Rendez-vous nocturne
El Sereno Avenue, Pasadena & Sycamore Cove, Malibu
Nous avons attendu l’appel jusqu’à huit heures. Quand le téléphone de Lucy a enfin sonné, elle a immédiatement lancé l’enregistrement. Nous avions auparavant longuement réfléchi à ce moment et à la façon de mener la discussion. Comme prévu, Giordano avait d’abord essayé de nous amener sur son terrain, sur le port de Long Beach. Lucy l’avait laissé penser qu’elle réfléchissait avant de proposer un lieu plus neutre, une plage par exemple. Puis elle avait suggéré Sycamore Cove. Nous savions l'endroit plus proche du ranch qu’un lieu au-delà d’Irvine. Nous sommes convenus de l’heure du rendez-vous. Assez tard pour laisser le temps au public de quitter les lieux, mais pas trop, afin de ne pas attirer l’attention d’une éventuelle patrouille. Lorsque Lucy a précisé qu’elle serait mon chauffeur, Leonardo a un peu tiqué, mais elle a réussi à le rassurer. Elle conduirait la voiture, sa Mustang, mais n’interviendrait pas dans l’échange. Nous avons précisé que l’argent serait dans un sac à dos noir. Giordano a terminé la conversation par une dernière menace, tout particulièrement adressée à Lucy. J’ai pris sur moi pour ne pas répondre. Lorsqu’il coupa la communication, il ne s’était pas écoulé plus de deux minutes. La mécanique était lancée, il nous fallait maintenant aller jusqu’au bout.
Lucy m’a ensuite amené jusque chez moi, à Echo Park, où j’avais conservé la plus grande part de l’argent gagné au poker. En chemin, j’ai appelé Nash pour lui transmettre les informations pour le rendez-vous. Il me proposa de nous retrouver devant un restaurant de plage, à proximité de Leo Carrillo Beach, vingt minutes avant l’heure fixée. J’ai bourré le sac des prospectus publicitaires entassés dans ma boite à lettres et j’ai déposé par-dessus l’équivalent de dix mille dollars, prélevés sur mes gains. Il me suffirait d’ouvrir le zip pour montrer les liasses. Si Giordano voulait les compter, il se mettrait en position de faiblesse, contraint de baisser sa garde. Je nous ai servi des bourbons généreux. Après tout, c’était peut-être notre dernier verre. Nous n’avons pas échangé beaucoup de paroles. J’étais déterminé à en finir, mais j’étais surpris de la détermination de Lucy à mes côtés. Au moment de partir, elle m’a embrassé, pas comme nous le faisions dans nos ébats amoureux, plus chaleureusement, sensuellement. Puis Lucy m’a demandé si après cette soirée, il nous serait possible d’envisager quelque chose de plus sérieux entre nous. C’est à ce moment que j’ai compris que nous étions vraiment amoureux.
À dix heures et demi, nous sommes au point de rendez-vous. Mary arrive quelques minutes plus tard, au volant de sa Beetle. Nash est à ses côtés. Mary me tend le Beretta dans un étui de cuir.
« Tu as un plein chargeur, quinze coups. La chambre est vide. N’oublie pas de faire monter une cartouche et d’ôter le cran de sureté ! »
Je prends l’arme et la sort de l’étui, je repère les éléments mentionnés et je la range. Nash me donne une oreillette reliée à petit émetteur. Nous faisons un essai. Dix minutes plus tard, nous repartons, seuls. Mary pense que Leonardo arrivera de Malibu. Elle prévoit de le laisser passer avant de rejoindre Sycamore Cove à bonne distance. Si par hasard il est arrivé avant nous, je les préviendrai. Il a précisé à Lucy qu’il serait dans une Camry grise.
Il est onze heures moins cinq quand nous nous engageons sur le parking de la plage. Comme attendu, il n’y a aucun autre véhicule. Lucy immobilise la Mustang dans une zone dégagée, l’avant en direction de l’entrée. Nous sortons du véhicule, en laissant le sac et le pistolet sur le siège passager, la portière ouverte. Après quelques instants, nos yeux s’adaptent à l’obscurité et le clair de lune nous permet de distinguer les alentours. Le parking est séparé de la route par un rideau d’arbres, des sycomores, à quelques dizaines de mètres, une petite construction doit abriter les toilettes. Nous entendons le bruit des vagues de l’océan au-delà du cordon de dunes. Peu après onze heures, nous entendons le bruit d’un moteur qui ralentit, puis les phares balayent le chemin.
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