L'occasion
Pour son quinzième anniversaire, Fernand avait décidé de partir seul en forêt, à dix minutes de chez lui. Ses parents travaillaient ; ses grands-parents étaient morts l'année dernière, à deux mois d'intervalle ; pas de frère, pas de sœur et aucune connaissance extérieure sérieuse. Seul au monde, comme à l'accoutumée. La faute à ce visage hideux qu'il maudissait tous les jours. Yeux globuleux, lunettes type culs de bouteilles, lèvres charnues mais déformées par un bec de lièvre pourtant opéré et, pour couronner le tout, l'oreille gauche décollée. Comme si Dieu avait décidé personnellement de lui pourrir la vie dès la naissance, et ce jusqu'à sa mort.
Cette forêt — sa forêt —, il la connaissait si bien qu'une carte s'affichait dans son crâne lorsqu'il l'arpentait. Les arbres, les oiseaux, les chemins, ainsi que le calme ambiant, constituaient son véritable réseau d'amis fidèles. Il se répétait sans cesse qu'eux, au moins, ne le jugeraient jamais, l'accepteraient éternellement tel qu'il était. Néanmoins, rien dans ce repère ne lui donnerait l'occasion de connaître l'amour ni de perdre son pucelage. Pensée qui le hantait. À son âge, les hormones s'agitaient, les fantasmes s'empilaient et la main motrice se musclait au fil des saisons. Grâce à Internet, fini les catalogues et les films de minuit, en clair comme en crypté. Il se faisait donc une idée pornographique de ce que pouvait être le sexe, alimentant son complexe d'infériorité, y compris côté pénis, quoique la nature l'eût pourvu convenablement. Et parce que les filles le traitaient comme un loser la plupart du temps, le rejetaient voire même l'humiliaient devant témoins, il les considérait avec autant de bienveillance et de sympathie.
Ce jour-là, Fernand franchit l'orée de la forêt, parapluie en main pour affronter les trombes, le cœur dévoré par une amertume ponctuelle. Et triste. Profondément triste. Encore un anniversaire identique aux précédents. Il le crut jusqu'à ce que, deux kilomètres de sentes plus tard, il aperçût un relief suspect au loin. Il s'arrêta un instant, interloqué par ses premières hypothèses.
Un blessé ? Un malaise ? Ou pire, un cadavre peut-être ?
Fernand sentait de l'excitation plus que de la peur, aussi finit-il par s'approcher davantage. Alors, ce fut un corps de jeune femme rousse qu'il découvrit, allongée sur le dos, emmitouflée dans une doudoune noire, trempée. Médusé, il scruta son visage fin, parsemé de taches, et sa bouche mi-close. Aux jambes, un simple jean bleu foncé et une paire de baskets blanches.
— Madame ?
Pas de réponse.
— Eh oh ! Madame ?
Idem.
L'adolescent chercha puis décela un pouls. Lui vint alors l'idée de secouer l'inanimée pour l'extraire de son inconscience, en vain, malgré deux tentatives. Ses bonnes intentions s'enténébrèrent soudain. L'occasion fait le larron... Pourtant, Fernand réfléchit, tergiversa, mais trop tard, la pulsion grondait, circulait tels des torrents de lave ne demandant qu'à jaillir du cratère. Il s'agenouilla près du flanc inerte de la malheureuse, la main tremblante d'excitation et le phallus en cours de hissement, protubérance qu'il saisit de son autre main par dessus son pantalon pour la pétrir.
Les doigts explorateurs abaissèrent complètement la fermeture éclair de l'épaisse veste, révélant un débardeur blanc humide, orné de motifs floraux en son centre. Fernand gardait un œil sur le visage de la jeune femme, en quête du moindre signe d'émersion de sa conscience. Satisfait de n'en percevoir aucun, il lança son toucher sous le coton clair. Son système vasculaire tournait à plein régime. Sa tête chauffait autant que sa verge toute raide. Son premier ventre. Doux comme une peau de pêche. Il ne s'y attarda pas, trop attiré par la suite du voyage.
— Ohlala ! Elle a pas de soutien-gorge ! se réjouit-il, d'un ton presque enfantin.
Le dessus de ses doigts effleura la base courbée et chaude de la modeste poitrine. Il y allait doucement. Savourait ce moment. Honorait sa chance. Puis il empoigna un sein, le malaxa sans une once de brutalité. Tendrement. Du pouce, il sentit un téton contracté. Fernand lâcha le parapluie pour libérer la deuxième main, invitée à rejoindre l'autre sein.
