Chapitre 46
Sara
Le soleil se détache tranquillement de l'imposante silhouette de la ville-colline afin de poursuivre sa course dans le ciel. Un jour comme les autres. Pourtant, la pression est à son comble.
Delvin, Selmek, Talinn et les trois Alters nous ont quittés voilà trois heures. Depuis, notre convoi reste au garde-à-vous, à peine camouflé derrière la dune. Nous guettons. Et nous n'avons aucune idée du temps qu'il faudra maintenir cette vigilance. Nous leur laissons une semaine. Ce qui est déjà énorme, considérant que plus les jours passeront, plus Madolan aura de chance d'imposer son influence à notre groupe, réduisant la possibilité de notre intrusion.
Et si rien ne se passe au bout d'une semaine ? Alors il faudra abandonner et repartir à Dulaï Nor. Je doute que Zilla soit capable d'accepter cette éventualité. Notre meilleur espoir réside dans ces premières heures. Alors nous attendons.
J'ai revêtu un plastron de cuir pour l'occasion. J'ai dit que je tenais à participer à la bataille. Wolf a gentiment accepté, même si je sais que cela l'obligera à concentrer ses efforts pour veiller sur moi. L'armure de fortune me tient chaud. Je me sens étouffée. J'en appelle à toute la foi que cette série d'aventure aura su faire brûler en moi. J'essaye d'oublier la mort d'Omar, celle d'Hector, celle de mon bébé, la jambe blessée de Rana. J'essaye de me convaincre que toutes ces épreuves ne nous ont pas menés ici sans raison.
Comme à chaque fois que je sens l'angoisse sur le point de me terrasser, je me tourne vers celui qui sert de pilier à ma vie.
Sauf que Wolf ne semble pas plus confiant que moi. Il tente d'apaiser ses nerfs en jonglant avec deux grenades.
— Tu es nerveux, mon amour ? demandé-je en sachant la réponse.
— Je n'aime pas ça, admet-il en reposant les engins explosifs.
— Tu as peur que la barrière ne s'ouvre pas ?
— Au contraire, j'ai peur qu'elle s'ouvre.
J'ouvre mes pupilles étonnées sur sa mine renfrognée, bougonne sous ses rouflaquettes drues. Il croise ses yeux sombres sur les miens.
— J'ai l'impression qu'on ne sait faire que ça, ajoute-t-il. Piller des villes, saccager, tuer... Nous avons été et nous sommes toujours des barbares.
Je suis choquée. Je n'avais pas songé à voir les choses de cette manière. Pourquoi mon mari s'embarrasse-t-il de scrupules maintenant ?
— Os dit que l'imposteur tient les habitants sous son joug. On va les libérer ! Comme à Orgö.
— Je ne sais pas... Est-ce que c'est vraiment ce que veut son dieu ?
Ses doutes me font perdre pied. Non Wolf, pas maintenant ! Pas alors que nous sommes si près du but ! Ne remets pas en question tout ce que nous avons accompli jusque-là !
— Dieu ? Tu parles de ce tyran qui se fait passer pour tel ? dis-je en me souvenant des paroles de Madolan au haut-parleur, la dernière fois que nous nous tenions devant cette barrière.
— Non, Os dit que les visions lui ont été envoyées de quelqu'un d'autre, d'autre part...
— Et ce quelqu'un d'autre, ce dieu, nous a envoyés ici pour une raison. Or, si ce n'est pas combattre, qu'est-ce ? Ce n'est pas comme si la ville nous avait accueillis... Elle nous a même rejetés sans ménagement ! Nous avons raison de faire ce que nous voulons faire.
J'essaye de calmer mon cœur battant d'anxiété comme je le peux. Wolf le perçoit et finit par m'attirer vers lui pour me rassurer d'un tendre baiser. Quand nos lèvres se détachent, je remarque un changement sur la barrière. La pellicule de stries bleues vient de s'évanouir.
— C'est ouvert. On y va ! clame Zilla sans attendre.
Ce n'est plus le moment de se poser des questions et Wolf semble d'accord avec cela. L'action en priorité. Je m'installe au volant du pick-up blindé et hérissé de herses, et carbure en direction de notre destin.
