Vaines recherches

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Historic South Central, Los Angeles

Nash à peine parti, Saka s’était installée à son bureau recherchant les concessionnaires Lamborghini. Rien que pour Los Angeles, elle en avait identifié deux, à Irvine au sud et Beverly Hills à l’ouest. Il y en avait également un à Rancho Mirage, à l’est de Palm Springs, deux dans la région de San Francisco et un à La Jolla. Sans connaitre le modèle et la couleur du véhicule, elle n’avait aucune chance de ce côté. Elle se dit aussi que le conducteur n’avait pas nécessairement acheté cette voiture directement à un revendeur officiel. Elle pouvait tout aussi bien avoir été louée pour la circonstance. Plusieurs sociétés proposaient ce genre de service à des clients fortunés ayant envie de se faire plaisir ou d’éblouir une relation nouvelle. Elle décida de tenter sa chance auprès d’un de ses contacts au sein du DMV, au service des cartes grises. En tant que privée, elle n’avait pas directement accès au fichier des immatriculations, mais elle avait souvent eu besoin d’identifier le propriétaire d’un véhicule impliqué dans une de leurs affaires. Craquer l’accès à un fichier du gouvernement était trop risqué et elle préférait avoir recours à des informateurs autorisés. Pour les véhicules, elle avait généralement recours à Steve Morton, qui occupait un poste à un échelon intermédiaire de l’administration, lui donnant un accès sans contrainte aux données enregistrées. Mary avait connu Steve lors d’une conférence qu’il donnait à l’UCLA, l’université de Californie à Los Angeles, alors que Saka y avait repris un cursus de criminologie, quelques années plus tôt. Mary avait apprécié ce fonctionnaire brillant, mais sans grande ambition, qui présentait avec brio les différentes requêtes à la disposition des forces de l’ordre pour identifier un véhicule ou son propriétaire. À la fin de la session, ils avaient bu quelques verres avec d’autres étudiants, sans oublier d’échanger leurs contacts. Steve avait pris l’initiative quelques jours plus tard, invitant la jeune femme à diner à Santa Monica. La soirée s’était terminée sous la couette et s’était renouvelée occasionnellement. Mary ne désirait pas se lier dans une relation durable et cela convenait parfaitement à Steve. Ils continuaient de se voir de temps en temps, autant pour le plaisir de se retrouver que pour entretenir une relation profitable au business des privés.

« Tiens, ça faisait un moment que n’avais plus eu de tes nouvelles, répondit Steve en prenant la communication. Est-ce que tu m’appelles pour me proposer une soirée coquine ou pour me demander un service ?

— Disons que l’un n’empêche pas l’autre, confirma Mary. Je suis sur un nouveau dossier en ce moment, mais ça n’empiète pas sur mes soirées.

— Et ce nouveau dossier débute avec une voiture mystérieuse, je me trompe ?

— En effet, c’est l’un de nos points de départ, confirma Mary.

— Ne m’en dit pas plus, je préfère ne pas parler de ça au téléphone. Qu’est-ce que tu dirais de passer me voir ce soir, un peu avant la fermeture des bureaux ? On regarde un peu ce que tu cherches et ensuite on va boire un verre quelque part !

— C’est bon pour moi, répondit Saka.

— Les bureaux ferment à cinq heures, on dit quatre heures et demi ? Je suis maintenant sur Hope Street South, ce n’est pas très loin de chez toi, au bord de la I-110.

— Je connais, pas de problème, à tout à l’heure. »


Mary Sakamura avait choisi de vivre seule, sans conjoint ni enfant. Ce n’était pas un choix de conviction, mais de raison. Elle savait que son métier passerait toujours avant sa vie personnelle, et que ce métier n’était pas compatible avec une vie de famille. Elle s’en accommodait d’ailleurs fort bien, maintenant une vie sociale riche et variée avec de nombreux amis des deux sexes. Elle connaissait assez Steve pour savoir qu’il souhaiterait sans doute l’emmener dans un endroit assez chic, ayant hérité d’une fortune familiale qui lui permettait de considérer le salaire que lui versait l’Etat comme de l’argent de poche. Elle décida donc de repasser chez elle pour adopter une tenue plus en adéquation avec la soirée annoncée.

Mary Sakamura habitait une maison récente, située dans une résidence proche de First Street, juste à l’est des voies ferrées. C’était assez proche du bureau, accessible à pied, quand elle avait besoin de courir. Ce jour-là, Mary gara sa VW Beetle devant le garage et se dirigea vers la villa. Elle déverrouilla l’alarme et jeta son sac sur le canapé du salon. Une heure plus tard, après avoir pris une longue douche et sélectionné une robe assez chic sans être trop voyante, elle se sentait prête à aller retrouver Steve.

L’employée à la réception remit à Mary un badge de visiteur qui avait été préparé à l’avance. La jeune femme passa les contrôles de sécurité et monta à l’étage auquel l’attendait Steve.

« Je vois que tu as prévu de me séduire, j’en suis heureux. Je n’ai malheureusement pas eu le temps d’en faire autant. J’espère que tu ne m’en voudras pas.

— Tu es très bien comme ça, valida Mary, après avoir fait sembler d’examiner son hôte. J’espère que les autres femmes seront jalouses de voir avec quel play-boy je sors !

— Allez, assez joué, on se connait depuis trop longtemps. Viens dans mon bureau, nous serons plus à l’aise pour parler de ce qui t’amène ici. »

Mary prit le temps d’exposer la situation, sans citer le nom de Mike.

« C’est plutôt maigre comme indication, tu l’avoueras. Sais-tu combien il y a de Lamborghini immatriculées dans le comté de Los Angeles ? Plusieurs centaines. C’est une marque qui plait assez aux stars de Hollywood. Ce n’est pas un hasard s’il y a un concessionnaire à Beverly Hills. Sans le modèle, il n'y a pas d'espoir.

— Et si la voiture était au nom de son entreprise ? demanda Saka.

— C’est sûr que ça réduirait le champ de recherche. Tu as le nom de cette société ?

— Non, admit Mary, je crois qu’elle se situe sur le port de Long Beach.

— Ce n’est pas très résidentiel, je peux réduire les recherches avec le code postal. »

Après quelques secondes Steve reprit.

« J’en trouve trois. Je ne peux pas faire mieux. Je t’imprime les infos, mais ce n’est pas moi qui te les ai transmises.

— Tu l’as dit, on se connait depuis longtemps, tu sais bien que je protège mes sources.

— Je sais, je disais ça comme ça. »

Mary plia la feuille en quatre et la glissa dans son sac. Steve arrêta l’ordinateur et se leva. Mary l’imita et ils se dirigèrent vers la sortie.

« Tu es venue en voiture ? demanda Steve.

— Non, je l’ai laissée chez moi. J’ai pris un Uber.

— Parfait, dans ce cas, je te raccompagnerai. Venice, ça te tente ? J’ai découvert un bar sympa, à deux pas de la plage.

— Va pour Venice ! répondit Mary, en se disant que le dernier verre se prendrait assurément chez elle. »

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