Andei : la capacité rare de porter la vie
— Désirez-vous quelque chose à boire ?
— Vous avez un truc alcoolisé ? demanda Andei à tout hasard. Du gwidth, ou un bon scotch vintage ?
— L’alcool est interdit dans votre état, lui répondit le robot sur un ton presque triste.
Andei s’y attendait, mais il avait essayé. Qu’avait-il d’autre à faire, à part attendre que la portée de Nimrod sorte de son utérus en lui bousillant la tuyauterie ? Bientôt, son ventre serait gros à en éclater. Et en attendant, il était enfermé ici, à l’isolement.
Les appartements n’étaient pas si mal. Ils étaient même luxueux, et une armada de petits robots d’intendance se pliait à ses moindres caprices. Mais l’inaction le torturait. Ça, et le terrifiant appétit sexuel qu’il ressentait...
— Quand est-ce qu’il arrive ? demanda-t-il d’un ton plus grinçant qu’il ne l’aurait voulu.
— Bientôt, le rassura le robot. Voulez-vous que je vous conduise à la salle spéciale, ou que j’appelle Brüder pour apaiser vos chaleurs ?
— Non, surtout pas, grinça Andei.
La première fois, ses organes le torturaient tant qu’il avait dit oui. Brüder l’avait ficelé sur une machine, les deux pattes en l’air. Puis il lui avait enfoncé un énorme phallus censé remplacer celui de Nimrod, avec lequel il avait effectué de robotiques et vigoureux mouvements de va-et-vient. Sauf que rien ne pouvait remplacer Nimrod, sa voix grave, ses ronronnements émetteurs d’ondes delta et les phéromones dont il l’abreuvait chaque nuit. C’était détestable, mais c’était comme ça. Aussi vrai que la façon dont Andei geignait et tortillait du cul à chaque fois que l’ældien apparaissait.
Brüder — qui connaissait pourtant parfaitement l’anatomie humaine — prétendait qu’il était en chaleur, comme une foutue femelle ældienne, et que c’était la fécondation par Nimrod qui les avait déclenchées. Andei avait beau hurler au robot que c’était une connerie, Brüder continuait de lui asséner cette contre-vérité avec son petit sourire énervant. Il se servait de cette raison fumeuse pour justifier tous les traitements dégradants qu’il lui faisait subir : touchers vaginaux incessants, pose de sondes, et même coloscopies. Il prétendait que, chez les mutants intersexes, l’utérus était accessible des deux côtés. Nimrod devait penser la même chose, car il l’inséminait avec soin tous les soirs, devant et derrière — parfois les deux orifices en même temps.
Saloperie, pesta Andei en frappant l’eau du bassin.
Et maintenant, il y avait ce nouveau, Gerald je-sais-pas-quoi... Andei ne savait pas quoi penser de son arrivée. Tout ce dont il était sûr, c’est qu’il ne l’aimait pas.
Il se croit supérieur à nous. Mais ce petit sourire en coin, il ne va pas le garder longtemps.
Dès qu’il l’avait vu, Andei avait compris que Gerald était un mutant comme lui, issu des couches les plus basses de la population humaine. Et, en plus de ça, il représentait une menace. Si Nimrod s’entichait de lui... Sorj et lui se verraient privés de luith. C’était déjà dur de ne pas en recevoir tous les soirs, mais là...
Le robot était revenu. Il lui présentait un petit écran de communication, posé sur un plateau de mithrine sculpté. Drôle d’assortiment.
— C’est le Maître, murmura-t-il en tremblant.
Nimrod. Il l’appelait de sa réunion, d’où qu’il soit.
— Quand est-ce que vous revenez ? gémit Andei de cette voix boudeuse qu’il détestait.
Quand il était avec Nimrod, il devenait une véritable putain. Et il détestait ça. Il n’avait jamais demandé à Sorj s’il lui arrivait pareil, mais il était à peu près sûr que c’était le cas.
La voix grave de Nimrod lui parvint, du coin de galaxie où il se trouvait. Il avait quitté le vaisseau sans rien dire, au moment où Andei dormait encore.