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Fen
Bien joué Talinn ! T'as toujours été un gars sur qui on peut compter ! Le soleil est monté au beau fixe pour admirer nos exploits guerriers. Aujourd'hui, pas de stratégie alambiquée, pas d'assaut en trois temps ou à revers, la configuration ne nous permet que de foncer dans le tas, bécanes vrombissantes. Grimm aurait approuvé. Que son âme hurle avec les chevauchées ardentes ! J'sais pas si tu nous vois de là où t'es, vieux, mais sois fier de nous. Les Rafales renaissent de leurs cendres pour le pillage ultime.
Les motos dévalent les plaines, laissant un nuage de poussière et de destruction planer dans leur sillage, le convoi de camions et tout-terrains suit à folle allure, mais c'est surtout le Mad Truck du chef qui ouvre la voie. Bardé de boucliers de tôles et de métaux, il fonce tel un bélier sur les défenses ennemies. De défenses, Os nous a vendu qu'il n'y aurait pas de quoi nous faire frissonner en face, qu'ils ont une telle confiance en leur barrière qu'ils n'ont même pas prévu de seconde ligne. Ça me rassure qu'à moitié ces prédictions de voyante bon marché, alors que Rana conduit notre camion avec une seule jambe, l'autre étant en miettes.
— Paré pour l'assaut final, bouffon ? me taquine-t-elle.
— Et toi ? Pas trop frustrée de garder le cul posé sur ton siège, grognasse ?
Elle sourit, je lui souris. Puis je descends du camtar, armé jusqu'aux dents et paré à lancer un joyeux feu d'artifice dans cette ville trop parfaite.
Pas de barrière pour arrêter la trajectoire de cette bonne vieille roquette, cette fois.
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Delvin
Soldate. Je serais soldate. Il leur aura quand même fallu trois de leurs gardes à terre pour les convaincre de mes talents au combat.
Une fois rassurés sur mes compétences, ils envoyèrent deux des trois pauvres hommes que j'avais rétamés pour m'accompagner jusqu'à mon nouveau poste. « Jouez le jeu », qu'il disait, Os. Je ne suis pas rassurée de me séparer de Selmek, surtout de Talinn, que je suis censée protéger.
Je m'attendais à devoir composer, au sein de mon escorte, avec des mines aussi amorphes que celle de Zora. À ma grande surprise, le plus jeune trépigna d'excitation dès notre sortie du tribunal des admissions.
— C'était ouf ! Où t'as appris à te battre comme ça, Wonder Woman ?
Je tire une moue surprise, ne saisissant pas la référence. Je vais le prendre comme un compliment.
— Là d'où je viens, les ennemis sont nombreux et impitoyables. Savoir se battre est essentiel.
— Waouh ! J'aimerais trop apprendre à me battre comme ça...
— Vous n'avez pas d'entraînement dans la garde ? questionné-je, surprise.
Il hausse les épaules et shoote dans un caillou qui traînait sur les pavés immaculés.
— Y'en avait avant, mais depuis que l'administrateur a mis en place le pacte de Sérénité, il n'y a plus de crime, donc plus besoin de s'entraîner.
Son aîné lui envoie un coup de coude bien senti. Ce n'est visiblement pas le genre de propos qu'il est convenable de servir à un nouvel arrivant, ni de prononcer tout court, en fait. Je m'étonne de cette liberté de ton alors que je m'étais convaincue, après les explications d'Os, avoir affaire à une brochette de citoyens lobotomisés.
— Excusez-le. Ses propos dépassent sa pensée.
Le regard noir que son collègue jette au jeune dissident suffit à le coucher comme un chiot honteux. Il bredouille quelques excuses.
— Pardon, je ne disais pas cela pour remettre en question les décisions de notre administrateur. C'est une bonne chose que la paix règne à l'Interstice, n'est-ce pas ?
Je hoche la tête, avec un semblant de gêne tout de même. Un étrange sentiment de culpabilité m'étreint. Sommes-nous réellement légitimes de les attaquer afin de « rétablir la liberté » ? Même si ces habitants sont sous emprise, ils semblent conserver leur personnalité. Quel droit avons-nous d'entacher leur bonheur sans demander leur avis ? Fut un temps, je conspuais le barbarisme et la violence des Rafales. À quel moment ai-je moi aussi franchi la ligne ?
