Episode 37 : Simple visite de courtoisie
Imogen débarqua sans prévenir au siège de la compagnie Arden-Sykes, à New York. Elle resta une petite minute à étudier les lieux : un gratte-ciel vitré et scintillant, tout ce qu’il y avait de plus banal, avec un peu de verdure tout autour. Charmant.
La jeune femme avait décidé de venir à l’improviste. Elle n’avait pas ni le temps ni la patience d’attendre qu’on lui arrange un rendez-vous. Ismaël Sykes présidait actuellement une réunion et elle comptait lui tomber dessus comme ça. Il allait répondre à ses questions aujourd’hui que ça lui plaise ou non.
D’un geste impérieux, elle montra son badge aux hommes de la sécurité puis à l’accueil. Elle ne s’arrêta pas lorsqu’une petite voix aigüe lui demanda si elle était attendue. Pas besoin de leur demander où se trouvait leur patron, elle savait déjà à quel étage se rendre.
Imogen s’engouffra dans l’ascenseur en arborant une expression pincée qu’elle savait intimider les gens ou les mettre mal à l’aise. Certes, il en faudrait plus pour impressionner un type comme Sykes, mais elle devait mettre toutes les chances de son côté. Surtout que sa visite n’avait rien d’officielle…
La jeune femme soupçonnait l’homme d’affaires d’en savoir plus qu’il ne voulait bien leur faire croire. Sans parler du fait qu’il a sûrement déjà dû faire appel aux services de son beau-fils pour éliminer des gens, et rien que pour ça…
Une fois arrivée à l’étage où se déroulait la réunion, les portes de l’ascenseur s’ouvrirent et Imogen fut accueilli par deux gorilles en costume et aux airs peu avenants.
« Mr Sykes vous attend dans son bureau, mademoiselle Marlo », dit sèchement l’un d’eux.
« C’est agent spécial Marlo », rétorqua l’interpellée sur le même ton en leur emboitant quand même le pas.
Ils longèrent un long couloir lumineux qui donnait sur plusieurs bureaux et salles de réunion, avant d’arriver devant une porte massive en bois. Une femme tirée à quatre épingles les attendait. Elle adressa un bref signe de tête à Imogen, sans esquisser le moindre sourire, mais n’en restait pas moins ravissante.
« Mademoiselle Marlo, par ici je vous prie. »
Imogen leva les yeux au ciel devant tant de « protocolisme », mais ne se fit pas prier pour entrer.
C’était un bureau immense, avec une large baie vitrée qui donnait sur Central Park. La pièce était décorée sobrement avec quelques tableaux, des étagères peu encombrées et dans un coin, une imposante table en bois.
L’endroit respirait l’élégance… mais pas autant qu’Ismaël Sykes.
Debout devant la baie vitrée, mains derrière le dos, ce dernier était en train d’admirer la vue. Il se retourna lentement vers les nouveaux arrivants et sourit galamment en voyant Imogen.
Il n’avait pas du tout l’air surpris, juste amusé.
L’homme d’affaires portait un costume trois-pièces qui lui allait comme un gant. Avec ses cheveux et sa barbe parfaitement taillés, tout chez lui n’était qu’élégance et assurance. Et malgré son âge avancé, il restait vraiment très séduisant. Surtout lorsqu’on le regardait dans ses yeux bleus et vifs.
« Mademoiselle Marlo, c’est un plaisir », dit-il en s’avançant.
« Agent spécial Marlo », répondit Imogen en le toisant et restant sur ses gardes. Elle ne fit pas un geste pour prendre sa main tendue et encore moins pour enlever ses lunettes noires. Toute cette lumière lui donnait mal au crâne.
Comme s’il avait lu dans ses pensées, Sykes tapa légèrement dans ses paumes et les vitres s’assombrirent lentement, jusqu’à ce que la pièce soit plongée dans une pénombre salutaire pour les yeux d’Imogen. La jeune femme le remercia de très mauvaise grâce d’un bref signe de tête. Elle consentit enfin à retirer ses lunettes, tandis que son hôte congédiait les trois autres d’un geste.
« Alors, agent Marlo, que me vaut l’honneur de cette… simple visite de courtoisie ? » demanda Sykes en l’invitant à prendre place à son bureau.
