Chapitre 12, où naît une Guerrière et s’éveille un Sage

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De toute évidence, Embla était nerveuse. Elle faisait les cent pas devant son apprenti, s’agitant comme un papillon inquiet. Quelque chose n’allait pas.

Puis un troisième serviteur entra dans la pièce.

— ­­Son Altesse demande sa gouvernante, dit-il, sans un regard pour Yuga.

Embla secoua la tête.

— Je ne peux pas, je suis occupée avec mon apprenti.

— C’est urgent. C’est… c’est le bébé.

Les yeux de la vieille servante s’écarquillèrent.

— Déjà ? Très bien. Yuga, suis-moi.

Yuga ne voulait pas s’approcher de la reine. Mais il suivit Embla à travers le dédale de couloirs du château de Lorule. Il voyait l’orage par les fenêtres, les éclairs, et entendait la pluie qui martelait le toit. Et finalement, ils arrivèrent.

La simple vue des grandes portes de la chambre royale donna à Yuga l’impression de recevoir un coussin en pleine tête. Embla entra, il la suivit.

Le sol était jonché de draps, le lit, taché de sang. La reine Magda était alitée, le regard dans le vague. À ses côtés se tenait le médecin royal.

À l’arrivée de la gouvernante, un fin sourire apparut sur les lèvres de Son Altesse. Sourire qui disparut immédiatement quand elle vit l’apprenti. Ses yeux s’écarquillèrent. Elle ouvrit la bouche, mais il n’en sortit qu’un cri.

Embla fit signe à Yuga de quitter la pièce. Il passa la porte qu’elle lui indiquait, et se retrouva dans un petit salon drapé de mauve, de violet, de pourpre et de lilas.

Les secondes passaient, lentement. Dans la pièce voisine, Yuga entendait des cris. La reine hurlait, pleurait, elle implorait son roi de revenir la chercher.

Sur la table basse se trouvait un vieux livre à la reliure de cuir. Yuga le prit, espérant s’y absorber assez pour ne plus entendre les hurlements déchirants de Son Altesse.

L’ouvrage sentait mauvais. Il puait, même. À l’odeur de la poussière se mêlaient des effluves de moisi, de cave et de carton mouillé. Yuga dut le tenir à bout de bras.

C’était un livre de légendes, des vieilles légendes Loruliennes. Yuga adorait les contes traditionnels. Il pensait tous les avoir lus, mais dut se rendre à l’évidence : il n’en connaissait pas la moitié.

Puis les cris se tarirent, cédant la place à des gémissements et des pleurs. Embla entra dans le petit salon et se tourna vers Yuga, qui attaquait sa cinquième légende.

— La reine nous a quittés, dit-elle doucement.

Elle joignit les mains devant sa poitrine et ferma les yeux.

— Lorya ait son âme.

Machinalement, Yuga l’imita.

— Lorya ait son âme.

Ce n’est que quand le silence devint embarrassant que la gouvernante et son apprenti ouvrirent les yeux.

— Et la princesse ? demanda Yuga. Elle a survécu ?

— Elle a survécu.

— Comment va-t-elle s’appeler ?

— Hilda.

— Hilda ? répéta Yuga, interloqué. Comme la princesse des légendes ? L’élue des Trois d’Or ?

Embla acquiesça, son visage éclairé d’un sourire énigmatique.

— Elle a tout d’une Hilde. Elle a rejoint ce monde avec le courage d’une guerrière.

Puis le regard de la vieille servante se posa sur le livre poussiéreux, et sa bouche s’ouvrit en grand.

— Où est-ce que tu as trouvé ça ?!

— Ici, sur la table. Je…

Yuga ne savait plus où se mettre. Qu’y avait-il de si étonnant dans un vieux recueil moisi ?

— Tu l’as lu ? demanda Embla, les yeux écarquillés.

Il fit oui de la tête.

— Et tu as compris ? Tout compris ?

Yuga acquiesça à nouveau.

— Et alors ? C’est juste un livre de contes.

— Écoute, gamin… ce livre… ce n’est pas du Lorulien.

Yuga ouvrit à nouveau le livre, pour constater que ce n’était effectivement pas écrit en caractères Loruliens.

— Ah oui. C’est de l’Ehenihv.

Mais Embla ne semblait pas d’accord.

— C’est de l’ancien Lorulien, une langue morte. À part quelques érudits, plus personne ne le parle depuis des siècles ! Et encore, c’est un dialecte.

Yuga n’était pas un érudit. Il n’avait pas étudié les langues mortes. Mais alors, pourquoi…

— Je ne sais pas, répondit la gouvernante. Mais tâche de le découvrir. Pour ma part, j’ai d’autres chats à fouetter.

Et elle sortit, laissant Yuga à son livre.

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