Chapitre 5
Ce projet de récit est un peu abandonné. Quand j'ai commencé son écriture, j'étais encore étudiant. Mon point de vue sur le sujet a un peu changé et le récit ne me passionne plus tant que ça. J'ai mis énormément de temps à le rédiger et je pense que ça a fini par me lasser. Ce chapitre a été rédigé il y a au moins trois ans, et je ne l'ai pas retouché lorsque j'avais publié les premiers chapitres ici.
Samedi 28 juillet 2018.
Mon cœur bat à mille à l’heure, je suis dans un état d’angoisse profond. Il me reste à peine cent mètres à marcher avant d’atteindre la maison de ma mère. Le quartier a un peu changé. Le vieux goudron rougeâtre et son vieux trottoir jonché de trous et de rustines en tout genre a laissé place à une chaussée neuve et des trottoirs réhaussés avec des places de parkings séparés par de jeunes arbres à intervalle régulier.
Me voici devant la porte d’entrée. Je n’ai prévenu personne de ma venue. Mathys avait envoyé un SMS à ma sœur pour savoir si ma mère ne partait pas en weekend. Elle lui a dit qu’elle serait à la maison les deux jours.
Je ferme les yeux, je prends une grande respiration et je sonne. Très vite, je perçois légèrement le bruit de l’escalier en bois. Ce bruit, même plus de dix années sans l’entendre, il arrive à me donner la chair de poule. La porte est déverrouillée, la poignée descend, la porte s’ouvre. Une femme brune, portant des lunettes ouvre légèrement la porte afin de savoir qui sonne un samedi en fin d’après-midi. Très vite elle ouvre la porte en grand. Il ne lui faut pas plus de trois secondes pour réaliser qui se tient devant elle. Elle fond en larmes.
— Julien !?
— Maman, me revoilà.
Elle me prend brutalement dans ses bras. Nous sommes tous les deux, en train de pleurer sur le seuil de la maison.
— J’ai cru ne jamais te revoir.
Je retrouve l'odeur de son parfum, toujours le même !
Après plusieurs minutes, on finit par cesser notre étreinte, je ferme la porte derrière moi. C’est parti, l’interrogatoire peut commencer.
Je n’arrive pas à réaliser que je suis dans cette maison. Ça n’a presque pas changé. Je vois tout de même que la cuisine a été refaite à neuf, que le papier peint du couloir est remplacé par une couche de peinture blanche. Bien évidemment la grosse télé que j’ai connue est remplacée un par un écran plat full HD.
On s’installe tous les deux sur ce bon vieux canapé. Je sais qu’elle a une tonne de questions à me poser, j’en suis conscient. Je vois que malgré une certaine colère, l'émotion prend le dessus. Je réponds à toutes ses questions, je n’ai pas vraiment envie de mentir de toute manière. « Où étais-tu ? », « Pourquoi tu ne nous as pas donné de tes nouvelles ? », « Qu’est-ce que tu deviens ? », « Pourquoi cette visite à l’improviste ? », « Tu n’as pas d’ennuis j’espère ? », etc. Je lui explique mon problème et pourquoi je suis ici.
Je croyais vraiment que j’allais passer un sale quart d’heure, mais non. Tout se passe dans le calme, je crois que même si elle est en colère, elle est trop heureuse de me revoir qu’elle n’a pas envie de se fâcher. Je suis assis sur le canapé que mes parents avaient acheté lorsque j’avais une petite quinzaine d’années, il a pris un léger coup de vieux, il y a un même un draps sur l'assise, je pense que le tissu doit être déchiré en dessous. J’apprends qu’elle a quitté Olivier quelques mois après ma ‘’disparition’’. Elle se porte bien mieux seule et à priori, n’a pas envie de se remettre en ménage.
Après une durée que je ne saurais évaluer, elle me propose de revoir ma chambre.
— Tu verras, on n’y a pas trop touché, on avait commencé à rassembler tes affaires dans des cartons dans l’objectif de refaire cette pièce, mais je ne m’y suis jamais résolue et je n’ai jamais terminé ce rangement. Bon, il y a deux trois affaires qui traînent quand même.
