Le virus Asperger
Genre : SF d'anticipation
Classement : Young Adult
Date : 2016 (retouchée depuis)
Estimation de l'auteur : *** (du potentiel, mais des maladresses de style et d'enchaînement des évènements que je n'ai toujours pas su entièrement gommer)
Lorsque je poussais la porte de l’Institut national des études psychiatriques relatives à l’autisme, je me suis demandée si pendant un moment je ne faisais pas une erreur. Mais c’était trop tard pour faire demi-tour. De toute façon, j’étais une cobaye, j’avais testé bon nombre de médicaments de chez Boiron, alors pourquoi est-ce que j’aurais reculé ? Oh, si, je savais pourquoi.
Une fois qu’on m’aurait piquée, plus rien ne serait jamais comme avant.
De toute façon, il fallait bien que cela se fasse. Quitte à ce que les gens deviennent bizarres, renfermés sur eux-même, incompréhensibles. Le monde entier avait besoin de surdoués. La moyenne de QI avait baissé de 10 points ces 20 dernières années. On avait accusé une Éducation nationale laxiste, on avait supposé qu’il s’agissait d’une IST invisible, mais le phénomène était mondial, bien trop grand pour parler d’un ou deux systèmes défaillants ou d’une pandémie même à l’échelle du Sida. Non, l’humanité était devenue stupide, c’était la seule explication possible. On ne recrutait plus, les CDI n’existaient plus, les gens devenaient butés, agressifs, dépressifs. La Silicon Valley avait tenté d’y remédier, mais elle avait trop de crimes sur les épaules, notamment à cause de l’échec transhumaniste de 2090.
Et puis, il y avait eu ce savant français. Un vrai. 200 de QI. Une détermination imprenable. Un champion de la chimie complètement cinglé.
Hermann Delaroche était un genre de Nicolas Tesla, un Napoléon des molécules. Il avait passé 30 ans de sa vie à essayer quelque chose que personne n’aurait imaginé avant lui : convertir une chose a priori non physique en matière. Ses travaux s’étaient donc portés sur l’esprit humain. Je vous épargne les livres de psychologie qu’il avait potassé, mais il était allé jusqu’à contredire Sigmund Freud en personne. Et quelque chose le fascinait plus que tout : le syndrome d’Asperger.
Le syndrome d’Asperger était quelque chose, une chose que l’on ne connaissait pas trop, une chose tapie dans l’esprit des autistes de haut niveau qui leur permettait de développer un attirail incroyable de capacités intellectuelles. La plupart se lançaient dans les maths. Beaucoup dans les arts, surtout le dessin et la musique. On soupçonnait qu’Einstein lui-même en était atteint. Et c’était ainsi, que le 18 juin 2120, il avait fait publier dans tous les journaux de France : ce syndrome mystérieux, il avait réussi à le convertir en formule.
La nouvelle avait fait le tour du monde en deux jours à peine. On avait tenté de convertir l’amour comme ça, ainsi que le doute ou le subconscient. Ça s’était partout soldé sur un échec. Mais lui, il avait imaginé, il avait vu et il avait réussi.
Je pénétrais dans le hall. Le docteur Shwartzenbaum m’accueillit en me tendant une poigne forte :
« C’est vous la cobaye ?
— Normalement oui. Il n’y a pas eu de changement ?
— Non, le Sérum n’attend que vous. Vous allez être la première personne à contracter Asperger autrement que ad innatus.
— Pardon ?
— Vous allez être la première personne à ne pas être Asperger depuis la naissance. »
Elle me mit dans une salle d’attente. Je feuilletais les journaux. Imaginez-vous une salle d’attente avec des magazines tout ce qu’il de plus salle d’attente, mais à une époque où Paris Match est devenu le fleuron de la presse intellectuelle. Après un petit moment, je trouvai pourtant des revues scientifiques glissées entre Femina et Femme actuelle. Ce que j’y lus semblait comme d’habitude n’avoir aucun sens.
Après quelques minutes, la porte claqua et un grand homme en blouse blanche apparut. Il était massif, aux épaules larges et à la tête rebiquant vers l’avant. Son badge m’indiquait clairement qu’il m’attendait : Dr Delaroche.
« Bien. Venez dans mon bureau, vous serez plus à l’aise pour faire la causette. »
***
« Nom ?
— Martin.
— Prénom ?
— Aude.
— Date de naissance ?
— 2 février 2101.
— Quotient intellectuel ?
— 95 points.
— Nationalité ?
— France, issue de parents français.
— Quelles sont vos capacités ?
— Mes colocs me disent que je ne suis pas douée en cuisine, mais j’adore ça.
— Aimez-vous un animal en particulier ?
— J’aime bien les chats angoras, mais c’est long à brosser. »
Le Dr Delaroche regarda une liasse de papier.
