Plan d’action

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Emily était vraiment une bombe atomique au lit, insatiable. Elle me donna une nouvelle fois un aperçu de l’étendue de ses compétences. Ce n’est qu’après plus d’une heure qu’elle consentit à me laisser dormir un moment, et encore, à condition que je laisse une main sur son sein. Le soleil commençait à décliner sur l’océan quand j’émergeai du sommeil. Emily, elle, dormait encore. Je passai rapidement sous la douche avant de m’habiller d’un caleçon et d’un T-shirt. Je jetai un rapide coup d’œil au portable que je lui avais donné pour m’assurer qu’elle n’avait pas commis d’indiscrétion.

Cette fois, elle avait été raisonnable. Pas d’appel sortant ni de SMS depuis que nous étions arrivés à Glendale.

Je décidai de tester le téléphone satellite et j’appelai Mark pour lui confirmer que nous étions bien installés. Je connectai ensuite mon ordinateur pour prendre connaissance de mes messages. Boris me proposait une partie avec de gros joueurs pour le week-end suivant à Las Vegas. La prime d’engagement était à la hauteur des enjeux. Cinquante mille dollars de fixe plus un bonus sur les résultats. Je répondis à Boris en lui demandant un délai de vingt-quatre heures. Dans notre profession, il est toujours préjudiciable de refuser un contrat, mais il est encore plus dommageable de l’accepter et de ne pas l’honorer.

Il était dix-huit heures quand Long John m’appela. Emily était sur la terrasse, fascinée par le spectacle des autoroutes qui serpentaient à nos pieds.

— J’ai réussi à identifier ton client. Pablo Miguel Portega, trente cinq ans, né à Tijuana, vit légalement aux USA depuis qu’il a cinq ans. Ses parents se sont établis près de Camarillo où ils ont travaillé dans les exploitations agricoles jusqu’à ce que leur fiston leur assure une retraite dorée au Mexique. Il semblerait que ses études se soient arrêtées à la fin du collège. Il a appris la vie dans les rues de Los Angeles avant d’aller se fixer à Las Vegas il y a quatre ou cinq ans. Ce n’est pas un profil très subtil. Il ne cherche pas spécialement à passer inaperçu. Il n’est entouré que de pistoleros, des gars aux méthodes musclées, mais pas très malins. J’ai trouvé assez de failles pour lire ses boîtes mails et les SMS de ses trois mobiles. Ses mots de passe pourraient être décodés par mon petit neveu de 10 ans. J’ai localisé trois comptes bancaires dans des établissements aux Etats-Unis et deux au Mexique. Je ne le crois pas assez retors pour planquer son fric derrière des sociétés offshore. En tout cas, j’ai déjà virtuellement accès à cinq ou six millions de dollars. Qu’est-ce que tu veux que je fasse ?

— Tu peux faire exécuter des transferts ?

— Ça dépend s’il a activé une double identification sur un téléphone ou par mail. Si c’est par mail, je pense que je peux facilement re-router le message. Si c’est par SMS, c’est pas impossible, mais il ne faudrait pas qu’il ait le téléphone sur lui à ce moment.

— S’il était en ligne à ce moment là ?

— Avant qu'il consulte le message, j’aurais le temps de l’intercepter.

— Combien peux-tu détourner sans que ça n’alerte les banques ?

— Je peux le faire en plusieurs fois, en prenant un peu sur chaque compte. Un million de dollars.

— C’est largement plus que ce que vaut une fille.

— C’est certain. Pour ma part, je me contenterai d'une commission de 10%.

— Voilà ce qu’on va faire. Tu vas modifier le numéro du mobile utilisé par la double identification, mais auparavant, j’appellerai Pablo pour retenir son attention, le temps que tu fasses la manipulation. Comme ça, si on lui demande confirmation, tu auras le temps de prendre le contrôle et de confirmer avant d’effacer le SMS. Ensuite tu transfèreras un million sur un compte d’attente et je lui proposerai de « libérer » Emily en échange de la restitution de ce million.

— Neuf cents mille !

— OK, comme tu voudras.

— Tu crois qu’il lâchera l’affaire aussi facilement ?

— Sinon, je le tuerai, à moins que je me contente d’une balle dans chaque genou, si je suis de bonne humeur.

— Ça ressemble à un plan. Quand veux-tu le mettre à exécution ?

— Dès cette nuit, le plus tôt sera le mieux. Disons trois heures, je pense qu’à ce moment de la nuit, il commencera à être vulnérable, un peu camé ou bourré.

— Je te rappelle dans une heure pour te dire si c’est faisable comme ça.

Je me dis que la partie allait être serrée. Je n’avais aucun doute sur la partie technique de l’opération. Si mon ami me confirmait la faisabilité, il n’y aurait aucun problème. Je me préparais toutefois à une deuxième phase, sans aucun doute un peu plus violente. Je n’avais pas vraiment l’intention d’abattre un homme de sang froid, fût-il un immonde souteneur, mais s’il prenait l’initiative, je n’aurais aucun scrupule à me défendre et protéger Emily.

La discothèque était bien fournie, offrant des titres pour tous les goûts. Vous avez compris que les miens se portaient plus sur le rock que la country, mais je ne voulais pas d’une ambiance trop brutale. Je trouvai un album des Beach Boys et lançai « Good Vibrations » *.

Je me servis un verre d’un vieux scotch et sortis rejoindre Emily sur la terrasse.

— Je vais appeler Pablo ce soir pour lui proposer un deal.

— Tu vas me renvoyer à Vegas ?

— Non, non, rassure-toi. Si c’était mon intention, ce serait fait depuis longtemps. En fait, je vais lui proposer un nouvel échange.

— Echanger quoi ?

— Tu veux dire « échanger qui » ? toi en l’occurrence.

— Mais contre quoi ?

— Contre de l’argent, « what else » ?

— Tu en as tant que ça ?

— Ça ce n’est pas ton problème. En attendant, tu vas me parler de Pablo. Qui il est, comment il vit, ce qui le fait marcher.

Une demi-heure plus tard, j’avais réuni de quoi construire mon argumentaire. Long John appela peu de temps après.

— Tout est prêt. À ton signal, je permute les numéros de double identification vers un mobile que je contrôle. Tu as de quoi noter le téléphone à appeler ?

— Oui, vas-y. Et s’il ne répond pas ?

— Alors c’est encore plus simple. Il faudrait que tu le gardes en ligne deux ou trois minutes pour que j’aie le temps d’effacer mes traces.

— Je pense que je n’aurai pas de problème.

— Très bien, je te rappelle à H-15 **.





* Good Vibrations : titre du groupe californien The Beach Boys, groupe mythique de la Surf Music dans les années 1960 à 1970

https://www.youtube.com/watch?v=Eab_beh07HU

** H-15 : façon militaire de dire « 15 minutes avant l’heure convenue »

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