Je décide d’aller y faire un petit tour, pendant ce temps, maman passe un coup de téléphone à ma sœur pour lui annoncer ma venue. Je grimpe l’escalier qui forme une sorte de « U » et j’arrive dans le couloir de l’étage, le papier-peint vert est toujours présent, c’est vrai que notre maison était assez colorée. Juste en face de l’escalier, il y a la chambre parentale, à coté c’est la chambre de ma sœur. En face la salle de bain et les WC. Au bout du couloir, ma chambre. Je pousse doucement la porte et je redécouvre un plafond incliné bleu avec son petit velux et ces murs couverts de lambris.
Je ressens instantanément une sensation de malaise. Je revois l’ado mal dans sa peau que j’étais, qui a vécu des moments de solitude. Je me revois pleurer à la suite des disputes avec mon père et après la séparation avec Julie. L’ensemble de cette pièce me fait penser à des choses tristes, pourtant, je n’ai plus envie de me défiler. Je vais rester fort et surpasser ces souvenirs pour tenter de replonger dans les beaux moments de mon adolescence.
Effectivement, mon étagère est vide, mes livres et CD sont dans des cartons posés sur mon lit. Mon lit qui d’ailleurs est totalement recouvert par mes anciens vêtements et autres affaires. Des tas de souvenirs remontent, les photos punaisées au mur me donnent les larmes aux yeux. Je suis même surpris qu'elles n'aient pas fini dans un carton. Photos de famille, du temps où ma mère et mon père vivaient ensemble, des photos avec des amis. Je redécouvre des photos où je suis avec mes camarades de lycée. J’ai toujours adoré faire de la photo, et ça se voit, sur le lambris qui recouvre toute ma chambre est caché par des tas de photos.
Je m’approche de chacune d’elles, je les contemple lentement. Je déguste la saveur de mon passé qui finalement n’a pas l’air si triste que ça. Une photo faite la première fois que nous étions allés sur l’Île d’Oléron, j’avais dix ans. Nous étions tous tombés amoureux de cette île, nous y allions tous les étés dans le même petit camping au sud de la Côtinière. Tous les ans on retrouvait les mêmes personnes, on faisait des rencontres éphémères, qu’est-ce que c’était génial. On se voyait grandir, on se donnait des objectifs pour l’année qui suivrait, nous étions tous excités à l’idée de se retrouver à l’approche des vacances. Parfois on s’envoyait des petites lettres pour le nouvel An. Tout cela a été mis à mal par le divorce de mes parents. J’avais quinze ans, mon père, qui n’était jamais à la maison avec son boulot qu’il avait décroché deux trois auparavant a rendu ma mère furieuse. Elle n’en pouvait plus, elle ne supportait pas le voir revenir et mettre les pieds sous la table. Le divorce avait été quelque peu houleux, mon père ne souhaitait pas de ce divorce. Mais voyant comment les choses commençaient à tourner il a fini par faire ses bagages et quitter Albi pour la Gironde. Pendant les déplacements professionnels de mon père, ma mère avait fini par rencontrer quelqu’un, elle nous avait avoué plus tard, qu’elle était tombée amoureuse d’Olivier avant le divorce avec mon père.
Je chasse d’un mouvement de la main ces souvenirs pour continuer à regarder toutes ces photos. Je me rends compte que j’ai la larme à l’œil, de revoir tout ça, ma mère, la maison où j’ai grandi, mes photos ça me plombe le moral. Comment ai-je pu couper les ponts avec ma famille ? Pourquoi ai-je fugué ? Cette question je me la suis posé des centaines de fois depuis que j’ai retrouvé Mathys dans le TGV.
Je me prends d’une envie folle de fouiller dans mes anciennes affaires. Anciens cours, un classeur avec mes photos de classe, des films, un magazine de cul et une boite de préservatifs plus que périmés ! Je me marre tout seul en découvrant ça au fond du placard de mon bureau. Derrière, se trouve une boite à chaussures. Je dépose les cahiers au sol et j’extirpe la boite qui fait pile poil la taille du placard. Je suis assis en tailleur prêt à ouvrir cette boîte. Je ressens comme une montée d’adrénaline, comme s’il s’y cachait quelque chose de très important à l’intérieur. Je me retourne, ma mère est toujours au téléphone avec ma sœur, elles ont toujours été de vraies pipelettes toutes les deux. J’inspire un grand coup et je retire le couvercle de cette boite.
À la découverte du contenu de cette boite je prends tout de suite conscience que la vie que j’ai mené ces dix dernières années, à fuir et à ignorer ma propre existence, est sur le point de prendre fin.
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