« Je vois. Tout ce qui est marqué dans votre dossier est vrai. Quel est le dernier livre que vous avez lu ?
— Des fleurs pour Algernon, il y a un ou deux ans.
— Je vois. Bon choix de lecture, très bon choix. »
Il posa un Rumnik’Cube devant moi.
« Combien de faces y voyez-vous ?
— Encore un test ?
— C’est le dernier, croyez-moi.
— Bon. Je vois une face.
— C’est tout ?
— C’est tout. »
Il se leva en s’étirant. Je regardais son bureau. Les murs étaient pleins à craquer de gros pavés et de dossiers plus ou moins en cours. Il n’y avait pas d’ordinateur.
« Vous n’avez pas d’ordi ? fis-je remarquer.
— Très mauvais, l’ordi. C’est ça qui nous a rendu crétins. »
Puis il s’engouffra dans les couloirs. Je le suivis. Nous arrivions devant la salle du Sérum. Je réalisais pour de bon que j’allais devenir une Aspie.
« Vous êtes prête ?
— Je suppose, dis-je, installée sur la chaise.
— Respirez un grand coup. Vous ne sentirez rien, me dit l’infirmier.
— Rien du tout ?
— Juste une petite piqûre. »
Il approcha la seringue. Dans un coin, le Dr Delaroche m’observait d’un air impatient.
« Il est 9h02, dit l’infirmier. Note ça, Ginette. »
La secrétaire hocha la tête.
Il approcha la seringue, je fermais les yeux. Ça y était. L’aiguille pénétra dans ma chair, traversa mon épiderme, s’injecta dans le nerf de mon pouls. Le liquide s’installait en moi, ainsi que le microbe As02, un virus gorgé du liquide. C’était une bestiole très contagieuse mais parfaitement inoffensive, pour que mon syndrome puisse se propager comme une maladie à travers mes proches, puis les proches de mes proches, jusqu’à ce que le monde entier se fasse contaminer. Les tests précédents avaient été faits avec du matériel stérile et s’étaient révélés concluants. À présent, le gouvernement avait donné son feu vert et c’était moi qui avais été chargée de propager la maladie.
Le seul problème, c’était pour les personnes qui étaient déjà Asperger.
« Tous les autistes de haut niveau devront partir sur l’île d’Ouessant, rachetée récemment par l’État, m’avaient dit les infirmiers. Ils seront en quarantaine.
— En quarantaine, alors que c’est nous qui serons « malades » ?
— Parfaitement ! Si un Aspie contractait deux fois son syndrome, on ne sais pas ce qui pourrait se produire alors : un surhomme ? un dédoublement de personnalité ? une mort cérébrale ? L’île d’Ouessant est un endroit magnifique, où ils pourront exprimer leur talent en toute solitude. Tout le monde n’aura pas cette chance ! »
Enfin, l’aiguille se retira. Je m’étais attendue à ce qu’une secousse vienne m’ébranler toute entière, que ma tête éclate comme une essoreuse à salade trop remplie. Mais non. Il ne s’était rien passé du tout.
« Ça va ? me demanda Delaroche.
— Ça va, oui.
— Bon, eh bien, revenez demain me dire comment ça va.
— Je… Je pars maintenant ?
— Naturellement ! Vous n’aviez pas l’intention de vous éterniser ? »
***
Je rentrais dans mon appartement. À l’intérieur, mes colocataires s’amusaient : c’était dur de payer le loyer d’un 25 m2, mais autant d’espace, ça en valait la peine. On s’amusait bien, surtout avec Zoëllie, la moins intelligente de nous cinq, qui voulait tout le temps qu’on danse ensemble. Il y avait Lucie aussi, mais je ne me frottais pas trop à elle ces temps-ci ; je crois qu’elle était jalouse que ce soit moi qui soit choisie.
« Pourquoi est-ce que je ne peux pas devenir Asperger la première ? J’ai moins de QI que toi, ça montrerait mieux si le test est concluant ou pas !
— Devenir Asperger et intelligent, ce n’est pas la même chose ! avais-je essayé de lui expliquer. Bien sûr, notre intelligence augmentera un peu, mais il y aura toutes sortes d’effets secondaires. Et puis, on sera focalisées dans un domaine, au point d’oublier quasiment tout le reste ! De toute façon, l’important, c’est qu’on le devienne toutes les deux ! »
Après, il y avait Joanna, l’intello du groupe, si on peut dire. Elle avait 101 de QI, elle se vantait dans tout le quartier d’avoir réussi à obtenir un CDD de 8 mois. C’est vrai qu’il y avait de quoi être jalouse. Et enfin, il y avait Julia, qui n’avait pas sa langue dans sa poche. Sans elle et son bon vieux caractère de pipelette, je ne sais pas ce qu’on serait devenues.
« Alors comment ça s’est passé ? T’as pas eu mal, au moins ?
