La source de la beauté portait bien son nom. L'eau était limpide, couverte çà et là de nénuphars aux fleurs jaune pâle. Assise au bord du bassin, Hilda avait plié le genou, solennelle. L'aide des sorcières lui avait permis une traversée facile, en canoë sur l'eau boueuse du marais, mais la saleté ne l'avait pas épargnée pour autant.

Sa robe pendait lamentablement, déchirée et fangeuse. Ses cheveux ébouriffés étaient pleins de poussière. Son maquillage avait coulé, sous l'effet du vent, de l'humidité et des larmes.

Derrière elle se tenait Lavio, timide, sale, et silencieux, vêtu de son éternelle tunique violette et capuche assortie.

Hilda tira de son sac un bouquet de roses mauves. Ses préférées.

Les fleurs étaient fanées. La princesse se pencha, les secoua, laissant les pétales mêlés de larmes se déposer sur la surface de l'eau.

— D'abord, je te croyais mon ami... articula-t-elle, la gorge nouée. Puis je t'ai pris pour un traître. Maintenant, je comprends que tu m'as toujours été fidèle. Je t'en ai trop demandé, et tu as obéi. Pire que tout, tu es mort en croyant que j'avais été trahie. Pardon. J'ai été sotte.

— Il savait bien qu'il n'y survivrait pas. Il savait bien qu'il mourrait pour la beauté de ce royaume. Peut-être était-ce son destin ?

La princesse et son ami se retournèrent.

Derrière eux se tenait une petite sorcière au teint pâle et aux yeux bleus sombres perçants. Son allure n'était pas habituelle. Ses cheveux arboraient un blanc parfait, son nez était long et pointu.

Mais ce qui frappa Hilda et Lavio, c'était son maquillage. Des lèvres roses, une ombre à paupières azur et un eye-liner rouge.

Ils avaient presque le même visage.

La femme s'avança et déposa dans la source quelques vieux objets. Une boîte vide, une besace de toile, un petit papier couvert de gribouillis.

Puis elle se tourna vers Hilda et lui tendit un petit carnet à la couverture grisâtre.

— Après ses dessins, les pages sont vierges. Écris-y ton histoire, Hilda de Lorule.