La théorie des nouilles ne peut être conçue que par des esprits dénués de toute intelligence. Du moins, c'est ce que pensait le professeur Henri Leclerc, un scientifique rigide et sceptique, adepte des méthodes de pensées rationnelles et empiriques. La simple évocation de cette idée farfelue suffisait à lui provoquer des migraines, tant elle défiait la logique et la raison qu'il chérissait tant.

Pourtant, tout commença un matin pluvieux d'automne, alors qu'Henri préparait son café dans sa cuisine encombrée d'appareils scientifiques. Ce jour-là, une enveloppe brune attendait sagement sur le paillasson, portant les marques du voyage et le cachet d'une expédition lointaine. À l'intérieur, une lettre et un dessin hâtif, représentant une montagne de nouilles entrelacées et un curieux engin métallique au sommet.

Intrigué malgré lui, le professeur peina à dissimuler son irritation. "Qu'est-ce que c'est encore que cette absurdité !" marmonna-t-il en jetant un œil critique au dessin. Mais quelque chose dans le schéma éveilla une étincelle de curiosité qu'il n'avait pas ressentie depuis des années.

Le professeur approcha ses lunettes de son nez, ajusta leur position, et se pencha encore plus près du dessin. Sa nature sceptique luttait contre l'inexplicable fascination qu'il ressentait pour ce gribouillage apparemment enfantin. Les lignes, bien que grossières, formaient des motifs étrangement familiers.

Il murmura plus pour lui-même que pour quiconque d'autre : "C'est impossible... Ça ressemble à... non, ça ne peut pas être ça."

La porte de son bureau s'ouvrit délicatement, laissant entrer une fine silhouette. C'était Lila, sa plus brillante étudiante. Elle portait un sourire énigmatique, témoignant de la satisfaction d'avoir enfin capté l'attention du vieux professeur.

"Monsieur Leclerc," commença-t-elle doucement, "je savais que cela vous intriguerait. J'ai découvert ce dessin dans des manuscrits oubliés au fonds de la bibliothèque universitaire."

Le professeur Dubois la regarda, partagé entre incrédulité et fascination. Il tenait le dessin du bout des doigts, comme s'il craignait qu'il ne s'évapore. "Expliquez-vous, mademoiselle Laurentin. Où exactement avez-vous trouvé ces manuscrits, et à quoi sont-ils liés ?"

Lila s'approcha du bureau et se pencha vers le professeur, tapotant délicatement un coin du dessin. "Ils étaient cachés dans la section des archives interdites, étiquetés sous un nom anonyme. Mais en déchiffrant les anciennes annotations, j'ai découvert qu'ils faisaient référence à des expériences menées par un certain scientifique du siècle dernier. Un génie oublié, ou peut-être effacé volontairement de l'histoire. Ce dessin... ce schéma est une clé."

Une sensation de vertige envahit le professeur. "Une clé pour quoi ?" interrogea-t-il, bien que sa question semblait plus être une déclaration de sa propre incrédulité.

Lila se redressa, décidée. "Pour ouvrir un portail, monsieur, un portail vers une autre dimension. Ou du moins, c'est ce que prétendent les annotations."

Le professeur la fixa, son esprit rationnel en guerre avec la promesse d'une aventure intellectuelle sans précédent. Était-il prêt à risquer sa réputation et peut-être même sa santé mentale pour suivre cette piste insensée ? Après tout, la frontière entre le génie et la folie est souvent mince.

Mais l'étincelle de curiosité, cette petite flamme qu'il avait crue éteinte à jamais, brûlait de plus en plus fort. "Très bien, mademoiselle Laurentin. Poursuivons cette investigation. Mais je vous préviens, si c'est une plaisanterie..."

Lila sourit de manière rassurante. "Pas de plaisanterie, professeur, juste une promesse de découvrir quelque chose qui pourrait changer notre compréhension de l'univers."

Le professeur hocha la tête, un mélange d'excitation et de terreur dansant dans ses yeux. "Alors préparons-nous, mademoiselle. Nous avons un portail à ouvrir."