— Non, non… Je me sens pas différente qu’avant, en fait.
— Bon, ce soir, c’est toi qui fais la cuisine !
— Mon Dieu ! ironisa Joanna. Non allons encore manger des sorbets aux huîtres ou de la salade de poissons rouges ! »
Zoëllie éclata de son grand rire enfantin un peu benêt.
« Moi, j’aime bien les poissons rouuuges ! »
Pauvre Zoëllie. Il aurait fallu la placer sous tutelle, mais ça n’était plus possible de nos jours.
De toute façon, la cuisine était mon passe-temps favori. Mais lorsque j’étais entrée dans la cuisine, j’avais tout de suite éprouvé un changement par rapport à d’habitude.
Je me sentais vraiment dans un élément naturel. J’avais envie de créer, décorer, faire des gratins, des tourtes, des desserts. Je regardai le livre de cuisine. Pour la première fois de ma vie, je n’eus pas besoin de me concentrer pour faire les proportions. Lorsque l’heure du dîner sonna, tout le monde s’attroupa autour du plat. Elles commencèrent à manger, affamées. Soudain, elles s’interrompirent net et Joanna ma regarda avec des yeux ronds.
« Bon sang, mais comment t’as fait ça ?
— Bah, j’ai suivi la recette ! En y ajoutant quelques ingrédients pour faire plus bon…
— Mais c’est divin, ton machin ! Attends, mais t’as rajouté quoi ?
— Bah… Un peu de roquefort pour les calories… Et puis pour les glucides, j’ai haché de la viande en morceaux, que j’ai disséminés un peu partout…
— Non mas punaise ma grosse, c’est absolument hallucinant ! Tu continues comme ça, ta tambouille tu vas la faire dans les cuisines de l’Élysée !
— Quand je te disais qu’Asperger et intelligent, c’était le même truc ! rechigna Lucie. Bon, si on regardait un peu la télé ?
— Oh ouais, dit Zoëllie, des dessins animés !
— Non ! Les dessins animés, c’est le matin, Zoëllie ! Le soir, on regarde les actus !
— Mais c’est trop nuuuuuul !
— C’est la vie, on peut pas faire ce qu’on veut, » dit-elle comme avaient toujours dit toutes les personnes qui ne parvenaient pas à prendre leur vie en main.
La télé allumée, nous étions parties pour regarder le journal de 20 heures de France 2. Pour une fois, ils parlaient de politique, mais c’était très simpliste, comme toujours. Le présentateur nous avait parlé des troubles en Russie, avec le nouveau président, Victor Petrovsky, qui voulait visiblement reconquérir la Biélorussie et l’Ukraine.
« Allez ! râla Joanna. Encore un pourri dans le monde.
— Les arguments de Petrovsky sont pourtant très convaincants, continua le présentateur. Depuis la baisse de quotient intellectuel, la Russie est le pays le plus ouvert pour les emplois. Mais les présidents biélorusses et ukrainiens restent méfiants. On se souvient qu’il y a 10 ans, le conflit tchétchène avait repris feu et que le parti officiel avait voulu tuer tous les agitateurs… Or, l’Ukraine est de plus en plus tournée contre la Russie, car elle trouve que celle-ci se met à ressembler au temps de l’Union soviétique…
— L’Union soviétique ? demanda Julia. C’est quoi ?
— C’était un grand pays qui se trouvait à la place de la Russie, dirigé par un dictateur. On survole ça dans le programme scolaire, pour éviter d’embrouiller les élèves.
— Pourtant, plusieurs personnes en Biélorussie manifestent pour le retour de Minsk au pays de Moscou : les petrovskystes. Et à présent, voici un endroit dans la Meuse où vous aimerez passer vos vacances. Cet endroit, récemment racheté par Intermarché, vous fascinera, notamment pour le pouvoir d’achat chez les artisans du coin. Des objets faits avec amour dans de petites entreprises à peu près écologiques sur tout, et garanties par Intermarché, nous y revenons après une page de pub… »
Joanna éteignit la télé.
« Mais je veux voir les puuuuuuubs !
— Tu vas te coucher, Zoëllie ! »
Pour la première fois, Zoëllie ne me fit pas rire. C’est alors que je me rappelais de Des fleurs pour Algernon. Est-ce que j’allais devenir pareil, un savant qui n’arrive pas à se comprendre lui-même ?
Le lendemain, je retournais à l’Inepra. Delaroche était visiblement heureux de le voir.
« Les travaux ont encore avancé ! Nous avions conçu le Sérum, nous avons à présent réussi les Compléments !
— Qu’est-ce que c’est ?
