Chapitre 1 - situation initiale - le Couvent de Saint Perceval

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— Mathilde ! C’est encore loin ? J’ai l’impression qu’on est perdues.

— Non, non ! On est presque arrivées. Il ne reste plus qu’à trouver le point de repère.

— Alors ne va pas si vite! avec cette fichue robe, je n’arrive pas à suivre.

Adelaïde de Galmor portait l’épaisse robe blanche des novices du couvent de Saint Perceval. il n'y avait cependant aucun doute sur ses origines : Adelaïde appartenait à une noble famille, et les soins qu’elle prenait de son visage en témoignaient.

— Quelle idée de porter une robe pareille pour une ballade en forêt, répliqua Mathilde. T’es même pas une vraie bonne sœur !

Mathilde, au contraire, portait un simple sarau de toile. Peut-être un peu plus propre que les autres, car les sœurs n’auraient jamais accepté de servante négligée. C’était une fillette de 7 ans qui sautillait sur le chemin, là ou sa compagne peinait à chaque pas.

— Ne sois pas insolente ! Mon père, le Duc de Galmor m’a imposé ce couvent en attendant de me trouver un fiancé digne de mon rang. En attendant, je dois me soumettre à la règle de Saint Perceval et c’est déjà assez pénible.

— Oh, vous les vieux, vous passez votre temps à râler…

— Mathilde ! J’ai dix-sept ans !

— C’est bien ce que je disais. C'était l'âge de ma maman quand je suis née, et j'avais déjà un grand frère même s'il est mort tout petit.

— Et ton point de repère ? demanda Adelaïde pour changer de sujet. À quoi ressemble-t-il ?

— C’est une espèce de gros arbre…

— Tu pourrais être plus précise ? Il y a beaucoup de gros arbres dans une forêt.

— Oui, mais celui-là est spécial ! Quand on est juste à côté, on voit la clairière… et c’est une clairière à truffes. Je ne sais pas ce que tu en penses, mais moi j’en ai assez de manger du pain gris à chaque repas et… Oh, le voilà ! Et la clairière est juste là.

Aussitôt, la petite se mit à courir et disparut du champ de vision de sa compagne.

— Attends-moi Mathilde, tes truffes ne vont pas se sauver.

Un rugissement humain les interrompit.

— Qu’est-ce que vous faites-là ?

Avant qu’Adelaïde n’ait le temps de comprendre d’où venait cette voix, une poigne violente lui saisit le bras et la retourna vers un visage hirsute et bestial.

Il fallut à Mathilde quelques secondes pour admettre que cette créature était bien un être humain… Elle en portait le costume et arborait même l’insigne de la garde ducale sur une brigandine crasseuse.

— Je répète la question, reprit l’homme. Qu’est-ce que vous faites-là ?

— Nous… je… nous cherchons des truffes ! Balbutia Adelaïde en guise de réponse. Je vous conseille de me lâcher tout de suite, vous ne savez pas à qui vous parlez.

— À une bonne sœur ! répondit la brute.

Et il se mit à rire… et pire encore : son rire fut repris en écho par d’autres voix… La « bonne sœur » se retrouva encerclée par une demi-douzaine de guerriers.

— Je suis la co-duchesse Adélaïde de Galmor, pauvre imbécile ! Et je vous ordonne de me lâcher tout de suite. Me manquer de respect comme vous venez de le faire pourrait vous mener tout droit à la potence.

— Elle se fout de nous ! grogna le guerrier, un peu moins sûr de lui… hein lieutenant ?

— Lâche-la, on ne sait jamais, ordonna un guerrier plus jeune et mieux vêtu que ses compagnons. Le couvent est un refuge pour demoiselles de noble lignage. Veuillez excuser mes compagnons, Madame : des navires nordiques ont été aperçus longeant la côte vers le sud et nous organisons des patrouilles. Mais vous devez déjà être au courant.

— En effet, répondit Adelade. La nouvelle est parvenue au couvent, et on pense qu’ils vont attaquer la ville de [xxx] qui n’a aucune défense côtière, c’est pourquoi la garnison locale leur a été envoyée en renforts…

— C'est justement ce qui nous inquiète reprit l’officier. Il est possible qu’ils aient débarqué quelques hommes ici alors que le couvent est sans défenseurs. Nous devons prendre des précautions et mettre tout le monde à l’abri. Mes hommes vont vous raccompagner.

