Une vive douleur extirpa Gurvan de son sommeil. Le jeune garçon se leva en sursaut et ouvrit de grands yeux paniqués.

Devant lui, au sommet du château, la princesse hurlait et le dragon grognait.

Le jeune garçon remit rapidement de l’ordre dans ses pensées et se remémora comment il était arrivé ici.

“Je devais être très fatigué, mon corps m'a lâché au moment crucial… En tout cas, une chose est certaine, je ne suis pas en train de rêver. Tout ceci est bien réel”, songea-t-il en serrant la poignée de son arme.

Machinalement, il passa la main sur sa joue. Lorsqu’il la retira, il constata qu’elle était couverte de sang. Il pâlit, chercha son reflet dans la lame d’acier de son épée. Une estafilade lui barrait le visage. Il faillit tourner de l’oeil mais se ressaisit : la plaie semblait peu profonde, la douleur s’estompait déjà et il avait un monstre à tuer.

Il prit une grande inspiration et durcit son regard, fixé sur l’objectif à atteindre.

Au moment où il voulut brandir son épée en avant, son bras se bloqua. La manche de son manteau se déchira d’un coup net devant ses yeux. “Quelle est cette sorcellerie ?” se demanda-t-il en glissant sa main dans l’entaille béante. Il n’eut pas le temps de trouver une réponse à sa question qu’une entaille se dessina sur le dos de sa main. Il hurla de douleur et de surprise. Il ne savait plus où donner de la tête, tranchait le vide au hasard avec son épée comme s’il jouait à colin-maillard.

Mais ce n’était pas un jeu.

“Gare à toi, fantôme de malheur !”, hurla-t-il d’une voix paniquée tandis qu’il subissait une nouvelle attaque, au pantalon cette fois.

Soudain, une force mystérieuse le projeta en arrière, il retomba sur le dos et sentit ses os craquer. Il tenta de se remettre sur pied, mais une main invisible l’entraîna vers le bois. Il lança ses bras vers l’avant dans un geste désespéré mais fut englouti pas la forêt dans un silence de mort.

Sa course en arrière s’arrêta net au milieu du sentier forestier. Il se remit debout, s’étira en grimaçant, inspecta ses vêtements déchirés, soupira.

Autour de lui, le calme régnait. “Je n’y comprends ri..ouille ! Ouille ! Ouille ! Aïe ! Aïe !”

Déjà, son insaisissable agresseur l’emportait à nouveau.

Gurvan tentait de s’accrocher à tout ce passait à sa portée. Rien à faire : il reculait. Impuissant, il heurtait tout ce qu’il avait soigneusement évité à l’aller. Ses genoux cognaient les rochers, ses bras lacérés par les ronces se couvraient de zébrures et sa tête recevait les coups répétés des branches impitoyables. Entre deux chocs, il se souvint de ce que son grand-père répétait, lorsqu’il pêchait la truite : “Si tu tombes à l’eau, rien ne sert de lutter contre le courant, laisse-toi emporter et observe. Tu te fatigueras moins et tu seras plus lucide quand il faudra agir.”

Gurvan écouta ces sages conseils. Il renonça à se battre et se laissa traîner au sol en attendant d’en savoir plus sur son ennemi.

Lorsqu’il repassa le pont dans l’autre sens, à toute allure, la voix de son ami en bois parvint à ses oreilles, mais il ne comprit rien à ses mots.

La remontée du sentier à la trajectoire hasardeuse se révéla particulièrement douloureuse, tout son corps meurtri criait de douleur. Gurvan serrait les dents. “Tout cela va bien s’arrêter à un moment ou un autre”, songea-t-il tout en se reprochant d’avoir fourré son nez dans cette forêt magique.

Enfin, il passa à côté de la roche brisée et s’arrêta au pied du Hêtre de Ponthus.

Il resta allongé de longues minutes, les yeux ouverts, à attendre que son agresseur se dévoile, quand tout à coup, les ténèbres envahirent la forêt.