— Les Compléments ? Oh, c’est très simple ! Supposons que le virus vous a contaminé, et que vous ne vous sentez toujours douée ni pour les maths, ni pour la science, ni pour la littérature ! Bref, vous vous sentez aussi nulle qu’avant, mais en plus, vous êtes renfermée par rapport au reste du monde ! Vous n’avez pas trouvé votre don… Mais qu’est-ce qui vous empêche de l’inventer ? »
Il m’entraîna dans une salle où se trouvaient différents tubes renfermant des liquides multicolores. Dessus, il était marqué sur des étiquettes Piano, Algèbre, Histoire et géographie, Économique et social général…
« Contrairement au Sérum, les Compléments ne renferment pas l’As02, et ne sont donc pas contagieux. Si vous vous piquez avec « Piano », au bout de quelques années, vous deviendrez virtuose en piano. Mais pour cela, il faut être sûr d’avoir avant d’avoir examiné tous les domaines. Et vous, auriez-vous besoin de Complément ? »
Je réfléchis un moment.
« Bah… Je me sens toujours passionnée par la cuisine… Alors c’est peut-être de ce côté-là que mon syndrome veut me faire avancer…
— Ah ! En attente de nouvelles, alors. »
Il ressortit le Rumnik Cube.
« Combien de faces voyez-vous ? »
Je réfléchis un moment, puis dis :
« Trois.
— Trois ?
— Oui, la face en face de moi, et celles sur les côtés.
— Je vois ! Le microbe se propage en vous à une vitesse incroyable ! D’ici quelques jours, tout votre appartement sera contaminé ! »
Nous discutâmes encore un moment. Puis je pris congé, quand soudain, je vis un bout de papier accroché aux grillages de l’entrée : Pour Charly. Charly… Le héros de Des fleurs pour Algernon… Est-ce qu’on s’adressait à moi ?
Je regardais à droite à gauche, puis ni vu ni connu, je le ramassais. Je n’ai pas tout de suite cru ce qui était marqué dessus :
AUDE MARTIN, ON RISQUE DE TOUS MOURIR
***
Je ne fermais pas l’œil de la nuit suivante. Tous mourir ? Mais pourquoi ? Est-ce qu’il fallait que j’en parle à quelqu’un ? Mais qui ? Le docteur ? En quoi il pourrait m’aider ? Et pourtant il était impliqué dans l’affaire, sinon, on m’aurait pas appelée Charly. Zoëllie ou Julia ? Elles le répèteraient à tout le quartier. Et si j’en parlais aux autres, elles préviendraient la police, on m’interdirait de me mêler de tout ça, et peut-être qu’on n’en reparlerait jamais plus… Il fallait que je sache, mais question détective, je suis la fille la plus nulle du monde.
Le lendemain, tout le monde faisait du bruit. Zoëllie braillait, Julia piaillait avec Joanna et Julia râlait à son habitude. Elles faisaient une cacophonie insupportable autour de la boîte de corn flakes. De temps à autre, l’une d’elle parlait parlait d’avoir trouvé des intérims ou des CDD de 2 mois non renouvelables. D’habitude, j’aimais bien cette agitation joyeuse, ces cris du petit matin, cette sympathie berçante empreinte d’une chaleur humaine légèrement détraquée, mais bien présente. Mais là, je me sentais mal à l’aise au milieu d’elles. J’essayais de me concentrer sur une idée de recette qui m’avait traversée la tête au petit matin, et que j’avais finie par développer pour chasser les idées noires apportées par le message.
« Les filles, ça vous dirait pas de baisser un peu le volume ?
— NON !!!! » cria Zoëllie.
Il y eut un silence gêné et elles finirent toutes par éclater de rire. Je me levais. J’avais besoin d’un endroit calme, et mon esprit ressemblait à une superballe lancée au ralenti.
« Tu restes pas ? me dit Joanna.
— Non, je vais dans un endroit calme.
— Oh, on est quand même pas si gênantes que ça !
— Je te dis, je m’en vais ! »
Joanna fit un mouvement de recul. C’était la première fois que je me comportais de manière aussi agressive. Je m’en rendis compte aussitôt. Mais je m’entêtais. Non mais faut quand même un peu d’autorité ! Qu’elle me foute la paix que je puisse respirer moi aussi !
Je m’en allais vers mon lit. Mais on était dans un studio, comme tout le monde, alors j’étais juste à côté. Je me mise à me demander si je ne serais pas mieux… sous mon lit. Pas sous les couvertures, vraiment au plancher ! Après quelques minutes d’hésitation, je me glissai dessous et commençais à noter mes idées sur une liste de courses, le seul papier qu’on avait à la maison. Surtout, ne pas me faire voir par les autres. Mais elles semblaient trop absorbées dans leur p’tit-déj’. D’ailleurs, moi aussi, j’avais la dalle. Un bon cuisinier a peut-être toujours faim, après tout. Je replongeais mon nez dans le papier…
« Eh, regardez ! Qu’est-ce qu’elle fout sous le lit ? »
Merci, Julia.
« Qui ça, sous le lit ?