J'évite de laisser les doutes s'entremêler dans ma tête. Pour l'instant, je dois penser à mes amis, ceux qui se mettent en danger ici et ceux qui restent coincés derrière la barrière. Ils sont les priorités. Le jeune, dont j'apprends qu'il s'appelle Bernard, me tend l'uniforme de la garde. « L'armure » se constitue d'un cuir noir souple moins solide et moins protecteur que ma tenue actuelle. Je l'enfile quand même. Apparemment, c'est obligatoire.
Bernard et le vieux larron qui ne m'a pas donné son nom me font faire le tour du rempart de la cité. Il n'est pas grand, pas très haut non plus, l'essentiel de son surplomb est donné par la colline. Je songe qu'en cas d'attaque, cela leur laisse une panoplie de défenses bien maigres. Si Vieux Larron fronce un sourcil soupçonneux à l'idée que je m'inquiète si vite de leurs défenses, Bernard me répond avec insouciance.
— Personne ne peut nous attaquer avec cette barrière. Puis même dans l'improbabilité où cela devait arriver, nous avons les rayons à plasma, rétorque Bernard avec foi.
Disant cela, il étire son bras pour désigner deux canons d'un modèle identique à celui qui a attaqué Rana. Il y en a le même nombre sur la partie sud du rempart. Une goutte de sueur perle à mon front et j'espère que l'œil de Vieux Larron n'est pas assez aiguisé pour la voir.
— Waouh ! m'exclamé-je en usant de tous mes talents de comédienne. Je n'avais jamais vu de pareilles armes ! Comment est-ce que ça marche ?
Si Vieux Larron nourrissait déjà des soupçons à mon encontre, alors ils décuplèrent à ce moment. Mais cela ne sembla pas attirer l'attention de Bernard.
— Viens ! Je vais te montrer ça au QG.
Je suis Bernard et Vieux Larron me suit. De très près.
Mon jeune nouvel ami me fait entrer dans une sorte de tour de guet en accotement sur le rempart. Je m'attendais à ce que l'intérieur soit à l'image des pierres taillées de l'extérieur : rustique. Au lieu de ça, je tombe dans un antre de technologie qui donnerait la trique à Talinn. Partout, des écrans tapissent les murs et illuminent la pièce. Des caméras. L'Interstice est filmé en permanence, sur tous les angles, et personne ne regarde.
Les gardes ont tous le nez rivé sur leurs écrans respectifs qui n'ont rien à voir avec les images de la cité. Ils semblent contrôler des petits personnages dessinés en 3D afin de les faire s'affronter dans une arène.
— Bouffe-toi mon ulti, Zargha !
— Mange tes morts, Duran ! T'étais censé me carry !
— J'y peux rien si tu fais spawn tes invocs au mauvais moment, Ducon !
Je ne comprends pas un traitre mot de ce qu'ils racontent. Ils ont l'air si concentrés sur leurs échanges par écrans interposés qu'ils ne remarquent même pas que Selmek est en train de se bagarrer sur l'une des vidéos. J'aimerais regarder ce que mon amie fait, mais cela attirerait l'attention de Vieux Larron, alors j'en détourne rapidement le regard.
— Quand vous aurez fini votre partie, les gars, n'oubliez pas de venir saluer la nouvelle, rappelle Bernard.
— C'est bon, on leur a mis la misère ! Désolés, la nouvelle. C'est quoi ton blaze ?
— Euh... je... Delvin, dis-je en supposant qu'il parle de mon nom.
— Cool Delvin. Dis-moi, tu sais jouer à Legion of Lords ?
Je ne sais même pas de quoi il parle. La seule chose qui me rappelle que ces individus sont supposés garder la cité est l'arme accrochée à leur ceinture. Une arme presque semblable aux canons à plasma que j'ai pu voir sur les meurtrières. Même s'ils ont des réactivités de limaces et ne savent pas tirer avec, je soupçonne cette technologie avancée est capable de causer de lourds dommages.
Je dois apprendre comment les mettre hors d'état.
— Non. Mais dis-moi plutôt Bernard, c'est ici que vous commandez les canons que tu m'as montrés à l'extérieur ?
Il n'en fallait pas plus pour lancer le jeune soldat qui désigne la console du doigt, sous l'œil réprobateur de Vieux Larron.
— C'est là ! Vois ça avec Duran si ça t'intéresse.
— Ouais, quand il aura fini de se faire laminer en ARAM ! rit grassement son collègue dont les coutures de l'uniforme sont proches du craquement au niveau de la ceinture abdominale.
