La fille du Chasseur
Les nuits de pleine lune étaient de mauvais augure pour le petit village tout proche de la forêt noire. Un loup-garou apparaissait pour tuer tous les êtres vivants qu’il croisait. Cela faisait des années que le monstre sévissait, et personne n’avait jamais réussi à l’arrêter. A chaque fois, il emportait l’un de ceux qui avaient le malheur de vouloir se mesurer à lui.
Cette nuit-là était justement une nuit de pleine lune. L’astre d’argent ne s’était pas encore montré, et quelques courageux avaient décidés de mettre fin aux agissements de la bête. Parmi les volontaires se trouvait Pierre. C’était un beau jeune homme, bien fait de sa personne. Il était fiancé à la fille du Chasseur. Cette dernière était belle avec ses longs cheveux dorés et semblait si fragile aux côtés de celui qui avait volé son cœur quelques années auparavant. Et chaque soir de pleine lune, elle était morte d’inquiétude. Car depuis que la bête faisait des ravages, Pierre se mêlait aux volontaires pour l’arrêter. Il avait l’espoir fou de mettre fin à ses agissements. Il voulait détruire la bête, cette abomination engendrée, disait-il, par le mal. Et comme à chaque fois, elle s’inquiétait pour lui. Il avait beau lui dire que tout irait bien, que rien ne pouvait lui arriver, elle tremblait de peur rien qu’à l’idée qu’il aille chasser. Cette peur, elle l’avait déjà connue par le passé, quand son propre père partait… Lui aussi pensait qu’il ne lui arriverait rien de bien méchant. Lui aussi pensait pouvoir se mesurer au loup-garou.
Un jour, il n’est pas revenu. Il avait été découvert dans les bois le lendemain matin, à moitié dévoré par la bête.
Seule avec ses inquiétudes, la jeune femme regardait les étoiles qui entouraient l’astre d’argent. Elles paraissaient lointaines, et elle avait tendu la main vers le ciel, comme si elle avait voulu en attraper une poignée. C’est alors que la lumière de la lune se refléta derrière elle sur le fusil de son père. Un fusil entièrement fait d’argent. Elle se rappelait alors ce que son père lui avait dit avant de partir la dernière fois qu’elle l’avait vue vivant :
« Un loup-garou craint l’argent. Il n’y a que des balles en argent qui pourraient le tuer, ce monstre. »
A cet instant, la fille du Chasseur avait entendu des cris en provenance des bois avoisinant. Alors elle n’hésita pas un seul instant. Elle avait décidé d’aller chasser la bête elle aussi. Elle ne pouvait pas attendre que son fiancé et les gens qu’elle connaissait se fassent dévorer sans rien faire.
La jeune fille s’aventura seul dans les bois, guidée par des cris inhumains. Etaient-ce ceux de la bête ? Elle serra son fusil contre elle, tremblante de peur. C’est alors qu’il apparut face à elle. Le loup-garou. Il était énorme et imposant. Son regard doré la dévisageait, de la bave coulait le long de ses babines retroussées. Ses dents blanches brillaient dans la nuit. Lentement, grognant, il s’approchait de la jeune fille dans le seul but de la dévorer. Derrière lui, sur le sol, elle avait reconnu le corps sans vie de l’un des villageois. Les yeux grands ouverts, déformés par la terreur, de la fille du chasseur, se posèrent une fois de plus sur le loup-garou. Elle avait envie de hurler de toute son âme, mais aucun son n’était sorti de sa gorge. Elle allait mourir si elle ne faisait rien. Et jamais elle ne reverrait le visage de son fiancé. Alors, armée du peu de courage qui lui restait, elle visa la créature de son fusil d’argent. Et alors qu’il allait lui foncer dessus pour la dévorer, elle ferma les yeux et tira plusieurs fois. La bête, touchée, hurla de douleur avant de retomber lourdement sur le sol. Elle ouvrit alors les yeux, doucement. Elle s’approcha lentement de la forme humaine qui gisait au sol dans une mare de sang. Et elle le reconnut immédiatement celui qui se transformait en monstre les nuits de pleine lune.
Il s’agissait de son fiancé.
Annotations