— Aude !
— Évidemment, grosse pouffe, tu croyais que c’était moi ?
— Qu’est-ce qu’elle fout sous le lit ?
— Elle fait la poussière ou quoi ?
— Non, je sais ! Elle a un mec sous le lit, et elle est en train de le baiser ! »
Une vague de « Oooooh » convulsifs parcourut la pièce.
« Non mais sérieux, dit Joanna, vous êtes vraiment pas sympas, quoi ? Vous aimeriez qu’on vous dise ça, vous ? »
Mais Lucie et Zoëllie étaient déjà parties :
« Aude-euh va faire un bébé-euh ! Aude-euh va faire un bébé-euh !
— Mais foutez moi la paix, non d’un chien ! criais-je.
— Allez, sors de là-dessous, soupira Julie. Quoi qu’il arrive, tu vas te retrouver pleine de poussière. »
Je grognai et m’exécutai. Le plus dur à admettre, après tout, c’est qu’elles avaient raison.
« Bon allez, dit Lucie, la pouffe vous laisse, j’ai un CDD, moi ! Si y’a un pépin, vous m’appelez sur mon smartphone !
— Moi aussi, soupira Joanna. Si mon recruteur veut me garder, il faut que j’arrive tôt au boulot. »
Elles avaient fermé la porte, me laissant avec Julie et Zoëllie. On allait s’éclater. Enfin bon, je me disais que la journée ne serait finalement pas si mauvaise que ça. Quand Zoëllie s’est approchée de moi avec son air d’abrutie cosmique :
« C’est vrai que tu fais des bébés avec quelqu’un ? »
Je la frappais brutalement. Elle s’écroula par terre, abasourdie.
« Non mais t’es complètement folle, toi ! » me cria Julie.
Je me jetais sur elle. Elle m’esquiva bien trop facilement à mon goût. Je revenais à la charge. Elle se foutait complètement si j’attaquais ou non. Je me souvins soudain qu’elle avait fait six mois de judo. Même il y a trois ans, ça pouvait faire mal. Je me tirais vers la porte du studio quand elle me barra la route. Je lui lançai un coup au tibia. Loupé, mais l’effet de surprise me laissa le temps de parvenir devant la poignée. Au moment où je l’ouvrais…
…elle me sauta dessus.
Je suis rentrée contre l’angle de la porte. Ma lèvre a éclaté, je tombai par terre, sous le poids de cette sympathique éléphantine qui me tordit le dos en deux. La porte grinça sur ses gonds, et me heurta une nouvelle fois la tête, sans violence cette fois. Je me mis à chialer.
« Tu sais quoi ? Eh ben c’est bien fait pour toi, de frapper Zoëllie, espèce de pétasse ! »
En gémissant, je sortis du studio pour me recroqueviller contre la cage d’escalier dans le couloir de l’immeuble. Je l’injuriai, du mot le plus ordurier que je puisse trouver dans mon vocabulaire. Puis je me mis à sangloter, secouée de spasmes, en maudissant les autres intérieurement. Ma haine contre elle pouvait commencer.
***
« Des nouvelles de votre autisme ? me demanda le Dr Delaroche, non sans jeter un coup d’œil au caillot de sang séché sur ma lèvre inférieure.
— Oui… Il y a eu un problème ce matin. On s’est disputées, pour un rien, et…
— Je vois. Ne vous en faites pas, une fois que tout le monde sera Asperger comme vous, on vous comprendra. Il y aura moins de conflits de ce genre…
— Vous êtes sûr ?
— Tout à fait sûr. »
Il me parla des difficultés que j’allais désormais affronter au quotidien.
« Vous voyez, les Aspies ont toujours eu du mal à s’intégrer. Oubliez le travail d’équipe, ne bossez qu’en solo, ça vaudra mieux pour votre entourage. Comme le dit Picasso, « aucun grand travail n’est possible sans la solitude ».
— Oui, Docteur, mais maintenant que vous avez… focalisé mes capacités intellectuelles, j’ai comme un doute. Pourquoi nous rendre Asperger, alors que vous auriez plutôt pu centrer vos recherches sur l’intelligence ? Vous nous auriez rendus tous surdoués, et il n’y aurait pas eu d’inconvénient de ce genre !
— Pourquoi ça ? (Il rit.) Ah, je m’attendais à ce que vous me posiez cette question plus tôt. La raison est bien simple : comment comptez-vous survivre dans un monde peuplé de surdoués sans la moindre forme d’autisme ? Le monde deviendrait dangereux, les dictateurs plus ambigus de jours en jour, les voleurs sauraient exactement comment s’infiltrer, on inventerait de terrifiantes machines de guerre… Non, il faut avoir des limites et les imposer ! Sinon, le monde entier serait chamboulé. Plus les humains seront restreints les uns des autres, mieux ça vaudra pour les populations.
