Ça se gâte

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La sueur commença à s’écouler entre mes épaules, froide. Comment avions-nous été assez naïfs pour imaginer qu’il ne remarquerait pas la disparition d’un million de dollars. Pablo payait nécessairement des comptables pour gérer ses finances. Mon cerveau tournait à pleine puissance quand j’entendis un message dans l’oreillette.

— Gagne un peu de temps, baratine-le un peu ! dit Jack dans l’oreillette.

Je décidai de jouer cartes sur table. J’avais après tout une assez bonne main, avec mes renforts dans l’ombre.

— C’est que j’ai eu des frais ! Les intermédiaires prennent de grosses commissions, et puis, je n’ai fait ça que pour aider une jeune femme en difficulté. Quand je l’ai prise en stop, Emily n’avait même pas une culotte de rechange !

— Elle t’a bien baratiné, la plupart du temps, elle n’en porte même pas ! ricana le truand. Ce n’est qu’une trainée, avec de beaux nichons, juste bonne à danser et à baiser. Elle ne vaut pas cent dollars. Tu peux la garder si tu veux, mais tu me rends mon argent.

— Je voudrais bien, mais je ne l’ai plus, je viens de te le dire.

— Je m’en fous, tu me rends tout ou tu es mort. C’est simple non ?

— C’est que je n’ai pas vraiment envie de mourir, en tout cas pas maintenant.

— Tu es complètement fou ? Tu es qui pour te mesurer à moi ? Un aventurier ou un flic ?

— J’avoue, quand je l’ai vue à la station-service, je suis tombé raide dingue. Elle m’a raconté son histoire et je lui ai dit que j’allais l’aider.

— Et tu t’es imaginé qu’on pouvait me la faire à l’envers ? Il faut se méfier des blondes quand on se laisse guider par sa queue !

Pablo s’adressa à ses gros bras :

— Manuel, apporte les valises à la voiture. Enrique, va donner à ce gringo un aperçu de ce qui lui arrivera s’il ne m’apporte pas l’argent demain matin.

Le dernier nommé dégaina un couteau de chasse et se dirigea vers moi. Je me repliai vers la voiture à mesure qu’il approchait. Il avait l’air décidé à me faire mal. Je pouvais voir un rictus sadique sur son visage. Je n’avais pas beaucoup d’options. Je n’avais pas l’intention de me laisser amputer d’une partie de mon anatomie. Je pouvais prendre le flingue sur le siège de la voiture, mais il me faudrait le quitter des yeux. J’entendis la voix de John dans l’oreillette.

— Je peux le stopper. Blessure non léthale.

— OK

John accusa réception puis je vis l’homme projeté en arrière avant d’entendre la détonation. Le nommé Manuel lâcha les valises pour porter la main sous sa veste. Il pivota sur lui-même lorsque la balle l’atteignit à l’épaule. J’attrapai le Glock.

— On reste tranquille, criai-je à l’attention de Pablo. Si quelqu’un sort de ces voitures, il subira le même sort. Je n’aime pas tes façons d’agir. J’étais venu pour négocier un deal et tu préfères la violence gratuite, alors je vais revoir mon offre. Je reprends une des valises. L’autre est pour toi et on est quitte. Décide-toi vite, sinon je pourrais encore changer d’avis.

Derrière Pablo, je vis la portière du SUV s’entrouvrir. Une balle pulvérisa immédiatement le pare-brise.

— Tu joues avec ta vie ? demandai-je.

— Qui es-tu ? Tu veux me prendre mon business ? Tu veux mes filles ?

— J’ai bien assez avec une !

— Alors quoi ?

— Faut pas jouer au dur avec les vétérans des commandos. On a gardé quelques mauvais reflexes, comme tirer les premiers.

Pablo pointa son index vers moi et s’écria :

— Commando de mon cul, tu es un homme mort.

— John, tu as entendu ce que notre ami a dit ?

— Oui, il a insulté les Seals, il me semble.

— Pablo, tu n’es pas raisonnable. Mon ami là-haut est très fier de son passé.

— John, tu peux viser le genou ?

— Tu es complètement malade, hurla Pablo. Vas te faire foutre !

Le truand s’écroula en se tenant la cuisse.

— Je t’avais prévenu, lui dis-je avec mépris.

J’allai récupérer les deux valises en gardant à l’œil Manuel qui se tordait de douleur sur le sol.

— Jack, appelai-je dans la radio, peux-tu venir surveiller les passagers des véhicules ?

Je le vis sortir du baraquement, un Uzi dans chaque main. Je me doutais que John le couvrirait au cas où il resterait un homme assez téméraire pour oser bouger. Il fit un signe au conducteur de la Maybach. Celui-ci sortit les mains sur la tête avant de s’allonger dans la poussière. Jack préleva un pistolet et un couteau et lui lia les mains avec des bracelets en nylon, puis il s’approcha du SUV, quelques mètres en retrait. Il jeta un coup d’œil à l’intérieur et dit dans la radio :

— Cible neutralisée.

Il fit le tour du véhicule par sécurité, ouvrant les portières arrières, puis vint me rejoindre.

