Fisherman Point, San Diego

Deux jours déjà depuis la nuit passée avec Whitney. Quand je m’étais réveillé dans son lit, il m’avait fallu un moment pour faire le point. Après la partie de jambes en l’air sur le tapis du salon, nous avions terminé les bouteilles et remis le couvert, je me demande bien comment, dans sa chambre. J’avais la bouche pâteuse et j’étais seul. Juste un mot sur le bar.

« Je suis à la bourre pour l’enregistrement. Fais comme chez toi et laisse les clés dans la boîte à lettres en partant. »

Je n’ai pas revu la chanteuse, le patron du Dizzy’s m’a dit qu’elle devait partir pour la côte Est puis pour l’Europe, pour une tournée dans les festivals. Elle ne m’a même pas laissé un numéro de téléphone.

Show must go on ! De toute façon, Lucy doit venir passer la soirée avec moi. J’hésite encore à aller acheter un clavier portable. Ce serait mieux de pouvoir travailler dans ma chambre, mais ça fera doublon dès que je rentrerai chez moi. Je ne sais pas combien de temps je vais encore devoir mener cette vie, mais je commence à me lasser. J’envoie un texto à Mary pour lui demander des nouvelles. Elle m’appelle quelques minutes plus tard.

« Salut Mike, j’allais t’appeler quand j’ai reçu ton message. On a du nouveau. C’est pas très bon.

— Tu m’inquiètes !

— Nash a réussi à entrer en contact avec Giordano, le fils. D’après ce que j’ai compris, l’échange n’a pas été franchement cordial. Ce type a l’air d’une vraie tête de con.

— Ouais, je m’en étais rendu compte le jour on a joué ensemble.

— Il reste bloqué sur sa position, il dit que tu l’as arnaqué ! Il exige que tu lui rendes le fric.

— S’il n’y a que ça… dis-je.

— Il sait que tu es à San Diego !

— Comment… ? balbutié-je.

— Si on s’en donne la peine, ce n’est pas très difficile, il suffit de taper ton nom sur un moteur de recherche et on te trouve sur le programme du Dizzy’s.

— Merde !

— Comme tu dis. J’espère que personne ne connait l’adresse de ton hôtel.

— Non, à part Lucy, mais je ne pense pas que…

— Lucy n’est pas en cause et il n’y a aucune raison qu’ils la suivent. Ils ne savent sûrement pas qu’elle existe.

— Et vous ? Vous ne craignez rien ?

— Tu penses bien que Nash n’a pas laissé son adresse quand il a eu Giordano au téléphone. Il a appelé d’un portable anonyme.

— Qu’est-ce que je vais faire ?

— Il y a aussi quelques éléments positifs. On commence à y voir un peu plus clair dans les montages autour de la société Chance. On a peut-être un levier pour le calmer un peu. C’est un peu trop tôt pour que je t’explique tout ça. En attendant, le plus sage c’est que tu prennes encore un peu plus de distance.

— J’ai pas trop envie de passer au Mexique ! dis-je franchement découragé.

— Non, ce n’est sûrement pas une bonne idée, ils ont probablement des contacts de l’autre côté de la frontière. Il vaudrait mieux que tu te fasses oublier dans un coin plus calme, en Arizona par exemple.

— Qu’est-ce que tu veux que j’aille faire en Arizona, c’est que du désert !

— Justement, il n’y ont sans doute pas de représentants. De San Diego, tu peux facilement aller vers Yuma et Phoenix.

— Je n’ai même pas de voiture.

— C’est pas le plus gros obstacle, tu peux en louer une, sinon tu as les Greyhounds.

— Je n’ai pas envie de me taper douze heures de bus.

— Dix, j’ai regardé pendant qu’on parlait.

— La belle affaire. Si je dois filer, je louerai une caisse, je peux me le permettre.

— OK, réfléchis à ça et tiens nous au courant. Moi, je continue à chercher une solution définitive. »

Je raccroche après avoir remercié mon amie. Je commence à avoir le moral dans les chaussettes. Je ne me vois pas refaire ma vie sous une nouvelle identité, dans un bled que je ne connais pas. J’en suis là de mes réflexions quand je reçois un message de Lucy.

« Je pars de LA, je serai à l’hôtel dans trois heures. »