Le sexe de l'ado palpitait sous la pression, comme jamais auparavant. L'interdit, en plus de ses premiers contacts forfuits, le stimulait terriblement. Sa conscience, à lui, n'existait plus, anéantie par l'irrépressible envie de soumettre ce corps féminin, comme dans les vidéos X dont il se repaissait sans cesse.
Fernand trouvait cela vraiment très agréable de « peloter une fille ». Bandant, c'était le terme idoine. Devant l'absence de réaction de sa proie, la délicatesse du débutant timoré se métamorphosa progressivement en une sauvagerie naissante. Il palpait désormais cette poitrine passive des deux paumes, la secouait, en pinçait les cimes. Et toujours aucun retour de vie en elle. Alors pourquoi ne pas aller encore plus loin, se demanda Fernand.
Il remonta son débardeur pour lui goûter les tétons, les lécher, les mordiller. Puis il glissa la main sous son jean, sous sa culotte, rencontrant alors un pubis rapeux, rasé depuis plusieurs jours déjà, détail sans importance qui ne l'empêcha guère de jouer avec son clitoris et ses lèvres. Pas très glissant, trouva Fernand. Ce fut d'autant plus vrai lorsqu'il essaya d'enfoncer ses phalanges dans son vagin. À force d'essayer, il finit par y arriver.
— Aah... Aaaaaaaah ! Aaaaaaaaaaaaaah ! rugit Fernand, sous l'effet d'un orgasme d'une intensité inédite.
Tandis qu'il éjaculait dans son slip sans même toucher à son gland, il agitait ses doigts en elle avec véhémence. La belle endormie l'aurait sûrement supplié d'arrêter si elle en avait été capable. Peut-être même l'aurait-elle terrassé à coups de pieds et de poings.
Lorsque Fernand eut terminé de venir, il récupéra ses mains et regarda celle qu'il venait de violer, heureux. Certes, il n'avait toujours pas perdu son statut de puceau, mais il avait au moins engrangé un peu d'une expérience inespérée, qui plus est le jour de ses quinze ans. Quel cadeau !
Il essuya ses doigts imprégnés de l'odeur du vagin de sa victime sur son propre pantalon et, comme par acquit de conscience, revérifia le pouls. Toujours présent.
Un homme, après avoir éjaculé, voyait généralement son envie de sexe s'auto-détruire et son érection faiblir. Mais pas Fernand. Pas aujourd'hui. Pas avec ce corps à sa merci. Il avait encore tellement à apprendre, à étudier, à expérimenter. Et devant lui se présentait sûrement la seule occasion de toute son existence.
Fernand se décala, en direction du visage pivoté de la jolie rousse, et libéra son sexe souillé de sperme pour tenter laborieusement de l'insérer dans sa bouche soumise. Hélas, bien qu'il y parvînt, il se heurta aux inconvénients de l'inconscience. Ses va-et-vient ne lui laissèrent pas l'expérience ultime qu'il espérait tant, à cause des dents qui lui rabotaient la peau. Alors il essaya de placer son sexe entre celles-ci et l'intérieur de la joue. Pas vraiment plus agréable, pourtant assez pour qu'une seconde salve de sperme, moins fournie, dévalât en direction des dents de sagesse au bout de plusieurs minutes d'insistance, accompagnée d'un nouveau cri de bête. Orgasme plus intense que le premier, à tel point que Fernand peinait à s'en remettre.
Qu'allait-il faire à présent ? La réponse lui paraissait évidente. Rien de plus que se rhabiller et rentrer tranquillement à la maison, revivant mentalement cette incroyable scène afin de la conserver aussi longtemps que possible dans sa mémoire. Oui, rentrer, car sa verge, d'un rouge érythémateux, avait quelque peu souffert du frottement contre la denture de sa partenaire d'un jour. Mais cela avait vraiment valu le coup.
Fernand s'exécuta, prit plusieurs photos avec son portable de la jeune femme, de son visage, de ses seins recouverts de pluie, et de son pubis rugueux, avant de repartir chez lui. Après tout, il savait très bien qu'éveillée, elle l'aurait forcément repoussé, insulté, dénigré, comme toutes les autres auparavant. Alors pourquoi méritait-elle un traitement de faveur ?
Annotations
Versions