— C’est ridicule ! Comment ces hommes pourraient-ils repartir sans leurs navires ? Attendez… je suis venue avec une petite fille, je l’ai perdue de vue au moment de votre arrivée. Je dois la ramener.

— C’est nous qui la ramènerons. Si vous êtes bien celle que vous prétendez, il est hors de question que vous restiez dans cette forêt une minute de plus… Gauthier, Hermund, ramenez la duchesse à l’abri, et vous autres, déployez-vous et sifflez dès que vous apercevez quelque chose d’anormal… une petite fille ou un homme du nord !

Si Adelaïde fut vexée de voir sa parole mise en doute, elle n’en laissa rien paraître. Même grossiers, ces hommes ne faisaient après tout que leur travail. Elle se laissa donc docilement ramener à l’abri des murs du couvent.

* * *

— Flûte alors, murmura Mathilde. J’aurais juré que c’était ici.

C’était bien une clairière, et il y avait bien un gros arbre tout près… mais il n’y avait pas de truffes. Alors elle avait repris sa route, persuadée qu’Adelaïde était sur ses talons, et avait bien vite trouvé un autre gros arbre et une autre clairière, aussi dépourvue de truffes que la première.

— Ah, je me souviens maintenant… on y est presque, on y est presque ! Avant le gros arbre de la clairière à truffes, il y avait une autre clairière sans truffes… mais maintenant on y est.

Elle entendit un bruit de pas, mais Adelaïde restait silencieuse.

— Dis ! Tu pourrais tout de même me répondre… même pour m’enguirlander si tu veux… tu es vraiment fâchée ?

Un raclement de gorge fut la seule réponse.

Elle se retourna. Aussitôt, une paire de bras s’abattit sur elle. Par réflexe, elle jeta son pied en avant et son agresseur la lâcha en poussant un cri de douleur.

C’était un gamin d’une dizaine d’années, vêtu comme un guerrier… mais pas un guerrier civilisé du duché. C’était manifestement un nordique. Il poussa un cri et Mathilde prit la fuite. D’autres cris se s'élevèrent dans la forêt, et bientôt s'ajoutèrent des bruits de combat. Mathilde ne perdit pas de temps à se demander qui se battait contre qui, elle courru vers l’abri du couvent comme si sa vie en dépendait… et c’était probablement le cas. Deux hommes s'étaient lancés à sa poursuite. Cependant elle gagnait du terrain sur ses poursuivants, ces derniers étaient équipés d’armes et d’armures d’autant plus encombrantes que les obstacles sur le sol forestier étaient nombreux.

Mathilde put même s’offrir le luxe de s’arrêter à la lisière de la forêt pour reprendre son souffle… Il ne restait qu’une centaine de mètres à parcourir avant d’atteindre les murs du couvent. C’était en terrain découvert et ses poursuivants n’avaient pas abandonné la poursuite.

Un cri de ralliement, dans une langue barbare, fit comprendre à Mathilde qu’elle ne pouvait plus attendre. Elle n’eut que le temps d’apercevoir deux guerriers – le premier portant une lourde épée à deux mains, le second une hache d’armes et un bouclier de bois – avant de se remettre à courir. Du haut de la muraille du couvent, les quelques défenseurs aperçurent les trois silhouettes en train de courir. Un soldat arma son arbalète tandis qu’une femme en robe de novice agitait les bras en hurlant : « La poterne, la poterne ! ».

Mathilde comprit que la grande porte resterait fermée, quelles qu’en soient les conséquences pour elle, mais la poterne du mur latéral était encore ouverte.

Un carreau d’arbalète siffla aux oreilles de Mathilde. Un hurlement de douleur se fit entendre… Un barbare devait être hors de combat. Elle avait atteint la poterne alors que le dernier poursuivant l’avait presque rattrapée.

— Plus vite, Mathilde ! cria une voix de femme.

— Fermez cette poterne ! ordonna une voix d’homme.

Deux paires de mains luttaient: l’une pour refermer la poterne, l’autre pour la maintenir ouverte.

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