— Qu’est-ce qu’on va faire de ces types ? Le conducteur du SUV est mort. On a trois blessés sérieux, ils vont se vider de leur sang dans le sable si on les laisse là.

— Le chauffeur de la Maybach est indemne. Il pourra toujours essayer de les emmener se faire soigner, répondis-je. On ne va pas les achever sur place.

— Comme tu veux, de toute façon, nous on n’est jamais venus à Vegas…

J’appelai John dans la radio.

— Tu peux descendre, on a terminé ici.

— OK, je ramasse mes douilles et j’efface mes traces ici.

Dix minutes plus tard, il était avec nous et posait ses affaires dans le pick-up. J’emmenai mes mercenaires à l’écart.

— Les gars, vous avez assuré. J’aurais préféré que ça se termine autrement, mais c’est eux qui n’ont pas suivi mes règles. Voilà ce que je suggère, on nettoye, on met le feu au SUV et on charge les blessés dans la Mercedes. Le chauffeur fera ce qu’il voudra. S’il trouve un bon médecin pas trop regardant, ils peuvent s’en tirer. Aucune blessure n’est mortelle.

— Pablo courra moins vite, tu peux me croire, plaisanta John.

— Et les deux autres auront du mal à se gratter le dos, compléta Jack.

— Pour commencer, on ramasse toutes les armes et les téléphones de ces messieurs.

Jack se dirigea vers Manuel et le remit sur pied sans ménagement avant de le fouiller soigneusement. John fit de même avec Enrique. Puis ils les conduisirent à la voiture, avant de revenir vers moi.

Pablo ne pouvait pas se relever. La balle de John lui avait explosé le fémur, juste au-dessus du genou. Par chance, il ne semblait pas y avoir d’hémorragie.

— Avec un peu de chance, tu garderas ta jambe, mais je crains que tu ne restes boiteux, lui dis-je.

Pablo cracha dans le sable. Jack lui donna un coup de pied dans les côtes.

— Tu veux que je m’occupe de l’autre ? dit-il en sortant son Uzi.

— Alors voilà ce qui va se passer. Ton chauffeur va s’occuper de vous, ou bien vous balancer dans une décharge, ce n’est pas notre problème en fait. Ce qui est certain, c’est que si tu tentes quoi que ce soit contre Emily ou l’un d’entre nous, tu n’entendras pas la balle qui te tuera.

— Fils de pute !

Jack lui décocha un nouveau coup de pied. Pablo hurla.

— J’oubliais, ma mère fait aussi partie des personnes intouchables.

Je fis un signe. Jack me tendit son Uzi. Aidé de John, il vida les poches du blessé, n’en sortant qu’un smartphone et un peu de cash. Pas d’arme.

— Portez-le dans la voiture avec les deux autres.

Je rangeai les deux valises pleines de billets derrière les sièges du pick-up.

— Qu’est-ce qu’on fait du conducteur de l’autre voiture ? demanda Jack.

— Mettez-le dans le coffre de la berline, ils en feront ce qu’ils voudront.

Je m’approchai de l’homme toujours immobilisé au sol.

— Ne me tuez pas, je ne suis que le chauffeur. J’ai des enfants.

— C’est un peu tard pour y penser, répondis-je, tu devrais songer à changer de boulot. Tu as de la chance, on a besoin de toi pour conduire tes amis se faire soigner. J’espère que tu connais l’adresse d’un bon médecin, qui ne pose pas de questions.

Je l’aidai à se relever avant de demander à Jack de lui délier les mains.

— File sans te retourner et oublie cette soirée, lui conseilla Jack. Ecoute le conseil de mon ami. Change de job ! Tu vois, celui-là est mauvais pour la santé.

L’homme se mit au volant sous notre regard et fit demi-tour avant de s’éloigner dans la poussière.

— Allez, on ne traine pas ici ! dit John. On vérifie qu’on ne laisse rien derrière nous et on fout le camp.

Dix minutes plus tard, nous étions tous les trois à la voiture.

— Allez m’attendre à la sortie du canyon, dit Jack, je vous rejoins.

John se mit au volant, et je montai à ses côtés. Jack prit son sac à dos et se dirigea vers le SUV abandonné. Nous avions à peine franchi le coude quand l’explosion se fit entendre. Jack arriva au petit trot.

— Grenade incendiaire, commenta-t-il en montant derrière moi. Allez, en route !

John démarra le pick-up et m’amena jusqu’à ma voiture. Je récupérai les deux valises et lui rendis le Glock.

— Tu vois que tu n’en avais pas besoin ! plaisanta John.

— Je vous offre à diner ? C’est le moins que je puisse faire.

— OK, répondit Jack. Laisse nous le temps de déposer notre matos, on ne va pas aller en ville avec.

— On va se changer aussi, compléta John.

— C’est juste, moi je passe récupérer Emily et on se retrouve à l’hôtel.

La nuit était tombée quand je me suis retrouvé sur l’autoroute. La radio diffusait un morceau de Willie Nelson, « On the road again » *. Pour une fois, je laissai le titre aller jusqu’au bout avant de chercher une autre station.




* On the road again : titre du chanteur de country Willie Nelson

https://www.youtube.com/watch?v=dBN86y30Ufc

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