— Bientôt, lui répondit-il, envoyant ces ondes apaisantes dont Andei avait désespérément besoin.
Entendre Nimrod le calmait aussitôt, et l’ældien le savait. C’était pour cela qu’il l’appelait. Malheureusement, ce soulagement n’était que temporaire. La torture reprendrait sitôt qu’il aurait raccroché.
— J’ai besoin de vous, bougonna Andei. Je sens que les embryons s’agitent ! Ça va faire comme la dernière fois. Je le sens !
— Je vais demander à Brüder de t’examiner.
Andei s’agrippa au rebord du bassin.
— Non ! C’est vous que je veux voir. Pas ce nazi de Brüder... vous, avec votre luith, vos ronronnements et votre grosse queue. Surtout elle, d’ailleurs !
Le rire de Nimrod lui parvint un peu étouffé. La situation l’amusait. Le salaud ! Ce n’était pas lui qui souffrait le martyre.
— Je vous déteste, aboya Andei. Vous entendez ? Je vais tuer vos foutus embryons. Si vous ne revenez pas vite, je m’en débarrasse ! Compris ?
Le bruissement dans l’appareil lui indiqua que Nimrod avait mis fin à la communication. Il ne marchait jamais dans son jeu.
Andei se laissa retomber contre les marches du bassin. Il bouillait de rage et de désespoir. Les bulles, les jets d’eau, les colonnes d’exolithes aux couleurs indescriptibles, les fleurs et les plantes extraordinaires qui agrémentaient ces bains ne parvenaient pas à le dérider. Même l’immense plafond ouvert sur les étoiles ne l’enchantait plus. Pour lui, cette pièce, ainsi que les couloirs, les chambres et les salons attenants n’étaient que le théâtre de ses souffrances. Ils ne retrouvaient leur magie que lorsque Nimrod était là pour le féconder, que ce soit dans les bains ou dans l’une des chambres, et s’éteignaient dès qu’il le quittait.
J’en peux plus, gémit Andei en posant son front mouillé contre le bassin. J’en peux plus de cette vie.
Il entendit le robot bouger. Qu’est-ce qu’il voulait, encore…!
— Dégage ! hurla Andei en relevant la tête.
Mais le robot n’était plus là. Ses pieds aux longs doigts griffus, par contre...
— Nimrod, souffla-t-il en laissant ses yeux remonter le long de l’imposante silhouette.
Mais, dans un lourd bruit d’étoffe, la tunique que portait ce dernier lui tomba dessus. Et, le temps qu’Andei l’écarte, Nimrod était déjà passé par-dessus lui pour plonger dans l’eau. Andei se retourna juste au moment où il émergeait et le saisissait par les hanches, le basculant sur le rebord.
— Oh, merci mon Dieu, gémit-il lorsque sa chaîne de chasteté tomba.
D’un coup de griffe rapide, Nimrod tira sur la chaine qui retenait les plugs. C’était un soulagement, et une sensation de vacuité qui — Andei le savait — n’allait pas durer longtemps. Nimrod ne perdait pas de temps.
Andei était tellement mouillé qu’il n’eut même pas besoin que Nimrod le prépare. Pourtant, ce dernier attrapa les jambes du jeune humain et les fit reposer sur ses épaules pour avoir son sexe en face de lui. Andei osait à peine le regarder. Pourtant, la vision de ce visage à la beauté féroce prendre son pénis en bouche était magnifique.
Andei avait durci, mais ce n’était pas tellement là où il avait besoin d’être soulagé. La fente minuscule entre ses bourses palpitait, et son anus était déjà largement ouvert. La force de l’habitude...
Lorsque Nimrod le pénétra enfin, l’emplissant de cette verge massive dont il avait tant besoin, Andei gémit comme une pucelle. Ses cris se répercutèrent dans la salle, au milieu des plantes, des colonnes et des robots silencieux.
