Avant que je me découvre. Quand tu me disais quoi faire et que je n'avais pas à me poser de questions.
Je déglutis. Maintenant, j'ai une érection. Mon corps en manque ne pouvait pas choisir un plus mauvais moment pour se manifester. Et puis merde, il a raison ! Moi aussi, je voudrais que les choses redeviennent comme avant, quand je n'avais qu'à me servir sans états d'âme de cette coquille vide. Pourquoi est-ce que je ressens tant de scrupules à présent ? Parce qu'il a une consistance ? Une âme ? Il faut que j'arrive à me détourner de cette idée qui devient bien trop obsédante.
— Mais ça ne te plaît pas de pouvoir ressentir des émotions par toi-même ? De pouvoir assumer tes envies ? D'avoir le pouvoir de m'envoyer chier et de me dire « non » ?
Oui, dis-moi « non » par pitié, sinon je ne vais plus pouvoir me retenir.
— Mais je ne veux pas que tu te retiennes. Je me souviens comme c'était simple lorsque je fusionnais avec ton corps, ton esprit et tes désirs. Je voudrais retrouver cette sérénité.
Il lève sur moi ses yeux de spectre inertes et pourtant trempés de larmes. Tant pis pour lui, il n'avait qu'à pas me provoquer alors qu'il savait très bien à quoi s'attendre. Je baisse la tête pour emprisonner ses lèvres dans les miennes. Mes mains dévalent son cou, s'emmêlent dans ses cheveux en pagaille. Je suis fasciné de l'ardeur avec laquelle il répond à mon baiser. Pourtant, je n'arrive pas à lâcher-prise, quelque chose me dérange dans ce tableau, mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Je me décroche de sa bouche et finis par lui demander :
— Pourquoi ?
— Parce que tu es le seul à ne pas avoir peur de moi.
Je ne sais pas si cette réponse est suffisante, mais au moins je cesse de me poser des questions lorsque ses doigts parcourent mon torse et viennent effleurer mon bras touché par une balle seulement deux semaines auparavant. La blessure n'a laissé qu'une légère cicatrice dont je suis surpris de ne tirer aucune douleur.
Os ne s'y attarde pas et s'attelle plutôt à défaire ma ceinture. D'une légère pression, il m'envoie paître sur mon matelas. Bien trop surpris de le voir prendre l'initiative, je le laisse sortir ma verge qui se sentait décidément trop à l'étroit dans cet entrejambe. Il l'avale d'une traite, comme si elle pouvait se substituer au maigre dîner que nous avons englouti. Sa bouche délicieuse accomplit une extraordinaire valse sur mon érection. Bordel, comment peut-il y mettre autant d'avidité ? Il n'a quand même pas oublié tout ce que je lui ai fait subir ? Il devrait m'en vouloir, pas se jeter sur moi...
— Oublie ça cinq minutes, s'il te plaît, miaule son adorable petite voix.
Très bien, très bien. Pour une fois, c'est moi qui obéis. Il fait ça si bien, je pourrais juste jouir dans sa bouche, mais quel gâchis ce serait. Je me redresse et ôte mes vêtements toujours bien trop sales à mon goût. Je fais de même avec les siens, apparemment ces Vautours seront au moins parvenu à lui trouver des nippes à sa taille. Quand je l'étale sur la banquette, dans le plus simple appareil, je ne peux m'empêcher de caresser, fascinés, les contours de sa silhouette si pâle. Puis, ne résistant plus à l'attrait de ses lèvres, je m'étale sur son corps, l'enlace et l'embrasse sur toutes les parties que je peux atteindre. Ma bouche finit par descendre entre ses cuisses. Le léger goût salé de sa sueur est savoureux. Je l'avale, je le suce jusqu'au suc, pour tarir le feu qui brûle dans mes entrailles. Je veux le ravager et le chérir à la fois.
D'une torsion, je me penche pour tirer de sous cette couchette, le pot de vaseline planqué. Je peine à mettre la main dessus parmi le reste du bazar accumulé à cet endroit, mais rien au monde ne me forcera à me lever et à retirer ma main de sa cuisse chaude. Quand je le trouve enfin, je m'empresse d'en extirper une noisette et de masser mes doigts sur son orifice tendre jusqu'à les y faire rentrer. J'en profite pour revenir embrasser sa bouche. Comme il est excitant de sentir ses gémissements de plaisir inédits s'échouer dans ma gorge.
Il est temps, je ne tiens plus. Je me redresse et soulève ses cuisses comme pour le plier sur lui-même. Il couine lorsque j'enfonce ma queue bien dure en son antre. Je n'avais pas l'habitude de le prendre par devant et je confesse mon erreur. Voir son masque d'inexpressivité se fendre et se tordre en une myriade de mimiques est parfaitement délicieux. J'intensifie mes coups de reins. Je veux juste prendre mon pied et me défouler. Tant pis si c'est trop pour lui, s'il veut que je m'arrête, il n'a qu'à le dire, il est assez grand pour ça. Pitié, faites qu'il ne le demande pas.
— T'arrêtes pas, souffle-t-il entre deux saccades.
Je lâche un râle de plaisir. Je voudrais continuer à le pilonner éternellement, mais je suis déjà à bout. Je vais juste exploser dans son corps à ce rythme-là. Et en même temps, je ne veux pas que ça cesse.
Os prend alors une initiative que je n'ai pas vue arriver. Il se redresse sur ses coudes et enlace ses bras autour de mon cou. Il se sert de cette prise pour esquisser des ondulations de son bassin et se mouvoir sur mon sexe. D'où tient-il une arme aussi déloyale ? Je soulève ses cuisses pour l'empaler en cadence sur ma queue. Le fourbe profite de ce rapprochement pour coller encore ses lèvres. Je ne vais pas m'en plaindre. Qu'il dévore ma bouche pendant que je ravage son cul !
À bout, je le fais à nouveau basculer sur le dos et l'achève de mes derniers coups de reins, tout en branlant sa queue. Sans jamais me détacher de son baiser. Ma jouissance libérée, je m'enroule sur lui parce qu'il n'est plus question de me départir de sa chaleur. Même si son foutre me colle au ventre et que le mien lui glisse entre les cuisses.
Je crois que je finis par m'endormir comme ça. Rassasié et bienheureux.
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