— Encore en train de lambiner, n'est-ce pas ? Vous êtes irrécupérables.
Le reproche qui les interrompt émane d'une présence qui vient de faire son entrée dans la salle de garde. Une présence dont la voix m'est plus que familière.
Je fais volte-face et mon souffle se fige dans ma poitrine. C'est elle ! C'est vraiment elle ! Je reconnais bien son timbre, son allure assurée, son menton carré et ses yeux aussi flamboyants que sévères.
« Vous vous reverrez... »
Un frisson traverse ma colonne vertébrale tandis que son nom s'échappe de mes lèvres dans un murmure.
— Marika...
— Pardon Capitaine Obraïsov, réplique le dénommé Duran en se mettant au garde à vous, nous prenions juste une pause, comme tout était calme sur les écrans...
— Calme ? Vous appelez ça « calme » ? rugit Marika.
Pendant une seconde, je tremble d'effroi en songeant qu'elle vient d'apercevoir Selmek sur les écrans et que sa réaction signifie qu'elle n'est pas de notre côté.
— Que fait cet étranger dans la salle d'activation du bouclier ? Allez vite l'interpeller !
Finalement, ce n'est pas Selmek qu'elle désigne, mais Talinn. Ce qui n'est guère mieux. Sa main puissante presse le bouton d'une alarme et elle braille à l'encontre d'un bastion de gardes dans sa radio. Puis, elle redirige sa colère contre moi.
— Qu'est-ce que vous manigancez au juste ?
Je reste muette alors que Marika envoie ses foudres sur moi. Je suis figée alors qu'elle me somme de ses yeux dardant d'éclairs d'expliquer le flagrant délit de mon allié. Nous ne pouvons quand même pas être ennemies ? Pas alors que je viens tout juste de la retrouver...
— Mettez-la aux arrêts. L'Admission n'aurait jamais dû les accréditer aussi rapidement.
Sa voix cingle sans appel. Vieux Larron s'empresse de saisir mon bras comme s'il n'attendait que ça, Bernard hésite davantage, et moi je craque nerveusement.
— Mari... Qu'est-ce que tu racontes ? C'est moi, Delvin ! Tu ne me reconnais pas ?
Ses mains sont croisées dans son dos pour marquer une distance supplémentaire entre elle et moi. Menton relevé, regard intimidant, cette Marika n'a pas une once de mon souvenir en elle.
— Non. Je le saurais si nous nous connaissions. Cela fait-il partie de votre stratégie de sabotage ? User de pathétiques tentatives de déstabilisation ?
Je fulmine. J'enrage d'avoir cru que la prophétie d'Os signifierait que je retrouverai ma Marika. C'est comme s'il fallait que je fasse mon deuil une deuxième fois. La colère explose et j'use de la meilleure technique que je connaisse pour l'extérioriser : la violence.
Sur les écrans, je vois que l'attaque des Rafales – enfin des Rafales et des Vautours, devrais-je dire – a commencé. En une seconde, je ne pense plus à Marika, je pense seulement à ces ennemis qui risquent de tirer sur mes alliés à coups de canon à plasma. Je pense à la rage qui m'envahit face à l'expression sans pitié de la Marika imposteur.
Je me rappelle de cette clé de bras que Zilla m'a appris. Il avait corrigé mon geste en passant une main sur mon sein. Étrangement, cet affront a contribué à imprimer la gestuelle en moi. Je pivote mon bras, pousse le coude de Vieux Larron et force l'articulation dans un angle désagréable. Le garde crie, se penche pour suivre le mouvement et je l'achève d'un coup de genou dans la trachée.
Et d'un. Bernard se rue sur moi, mais il n'a pas gagné en force ni en technique depuis notre premier combat d'il y a une heure. Je lui tords le poignet et le propulse contre la fausse Marika. Je n'oublie pas, au passage, de décrocher l'arme de sa ceinture.
Je n'ai jamais tiré avec un tel pistolet, mais il faut croire que toutes les armes sont construites sur le même modèle. Je le braque sur la console qu'a désignée Bernard et tire trois salves dessus. Duran se jette à terre pour éviter le rayon. Grand bien lui en prend, car le laser ne laisse rien d'intact dans son sillage.