— Mais dans ce cas, pourquoi nous avoir rendus Asperger ? Je ne vous suis pas.
— Tenace, hein ? Je crois que vous avez gagné des points de QI supplémentaires. Il est vrai que j’aurais pu — que j’aurais du — vous rendre simplement vos dix points de QI en moyenne manquants, mais quel intérêt ? Le monde se doit de changer. Tout le monde ou presque était « normal » avant, mais la politique ratait sur tous les nivaux. Sarkozy, Hollande… Tous ces présidents morts et oubliés depuis longtemps étaient considérés à l’époque comme les fautifs de grandes catastrophes : chômage, misère, suicides… Avec le syndrome, tout va changer ! Ce grâce aux Compléments que j’octroierai. »
Sur ce, il me souhaita une bonne journée. Mais je ne le croyais pas. La raideur de son visage, son rire jaune et son air gêné trahissaient qu’il n’était pas sûr de lui. Et puis ses arguments restaient bancales. J’étais peut-être la pire détective du monde, mais lui était peut-être aussi le pire menteur du monde.
Alors que je ressortais de l’appartement, je voyais un nouveau papier « Pour Charly ». Comme la dernière fois. Qu’est-ce qu’on voulait me dire ? Je le dépliai méticuleusement. Toujours la même écriture nerveuse, agressive, désespérée même :
DEUXIÈME TIROIR DU BUREAU DE SWARTZEMBAUM, À DROITE. C’EST NOTRE ESPION. REJOINS-NOUS ICI VERS 19H00.
***
Je n’arrivais pas à dormir cette nuit non plus. Mon cerveau tournait encore à plein régime. Est-ce que je devais faire ce qu’ils me disaient ? Je ne les connaissais même pas ! Et de qui est-ce que je devais me méfier ? Du Docteur… ou d’eux ? Pourquoi me demandaient-ils de les rejoindre ? Le lendemain, nous étions un samedi. Je m’attendais à ce que Zoëllie nous saute dessus pour réclamer les dessins animés du samedi, mais curieusement, elle n’était pas là. Ce n’était pas normal. C’était intriguant, même…
Je regardai son lit. Bon sang, elle n’était pas là. Désemparée, j’hésitais un instant. Puis, je me mis à paniquer et à secouer Julia comme un prunier.
« Julia ! Julia !
— Quoi ? me hurla-t-elle d’un ton inhabituellement agressif.
— Zoëllie a disparu !
— C’est ta faute ! Qu’est-ce que tu lui as fait ?
— Sois pas stupide, Julia, dit Joanna. En tout cas, où qu’elle soit, elle va avoir affaire à m… »
Un tintement de clés nous interrompit alors. Lucie, qui avait entendue toute la scène, fut prise d’un doute et regarda sur la commode qu’elle partageait avec Joanna où elle mettait normalement son trousseau. Zoëllie apparut sur le pas de la porte, l’air de rien, avec une liasse de papier A4 et des crayons de couleur, comme si de rien n’était. Elle avait dû aussi prendre une barre chocolatée en passant.
« Bah quoi ? fit-elle en regardant nos mines abasourdies.
— Ce que t’as fait à Lucie en lui prenant dans ses affaires, ça s’appelle du vol ! Tu vas lui rendre les clés tout de suite !
— Quoi ! dit-elle. J’ai pas de clés, moi ! Toute façon, on met l’argent en commun ! Et puis j’ai 18 ans, j’ai le droit de sortir comme je veux ! »
Personne ne s’attendait à ces arguments. À vrai dire, personne ne pensait qu’un jour, Zoëllie irait se faire la malle. Elle déchira l’emballage plastique et se mit à ouvrir la boîte de crayons de couleur. Elle se mit à dessiner sans nous prêter attention. Nous avions bien tenté de lui mettre la télé, mais lorsque nous avions allumé le poste et que la télé s’était mise à égrener le tintamarre d’un générique de Tom & Jerry, elle nous avait foudroyé du regard avec des gros yeux qui nous avaient dissuadées.
Elle avait continué de dessiner pendant une heure. Plusieurs feuilles s’étaient remplies ainsi de choses colorées. Pour la première fois, le petit-déjeuner avait eu un déroulement dans le silence absolu. C’était calme et inquiétant à la fois. En bout de table, on n’entendait que le grattement des crayons de Zoëllie contre le papier.
Au bout d’un moment, je finis par décider de regarder ce qu’elle fabriquait. Ce n’étaient pas des dessins de gamine. Les proportions restaient encore loin d’être parfaites, mais c’était quand même incroyable par rapport à d’habitude. Des personnages assez irréguliers, mais complets, se trouvaient dans un salon imaginaire d’une précision géométrique incroyable, parlant dans de grosses bulles où étaient gravées des grosses lettres bâton.
« Mince alors, c’est quoi c’que tu fais ?
