À dans dix ans

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C’était une magnifique journée de printemps. Le soleil illuminait la place centrale de la capitale, les oiseux gazouillaient joyeusement, et les rires des enfants qui chahutaient résonnaient dans toute la ville. Pourtant, Olivia n’arrivait pas à se résoudre à sortir de la petite chambre qu’elle avait louée à l’auberge la veille. Cela devait bien faire une heure qu’elle répétait les mêmes gestes. Elle faisait les cents pas dans la petite pièce, se rapprochait de la porte, attrapait la poignée... Avant de retirer sa main et de recommencer.

Viendra-t-il ?

Non. Elle devait se ressaisir. Elle n’était plus la jeune adolescente indécise d’il y a dix ans. La peur d’agir ne la mènerait à rien. Elle l’avait bien compris ces dernières années.

Elle se regarda une dernière fois dans le miroir. Pour l’occasion, elle avait tout fait pour se mettre en valeur. Elle avait bouclé ses cheveux roux et avait même économisé pendant des mois son maigre salaire afin de s’acheter une nouvelle robe.

J’espère qu’il aimera.

Lorsqu’elle sortit enfin de l’auberge, il devait être un peu plus de midi. Elle songea bien à s’acheter de quoi manger, après tout, le marcher n’était pas loin, mais se rendit rapidement compte que son estomac était beaucoup trop serré pour qu’elle puisse avaler quoi que ce soit, alors elle se rendit directement au point de rendez-vous : la fontaine de la place centrale.

Elle s’assit sur le rebord et attendit. Nerveuse, elle ne pouvait s’empêcher de toucher ses cheveux ou d’enlever de sa robe de la poussière qui n’existait pas toutes les deux minutes.

Je me demande à quoi il ressemble maintenant.

La personne qu’elle attendait se nommait Vincent. Il était le dernier né d’une famille de la petite noblesse et il avait un an de plus qu’elle. Le défunt père d’Olivia avait travaillé en tant que cuisinier dans sa maison pendant plus de trente ans, c’est comme ça qu’elle avait connu. Malgré leur différence de statut social, leur âge proche et la gentillesse du garçon les avaient rapprochés. Ainsi, lorsqu’ils n’étaient encore que des enfants, ils leur arrivaient souvent de jouer ensemble dans les jardins. En grandissant, ils s’étaient quelques peu éloignés, mais ils aimaient se retrouver le soir, à la lueur de la lune, pour discuter du bon vieux temps. Alors qu’elle ne fut sa surprise lorsque, le soir de son seizième anniversaire, il lui avait avouer son amour !

Elle s’était bien laissé tenter au début, après tout elle n’avait jamais particulièrement indifférente à ses charmes, mais elle avait rapidement pris conscience de l’impossibilité d’une telle relation. Une domestique et un noble... Ce n’est possible que dans les romans à l’eau de rose qu’elle dévorait. Et quand bien même sa famille aurait accepté leur union, il aurait été la risée de la société. Et elle ne pouvait pas non plus le forcer à fuir avec elle

Elle avait donc pris une décision : elle avait quitté le manoir en lui faisant promettre de la retrouver dix ans plus tard, à la fontaine de la place centrale. S’il tenait sa promesse, elle accepterait de l’épouser, peu importe les obstacles qui se présenteraient à eux. Dans le cas contraire, elle s’était résolue à passer à autre chose.

Et s’il m’a oublié ?

Quoi de plus normal après dix ans ?

Je n’aurais pas dû faire ça.

J’aurais dû rester avec lui.

J’aurais dû lui faire confiance.

« Non, rappelle-toi Olivia ! Tu t’es jurée de ne plus avoir peur, murmura-t-elle pour elle-même. Ce qui est fait est fait. Tu ne peux plus revenir en arrière. Et puis c’est de Vincent dont on parle. Il viendra. J’en sûre. »

La jeune femme ne se découragea pas. Elle attendit. Mais personne ne vint.

Bientôt, le soleil commença à se coucher, teintant le ciel d’orange et de mauve. Olivia avait mal aux jambes à force de rester immobile et sa détermination faiblissait.

Alors il ne viendra pas finalement...

Il m’a vraiment oublié...

J’aurais dû m’y attendre...

Résignée, et déçue, elle se leva et prit la direction de l’auberge. Elle se voyait déjà diner seule, dans sa chambre, quand tout à coup, un cri retentit :

« Olivia !!! »

La jeune femme se retourna et vit un homme, particulièrement essoufflé, qu’elle reconnut aussitôt. N’osant trop y croire, elle se rapprocha, hésitante. D’une main tremblante, elle toucha sa joue, et laissa échapper un hoquet de surprise.

C’était lui. Il avait grandi, son visage s’était raffermit et sa voix était plus grave, mais c’était bien lui. Vincent. Son Vincent. Le garçon avec lequel elle avait grandi. L’adolescent avec lequel elle avait passé tant de nuit à discuter. L’homme dont elle était tombée amoureuse.

Ses yeux se remplirent de larmes, mais elle s’efforça à esquisser un sourire que le garçon lui rendit avant de l’enlacer.

Olivia lâcha un petit rire en remarquant qu’il avait pris du muscle. Il avait fini par les prendre, ces fameux cours d’escrime qu’il mettait tant d’ardeur à éviter.

Silencieusement, ils s’imprégnèrent chacun de l’odeur de l’autre. Ils n’avaient pas besoin de mots pour se dire à quel point ils s’aimaient, à quel point ils s’étaient manqué. Rester ainsi, à l’abri dans les bras de l’autre, leur suffisait.

En cet instant, Olivia était certainement la femme la plus heureuse du monde, et rien ne pouvait briser son bonheur.

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