Imogen pinça les lèvres face à son petit sourire. Il savait parfaitement qu’elle n’avait pas de mandat pour l’interroger.
« Je suis ici pour vos gamins, Sykes ! Vous êtes au courant qu’ils ont été kidnappés par votre beau-fils ? » siffla la jeune femme en se penchant par-dessus la table pour affronter le regard bleu et froid de son interlocuteur.
Ce dernier ne disait rien. Les mains croisées sous le menton, il se contentait juste de la fixer d’un air intéressé. Imogen avait très envie de lui donner une gifle pour le faire réagir. A la place, elle se leva et fit claquer ses paumes sur le bureau, en fusillant l’autre des yeux.
« Aux dernières nouvelles, Liam Arden était sur un gros contrat à Orlando… et puis plus rien pendant des jours. On a retrouvé tout le cartel de Maiden massacré dans un entrepôt, mais aucune trace de lui. Et brusquement, le voilà qui réapparait avec une nouvelle boucherie sur les bras : celui d’une ville entière et avec en prime, vos enfants et votre pupille comme otages. D’ailleurs comment se sont-ils retrouvés en sa compagnie ? Mais surtout comment se fait-il que vous n’ayez toujours pas encore lancé d’avis de recherche sur votre progéniture ? C’est quand même louche tout ça… »
Toujours aucune réaction de la part de Sykes. L’homme restait de marbre… mais pendant un bref instant, Imogen crut voir un éclair de tristesse traverser ses yeux.
« Où est Liam Arden, Sykes », demanda-t-elle d’un ton abrupt. « Vous le savez, je le sais. »
« Je n’ai aucune idée de l’endroit où peut bien se trouver Leo, agent Marlo », finit par rétorquer l’autre d’un ton parfaitement calme. « Et même si c’était le cas, je ne vous dirais rien. »
Il se leva sous l’œil noir d’Imogen et revint se planter devant la baie vitrée. Il avait le regard perdu au loin même si les vitres désormais opaques ne permettaient pas d’admirer la vue.
« Hana et mes jumeaux sont en parfaite sécurité avec Leo », murmura-t-il comme pour lui-même. « Qui mieux que le numéro 1 pourrait protéger mes enfants de la menace qui les guette ? »
Puis il se tourna vers Imogen et lui adressa un sourire poli.
« Agent Marlo, je sais que vous faites votre travail, mais croyez-moi, Hana, Kaleb et Kami ne risquent rien. »
« Vous plaisantez j’espère ! Ce type est un assassin professionnel Sykes ! Il est impliqué dans des dizaines et des dizaines de meurtres, et maintenant, il est recherché pour avoir massacré une ville entière ! Et vous dites que vos enfants sont en parfaite sécurité avec lui ? Non, mais je rêve ! », explosa Imogen. « Vous allez me dire où il est, sinon je vous embarque ! »
« J’aimerais bien voir ça », s’amusa l’homme d’affaires en fourrageant dans sa barbe, le regard pétillant.
Imogen se retint à grand peine pour ne pas lui fracasser la tête contre le mur. Elle serra les poings pour garder contenance.
La jeune femme le foudroya longuement du regard, mais il n’ajouta plus rien. Elle finit par remettre ses lunettes et se dirigea à grands pas vers la porte… Puis n’y tenant plus, elle se retourna une dernière fois pour faire face à son interlocuteur. Ce dernier était toujours debout. Il continuait de la fixer, les mains dans le dos et le regard de glace.
« Je ne sais pas pourquoi vous protégez ce psychopathe Sykes », cracha Imogen. « Mais dites-vous bien que je vais lui mettre la main dessus… Et depuis le temps que vous le couvrez… vous tomberez avec lui ! »
« Mais bien sûr… » répondit-il d’une voix douce. « Je vous souhaite bien du courage pour attraper Leo, agent Marlo. Et j’espère sincèrement… que vous resterez en vie une fois face à lui. »
Puis il se détourna définitivement d’elle dans une attitude qui signifiait clairement que l’entretien était terminé.
Imogen lui jeta un dernier regard noir, avant de s’en aller en claquant la porte derrière elle.
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