— C’est une BD, comme j’en avais vu à la CLIS. Les gens, là, ils parlent dans des bulles. Il y a eu une marquise qui s’est faite assassiner. Le héros, c’est un gentil, du coup ses bulles sont bleues. Là, c’est le méchant, du coup, ses bulles sont vert foncé. Et là, lui, il est ni vraiment gentil, ni vraiment méchant, du coup il a des bulles jaunes.
— Mais ça va faire combien de pages ?
— Je sais pas encore. »
Et là-dessus, elle retomba dans son mutisme absolu. C’est alors que je compris.
Désormais, on ne pourrait plus arrêter le virus. Il avait commencé à nous contaminer.
Le soir, on avait regardé les actualités. Zoëllie y avait soudain pris un vif intérêt, et Joanna semblait de plus en plus intriguée par la présentatrice. Ils parlaient encore du président Petrovsky. Que ferait-il une fois Asperger, lui ?
« Je crois que la COPSY nous avait parlé d’un truc. Les métiers de la télé, ça s’appelait un truc comme… l’audiovisuel, dit Joanna. Ça me dirait bien d’en faire.
— Ah ouais ? me dit Julie (oh, comme je la détestais). Bah encore faut-il que tu te fasses remarquer !
— Quelles sont les intentions de Viktor Petrovsky sur la question des Droits de l’Homme, nul ne le sait vraiment, dit le présentateur. Mais voilà que l’heure tourne. Nous nous retrouverons tout de suite après une page de pub. Pour ma part, je vais vous attendre avec le tout nouveau Grappy, la boisson énergique et tonifiante qui vous redonne du punch !
— Quoi !? s’écria Zoëllie. Mais c’est quoi c’t’histoire ?
— Il y a une pub, c’est tout, dit Lucie. Il y en a toujours eu dans les journaux de vingt heures, et il y en aura toujours…
— Mais c’est de l’information ! S’ils se mettent à dire n’importe quoi en plein milieu, c’est… C’est pas normal !
— Je dois avouer… soupira Joanna. Mais bon, ça nous a pas empêché de prendre un pack de Grappy !
— Non mais vous vous rendez compte les filles ! s’écria Julie. C’est vrai, depuis tout ce temps, comme on s’est faites manipuler, y’a un truc qui va pas, c’est clair… »
Quant à moi, je me demandais si elles n’avaient pas un peu raison. Et si tout le monde manipulait tout le monde ? Ce fut alors que l’image du Dr Delaroche embarrassé me revint, ainsi que le nouveau mot… et aussitôt toutes mes angoisses.
Qu’est-ce que je devais faire ? Demain, ce serait la dernière séance avant trois semaines. Je n’avais qu’une nuit pour faire un choix…
***
« Vous avez mal dormi, à ce que je vois.
— C’est comme ça depuis plusieurs nuits…
— Alors ? Comment se portent vos colocataires ?
— Eh bien… Zoëllie nous a toutes étonnées hier. Elle a fugué et puis elle est revenue avec des tas de feuilles, et depuis, elle passe son temps à dessiner. Elle s’est même inventé un code couleur ! C’était la moins intelligente de nous cinq, mais maintenant je crois qu’elle nous dépasse toutes côté artistique…
— Et les autres ?
— Il y a Joanna qui veut se lancer l’audio-machin-truc-chouette, ça pourrait devenir intéressant.
— Bien, me dit le Dr Delaroche. Maintenant, nous allons reprendre une dernière fois notre petit test. Ne vous inquiétez pas si vous donnez la même réponse que la dernière fois, pour ma part, je sais que seules les personnes à la mémoire photographique en général y arrivent, ou bien les mathématiciens. Et pas forcément Asperger, cela dit. »
Il sortit le Rumnik Cube encore une fois.
« Combien de faces voyez-vous ?
— 30 en tout.
— 30 ?
— Oui, les plus grosses, les faces de la dernière fois, plus les petites qui sont neuf sur chaque grande face. 3×9=27, +3=30. C’est logique.
— Parfait ! Vous vous sentez à l’aise dans les mathématiques, à présent ?
— Non…, ris-je. Je suis toujours en plein dans la cuisine. Je me suis appliquée ces derniers temps pour respecter les proportions.
— Ah, parfait ! Eh bien, dans ce cas… À dans trois semaines ! Je vais jouir de ce pas de mon dimanche… Vous sortez ?
— Non, Docteur, mon lacet est défait. Je suis pas douée avec les nœuds, m’attendez pas… »
Il jeta un coup d’œil méfiant avant de s’en aller. J’avais défait exprès mon lacet pour qu’il ne se doute de rien. J’avais vu ça dans un film. J’attendais qu’il s’en aille, puis j’enlevai ma godasse et je me mis à courir vers le bureau du Dr Swartzembaum.
