Ismaël ne répondit pas tout de suite. Il préférait attendre que Leo se calme et arrête de se braquer. Il le laissa terminer sa cigarette, patientant qu'il relance lui-même la conversation.

« Et d’abord comment est-ce que tu m’as trouvé ? » demanda finalement le jeune homme en s’allumant une nouvelle tige avec difficulté. Ismaël n’essaya même pas de l’aider, sachant qu’il le prendrait mal. « Grâce à un mouchard ? »

« J’ai demandé à Lars de te localiser », répondit Ismaël avec un sourire contrit. Il savait que son beau-fils détestait qu’il contacte ses amis, car il ne voulait pas que ces derniers connaissent leur lien d’affiliation. Cette idée attristait un peu Ismaël qui éprouvait une sincère affection pour lui.

« OK… donc, qu’est-ce que tu veux ? » demanda Leo, le regard méfiant.

Ismaël décida enfin d’aller droit au but. Le jeune homme avait raison, ce n’était pas par charité qu’il avait envoyé ses hommes le chercher dans cet entrepôt. Il l’avait fait parce que Leo était le meilleur dans son métier et qu’il avait besoin de lui et de ses talents inégalés.

« J’ai du travail pour toi », déclara-t-il sérieusement en s’avançant dans la pièce. « Ton prix sera bien évidemment le mien. »

Une lueur d’intérêt s’alluma aussitôt dans les yeux verts de Leo.

« Tiens tiens, le grand et noble Ismaël Sykes veut que j’élimine quelqu’un ? » se moqua-t-il. « Alors qui dois-je tuer ? Un type dont la femme t’intéresse peut-être ? »

Son regard se fit dur et Ismaël soupira de lassitude. Combien de fois devrait-il lui répéter qu’il n’avait rien à voir avec la mort de son père ?

Comme d’habitude, il décida de ne pas le suivre sur ce terrain glissant.

« Ce n’est pas pour tuer une cible particulière que j’ai besoin de toi. Ce que je te demande c’est de neutraliser, tuer tous ceux qui essaieront de s’en prendre à Kaleb et Kami. »

Sa requête fut suivie d’un long silence incrédule. Leo plissait les yeux sans rien dire, tandis qu’une petite brise venant de l’extérieur faisait voler ses mèches rebelles. Il avait l’air clairement insulté et Ismaël sut que ce n’était pas gagné.

« Donc si j’ai bien compris, tu veux que je joue les gardes du corps pour tes gosses », dit finalement le jeune homme en tirant une dernière bouffée de sa cigarette avant de jeter sans ménagement le mégot par terre.

« Je te demande de protéger ton frère et ta sœur de tous ceux qui vont très prochainement essayer de les tuer », répondit Ismaël d’une voix ferme.

« Demi-frère et sœur », répliqua sèchement Leo en insistant particulièrement sur le premier mot. « Et comme tu devais t’en douter, je ne peux pas accepter ce super boulot que tu me proposes. Au cas où tu ne l’aurais pas compris, mon travail consiste à buter les gens, pas à jouer les nounous pour deux ados. »

« Donne-moi ton prix, je suis prêt à le tripler », insista Ismaël.

« Même pour un milliard de dollars, tu ne me feras pas jouer les baby-sitters le Vieux », répondit l'autre en souriant.

« C’est la survie de l’humanité qui est en jeu Leo », répliqua calmement Ismaël en le regardant droit dans les yeux. « Je te parle d’empêcher la fin du monde. L’Apocalypse. »

« Ah ouais ? Et qu’est-ce que tu veux que ça me foute ? » rétorqua Leo en haussant nonchalamment les épaules. « Je ne suis pas un héros. »

Il se dirigea ensuite vers la porte, dans l’intention de partir.

« Bon maintenant que cette ennuyeuse conversation est terminée, il est temps que je m’en aille. Je t’enverrai un chèque pour les frais d’hôpitaux. »

Ismaël s’était attendu à un refus de sa part. Mais il avait vraiment besoin de Leo. Voilà pourquoi il avait prévu un plan B.

« Et si je te disais que c’est celui qui s’en est pris à ta mère qui veut aujourd’hui la mort de Kaleb et Kami ? » dit-il doucement au moment où le jeune homme passait à sa hauteur.

Comme il s’y attendait, ce dernier s’immobilisa aussitôt.

« Qu’est-ce que tu dis ? », murmura-t-il d’une voix sourde, sans le regarder. « Si c’est une ruse pour me faire accepter ce foutu contrat, je te jure que… »

« Je ne mentirais jamais sur quelque chose d’aussi important », coupa sèchement Ismaël. « Tu sais très bien que je veux sa mort tout autant que toi. Tu n’es pas le seul à le traquer depuis des années. »

« Comment tu peux être sûr que c’est cet enfoiré qui en a après Kaleb et Kami ? » demanda Leo en se tournant finalement vers lui, le regard méfiant.

Ismaël sut alors qu’il avait gagné la partie. Leo allait rester.

« C’est une longue histoire. Que dirais-tu de l’entendre autour d’une tasse de thé ? »

« Du thé ? Tu plaisantes ? » s’indigna Leo. « Tu me prends pour un de tes vieux croulants d’associés ou quoi ? Ce qu’il me faudrait c'est de la bière et un bon sandwich ouais ! »

Et il sortit de la chambre sans un regard en arrière, visiblement pressé de quitter cette pièce remplie de souvenirs heureux. Ismaël le suivit, un sourire satisfait aux lèvres.

Tout se passait exactement comme prévu.