*
Lorsqu’il s’éveilla le lendemain, Nimrod était déjà reparti. Après les bains — où il l’avait pris dans toutes les positions, et par tous les trous — l’ældien l’avait conduit au lit, où il l’avait examiné délicatement. Il l’avait même massé, ce qu’Andei avait trouvé incroyable, tout en en profitant amplement. Andei avait même eut droit au ronronnement. Alors que les mains puissantes de l’extraterrestre lui pétrissaient les reins, il s’était plaint de Brüder, de sa morgue et de ses mauvais traitements. « Vous devriez le renvoyer », avait-il eut l’audace d’ajouter. Nimrod n’avait rien dit. Il s’était penché en avant et avait gentiment mordillé sa nuque. C’était terrible, mais ce type de comportement n’effrayait plus Andei. Au contraire, cela l’excitait. Il avait soupiré et poussé ses hanches en arrière, incitant son mâle au coït. Comme une femelle... Nimrod, qui était toujours prêt — pas de problème de descente chez les ældiens — l’avait pénétré lentement. Il avait sorti son sexe sur presque toute sa longueur et l’avait enfoncé si profond en lui qu’Andei avait cru qu’il allait ressortir par sa bouche. Mais le jeune humain avait appris à aimer être empalé ainsi. Et pendant ce temps-là, Nimrod le remplissait, nourrissant les embryons qui grandissaient dans son ventre.
Andei tourna dans le grand lit vide, lourd de la semence que Nimrod avait déversée en lui. Encore une longue journée sans lui. S’il revenait ce soir... il avait fait cet effort pour lui une fois, inquiet pour ses embryons. Rien ne disait qu’il le referait.
Tant pis, décida Andei en s’asseyant. Je recommencerai autant de fois qu’il le faudra.
En touchant son ventre, il constata qu’il avait déjà un peu grossi. Et ses mamelons lui faisaient mal. Bientôt, ils seraient engorgés, et Brüder le trairait. C’était humiliant, mais tellement bon ! Surtout lorsqu’on lui mettait le phallus en même temps. Le mieux, évidemment, c’était quand Nimrod suçait ses tétons de sa langue pointue tout en le besognant, mais on ne pouvait pas tout demander...
Andei se laissa retomber sur le lit. Sa main descendit sur le bas de son corps. Mais il avait à peine commencé à se caresser que Brüder arrivait déjà avec son plateau déjeuner.
— Oh oh, je vois qu’on ne perd pas de temps !
— S’il te plait, juste un peu ! geignit Andei, déjà à moitié à quatre pattes.
— Tsss tsss. Le Maître est à peine parti que tu es déjà en manque ! Je ne peux pas te laisser faire. Tu pourrais blesser les embryons.
Blesser les embryons... parce qu’il se triturait la biture ! Ce n’était rien comparé à ce que Brüder ou Nimrod lui faisaient subir. Quelle farce !
— Allez. Mets-toi sur le dos et écarte les jambes. Je dois te remettre la ceinture.
Avant, Andei demandait pourquoi. Qui risquait de le saillir, sur ce cair où le seul mâle ældien était Nimrod ? Mais c’était la tradition. Les esclaves inséminés devaient porter une ceinture de chasteté, pour éviter qu’un autre mâle ne vienne « souiller la portée ».
— Un autre Seigneur de la guerre pourrait profiter de l’absence du Maître pour aborder le cair, lui rappela Brüder d’une voix douce en enfonçant une verge en titane dans son anus. Bien sûr, j’opposerais une résistance farouche — je donnerais même ma vie, s’il le fallait. Mais tu serais sûrement violé, et l’ennemi profiterait de tes chaleurs pour t’inséminer.
Grimaçant sous la poussée du plug dans sa fente étroite — il avait toujours plus mal là que derrière — Andei émit un démenti farouche. Pourquoi devait-il toujours être « violé » ?
— Parce que ton corps a la capacité rare de porter la vie. Tu le sais... Cela te donne un prix inestimable pour les ældiens.
— Qu’ils aillent se faire foutre, grinça Andei. Qu’ils aillent pondre leurs embryons ailleurs !
Une claque brutale le ramena à la réalité. Il pouvait montrer son mécontentement devant Nimrod, mais jamais devant Brüder.
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