Les portes et les écriteaux défilaient devant mes yeux : Dr Richard. Non… Dr Brousselier. Non… Dr Brossolette. Non… Dr Schwartzembaum. Oui !
Il n’était pas là. Alors, je fis ce qu’on m’avait dit de faire : j’ouvris le deuxième tiroir du bureau à droite. Et là, il y avait un gros rectangle.
Une boîte noire.
J’en avais vu, dans un documentaire. C’était un truc qu’on mettait dans un avion. Ça enregistrait ce qu’on disait, pour savoir ce qu’on dit, et repérer ainsi si le crash est dû à un crime ou non. Mais qu’est-ce que ça venait faire là ?
Je regardais la grosse machine. Il y avait un bouton. J’appuyais dessus. On pouvait me repérer à tout moment. Il y eut d’abord un bruit de friture, et puis, au bout de plusieurs secondes interminables, une voix se fit entendre. La voix du Dr Delaroche.
« Allô ?
— Oui ? fit une voix qui me disait quelque chose.
— Cher président, j’ai une nouvelle à vous annoncer.
— Ahh ! Aussi intéressante que la semaine dernière ?
— Elle possède des risques. Enormément de risques, mais vous allez l’adorer. »
J’avais déjà entendu cette voix quelque part. Peut-être même à la télé…
« Eh bien, Docteur, parlez donc !
— L’idée serait de transformer les personnes en autistes de haut niveau. Les cobayes et l’État accepteraient, pensant que cela pourrait redresser l’intelligence humaine qui, comme vous le savez, est en baisse depuis ces vingt dernières années. L’autisme se propagerait, les rendant incompréhensibles et solitaires entre eux. Il n’y aura aucun moyen pour eux de pouvoir s’entendre. Il n’y aura pas d’armée de l’ombre, pas de groupuscule, pas une seule bande d’insoumis non-violents, ne serait-ce de moins de 5 personnes, quand vous envahirez l’Europe. »
C’était Viktor Petrovsky !
« En effet, c’est intéressant. Mais si ça les rend intelligents, c’est en effet risqué.
— C’est là tout le problème. Mais ceux qui sont doués en politique seront appelés à se ranger dans vôtre parti. Ceux qui refuseront seront envoyés dans de petits coins tranquilles comme Ouessant. Quant aux fortes têtes… Oh mais vous en ferez votre affaire. Enfin, pour ce qui est des autres, je peux à tout moment les transformer en autistes de bas niveau : j’ai une théorie là-dessus. Le moindre signe de rébellion sera puni par la menace de leur retirer leurs capacités. Non seulement vous règnerez en maître, mais ce sans propagande et l’humanité recouvrira son intelligence perdue !
— Intéressant, en effet… Mais qu’est-ce que vous me demandez en échange ?
— Absolument RIEN !
— Quoi ?
— Réfléchissez… Si je voulais vous berner, je vous aurais demandé une somme faramineuse ou Dieu sait quoi, et je n’aurais pas tenu mes promesses.
— Je vous aurais tué, dit le président russe.
— Prenez ma générosité comme une preuve du sérieux de mes recherches. Nous verrons quelle sera la récompense que je désire lors du partage.
— C’est entendu. Et pour ce qui est de renouveler mon mandat ?
— N’ayez pas peur. Je m’occupe de mobiliser l’opinion publique.
— Quoi qu’il arrive, je serais heureux de vous avoir connu, Docteur Delaroche… Da ! Vous êtes le nouveau Machiavel, à tous les coups… »
***
À présent, la peur m’a prise en étau. Je suis Asperger, il est trop tard pour moi. Mais un groupe de résistants s’est formé. Il n’y a plus moyen d’arrêter l’épidémie, mais on peut encore l’enrayer. Je suis dans la salle des Compléments. Il faut que je continue les combats. De mon côté. Seule. Mais c’est dans la solitude que se font les plus grands travaux, non ?
Il me faut un Complément. Ma passion envers la cuisine ne me sera d’aucune utilité. Une étiquette me clame Piano. Ça ne m’ira pas. Percussions. Non plus. Dessin architecte. Inutile. Bande dessinée. Non.
Ça y est, je vois ce qu’il me vaut.
Il est sous vitrine et fermé par un cadenas, mais j’ai emporté un marteau à vitres avec moi. Je casse ça le plus vite possible et sors la seringue. Le Complément s’appelle Stratégie militaire.
Pendant un instant, je me rappelle ce qu’ont dit les docteurs. Si un Asperger contractait deux fois son syndrome, on ne sait pas ce qui pourrait se produire alors. Tant pis. Il faut continuer. Je n’ai pas le droit de faire demi-tour.
Je remplis la seringue et je me pique avec.
S [le pseudonyme que j’avais à l’époque pour faire genre je suis trop mystérieux],
Beauzac, le 12 mars 2016, à 13 : 19.
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