Je retourne juste à temps l'arme opportuniste pour me retrouver face à face avec Marika qui me braque de la même manière.
— Tu n'oserais quand même pas tirer sur moi, Marika ?
— C'est Capitaine Obraïsov pour ta gouverne, traitre.
Et je comprends qu'elle n'hésitera pas, qu'elle va le faire, même ! À ce moment-là, je dois tirer une croix sur mes espoirs. Mon rayon sort en premier. Le plasma touche et brûle son épaule. Elle hurle. Et moi je fuis la pièce pour m'éloigner au plus vite de cette abomination que je viens de commettre.
Dehors le chaos a déjà commencé à se répandre. L'assaillant – mon camp – a envahi la cité et je ne comprends plus rien au cirque qui se joue en face. J'ai l'impression que les assiégés surjouent très mal le rôle de victimes, avec des expressions et des attitudes qui ne correspondent pas à leurs cris ni leurs suppliques.
Je suis confuse et je ne saisis pas où doit être ma place.
— Delvin ! Tu vas bien ?
J'aperçois Selmek en contrebas. Dieu merci, elle s'est sortie de leurs griffes ! Je lui lance mon arme volée. Selmek est douée au tir, je suis douée au combat rapproché. Je parviendrai à en subtiliser une autre.
— Va aider Talinn ! lui dis-je. Des gardes l'ont arrêté dans le bâtiment des scientifiques.
Elle acquiesce et file accomplir sa tâche. De mon côté, je ne me sens pas moins égarée. D'instinct, je songe qu'il faut que je sécurise les remparts d'où quelques gardes plus téméraires que la moyenne arrosent nos troupes de leurs canons mortels.
Ils sont si occupés à cibler la menace qu'ils ne s'attendent pas à me voir débarquer. Encore une fois, je me sens presque coupable de les attaquer par-derrière, les désarmant avant de les assommer ou les tuant quand la première méthode échoue. Je n'en tire aucune gloire.
J'ai la surprise de voir que le dernier vise un guerrier qui se démarque au milieu des assaillants. Une silhouette svelte et agile qui fend l'air dans une ondulation d'or. À lui seul, il tient en joue une dizaine de gardes. Zilla. Qui d'autre ? Sauf que même ce sale type plus difficile à crever qu'une horde de cafards ne tiendra pas face à un rayon de canon à plasma.
Je réalise encore une des prises que ma Némésis m'a montrées – avec un panache certain, il faut le reconnaître – en immobilisant un bras du tireur, tout en le faisant chuter grâce à son propre poids. Sa nuque s'écrase contre le muret dans un craquement désagréable.
— Joli, Delvin ! lâche Zilla dans un souffle qui trahirait presque un début d'épuisement, après avoir mis à terre tous ses adversaires.
Son compliment ne fait que renforcer mon malaise. Bon sang, Delvin ! Tu viens de tirer sur Marika et de sauver son meurtrier ? Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ?
— Va plutôt voir ce que fabrique Os ! lancé-je pour masquer mon trouble. On a été séparé dans ce palais au bout de la rue. Il ne donne plus de nouvelles depuis une heure.
Je n'ai dit que ça et ça suffit à le faire blêmir, comme si je venais de lui annoncer sa mort. Je vois qu'il s'apprête à bondir dans la direction que je lui indique, pourtant, il se tourne une dernière fois vers moi.
— Merci Delvin, dit-il avec sincérité.
Je baisse la tête, plus honteuse que jamais.
— Te fais pas tuer, andouille.
Il sourit et part. Je soupire. Puis une douleur fulgurante traverse mon épaule. Un tir de plasma brûle mes chairs jusqu'à l'os. Je hurle sans retenue et m'effondre, terrassée par le choc. Quelle imbécile ! J'ai baissé ma garde et c'était une erreur de débutante.
Je reconnais la silhouette qui arrive vers moi. La fausse Marika.
— À charge de revanche ! dit-elle en faisant allusion à son bras brûlé qu'elle soutient avec souffrance.
Sauf qu'elle ne compte pas s'arrêter au bras dans mon cas. Elle relève le canon vers ma tête et j'ai tout le loisir d'observer le plasma s'agiter dans l'orifice du canon.
J'accepte de mourir si c'est de ta main, mon amour. Mascarade ou non, je n'aurais, de toute manière, jamais pu tuer ton image.
— Je t'aime Ma...
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