Respect filial
Long Beach Harbour & Mulholland Highway, Los Angeles
Marco Riccio avait l’habitude de parcourir les 300 miles entre Las Vegas et Los Angeles. Il savait que les contrôles de vitesse étaient fréquents et imprévisibles, les patrouilles étant guidées par avion ou hélicoptère. Il cala le régulateur de vitesse de sa Lexus sur la vitesse autorisée, indifférent aux poids lourds qui le dépassaient régulièrement. Il avait quatre heures de route, si la circulation était clémente, et il cala son récepteur satellite sur une station diffusant du bon vieux rock des années 70. Le GPS lui annonçait une heure d’arrivée à Long Beach autour de vingt heures. Il avait sans doute de bonnes chances d’y trouver Léonardo. Au niveau d’Hesperia, il fit une pause rapide pour refaire le plein et boire un soda. Un ralentissement sur la I-10 lui fit perdre une dizaine de minutes, mais il n’était pas pressé. Il gara sa voiture sur une place marquée « Direction » devant l’entrepôt de Chance. À l’intérieur du bâtiment, des employés étaient affairés à reconstituer des palettes et à charger de petits camions. Marco se fit indiquer les bureaux. Un homme lui montra un escalier. Il monta et se dirigea directement vers le grand bureau vitré. Deux personnes étaient à l’intérieur, mais il ne reconnut pas Leonardo. Il entra malgré tout, mettant fin brusquement à une conversation animée. L’un des deux hommes était assis dans un fauteuil, les bras entravés, il avait le visage tuméfié. L’autre avait retiré sa veste, un holster laissait apparaitre la crosse d’un pistolet de gros calibre.
« Qu’est-ce que tu veux, toi ? demanda Lino Marconi, tu vois pas qu’on est en train de discuter.
— Désolé d’interrompre votre conversation, je cherche Leonardo.
— Tu vois bien qu’il est pas là, et t’es qui d’abord ?
— Marco Riccio, j’arrive de Vegas. Je suis envoyé par Angelo Giordano. Qu’est-ce qui se passe ici ?
— C’est une affaire qui ne te concerne pas.
— Ça n’aurait pas à voir avec un camion envolé en fumée ?
— Qui t’a parlé de ce camion ?
— Pourquoi crois-tu que je viens de me taper quatre heures de route, connard ? Alors, c’est qui ce gars ? demanda Marco en montrant l’homme immobilisé.
— Moose, il était dans le camion quand il s’est fait braquer. On se demande comment les bikers ont été renseignés.
— Et alors ?
— C’est pas nous, protesta Moose, comment on aurait pu savoir ? On n’était pas au courant du chargement et on nous a donné l’adresse juste avant de partir.
— Qui connaissait la destination ? demanda Marco à Lino.
— Leonardo et Tony, le responsable des expéditions, répondit l’homme de main.
— Cherche de ce côté-là, alors, ce gars n’a pas pu monter ça tout seul, conclut Marco en pointant Moose.
— Et lui, j’en fais quoi ? demanda Lino.
— Je m’en fous, tu verras ça avec Leonardo. D’ailleurs, il est où Leonardo ? c’est pour lui que je suis là.
— Il n’y a pas de livraison prévue ce soir. Il ne repassera pas avant demain. Il doit être chez lui, il nous a demandé de passer le prendre à onze heures, pour aller jouer au poker.
— Il n’y aura pas de poker ce soir, Angelo m’a demandé de le ramener à Vegas au plus vite. Tu vas le prévenir et lui demander de m’attendre. Je file au ranch tout de suite.
— Ok, je le fais tout de suite. »
Après que Lino eut raccroché et confirmé la présence de Leonardo chez lui, Marco reprit sa voiture en direction d’Hollywood. Une heure plus tard, il engageait la Lexus sur le chemin menant à la résidence Giordano.
Il remarqua une Lamborghini jaune, ainsi que plusieurs véhicules plus modestes. À peine descendu de voiture, Marco perçut le son qui s’échappait des fenêtres ouvertes. À l’intérieur, deux jeunes femmes aux seins nus entouraient le maître des lieux, avachi sur un grand canapé. Un homme d’une trentaine d’années et une grande bringue se déhanchaient au rythme de la musique. La pièce empestait le cannabis et plusieurs bouteilles bien entamées étaient posées sur la table basse.
« Désolé d’interrompre votre petite sauterie, mais j’ai besoin de parler avec Leonardo. Vous pouvez vous barrer, la fête est finie.
— Alors c’est toi qui vient de la part de mon père ? Qu’est-ce qu’il a encore après moi, ce vieux con ? »
La claque partit sans prévenir.
« T’es malade ou quoi ? Qu’est-ce qui te prends ?
— Tu ne parles pas comme ça de ton père.
— Pourquoi il t’envoie ?
— Il veut te parler, en tête à tête.
— Il pouvait pas venir lui-même?
— Un peu de respect, si ton père te demande de venir le voir, tu obéis, c’est simple non ?
— Et si je refuse ?
— Tu n’es pas complètement idiot, j’espère. Prends quelques affaires de rechange et on y va.
— Attends, je ne vais nulle part ce soir, j’ai un rendez-vous.
— Ta partie de poker vient d’être annulée, ricana Marco.
— Et de quoi il veut me parler de façon si urgente ?
— À ton avis ? Peut-être d’un camion qui a disparu avec un demi-million de marchandise. Bon, allez, je voudrais dormir un peu dans mon lit cette nuit. »
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