8. Manga 3D

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Mon propriétaire avait accepté l’annulation de mon bail sans histoire, et déjà quelqu’un avait repris l’appartement. Mon patron avait moins apprécié la surprise, mais l’armée ayant l’ascendant sur toute entreprise, il n’y eût nul préavis à donner. Je ne doutais pas qu’il trouverait une autre fille mieux carrossée pour aguicher sa clientèle.

Ce soir, je débarquais avec mon sac d’affaires privées, devant le pavillon de soixante-dix mètres carrés que nous avions eu la chance d’habiter, au milieu d’un lotissement de la banlieue d’Aurillac. J’avais fait une longue tresse paysanne et j’avais légèrement maquillé mes yeux pour faire plaisir à ma mère. J’ignorais totalement si elle allait m’accueillir chaleureusement ou en tirant la gueule.

Maman était une femme intelligente, car bien qu’elle ne comprît ni n’approuvât mon choix de rejoindre l’armée, elle m’accueillit avec le sourire. Elle m’ouvrit ses bras et m’embrassa :

— Ma chérie ! Je suis tellement contente de te revoir.

— Moi aussi, Maman.

— J’ai demandé aux déménageurs de monter tes cartons et ton téléviseur dans ta chambre, mais ils n’ont pas voulu. — Elle me désigna mes affaires posées dans le couloir. — Je suis devenue vieille. Pour une jolie fille, ils se seraient pliés en quatre.

— T’as pas encore cinquante ans, et t’es svelte.

— Mais je suis pleine de rides.

Il était vrai que ses yeux étaient très marqués, qu’elle était plus squelettique que mince. Une douleur régulière à la hanche la faisait claudiquer, et elle n’avait jamais voulu se faire opérer par peur que ça empirât. Il était certain que les déménageurs n’avaient pas dû la trouver séduisante.

— Nous monterons tes affaires demain. Je t’ai préparé des lasagnes végétariennes, et elles vont brûler.

Je la suivis dans la cuisine, où la table était mise pour deux. Le téléviseur mural était allumé, mais elle avait coupé le son. C’était visiblement un reportage sur l’armée.

— Ne fais pas attention. Je me cultivais.

Elle se pencha pour sortir le plat de lasagne du four, pendant que je m’asseyais en me faisant la réflexion que mon père n’aurait sans doute pas encore préparé le repas, mais n’aurait pas fait l’impasse sur l’apéro. Ses deux mèches de cheveux roses balancèrent au-dessus du repas lorsqu’elle le posa sur la table en me demandant :

— À quelle heure tu te lèves ?

— Ben quand je me réveillerai, je suis un peu en vacances.

— Je veux dire lundi en huit ?

— À quatre heures. Je change à la gare de Lyon et je prends le THV.

— Tu vas arriver très tôt.

— Je préfère ça qu’être en retard. Mais on a le temps d’y penser. Je vais passer la semaine ici, ne pense pas à ça.

Les assiette remplies, elle s’assit et soupira :

— Maintenant, ce sera impossible de t’avoir toi et ton frère en même temps à la maison.

— Je ne serai pas dans les forces spéciales, je connaîtrai mes dates plus facilement.

— Si tu ne reviens pas dans une boîte.

— Ce n’est pas le but. Je serai officier, je serai en retrait.

— Mais tu m’as dit que tes futures missions seront quand-même top secrètes.

— Oui, répondis-je les lèvres pincées.

— Je ne comprends pas ce… Vous savez que la guerre c’est dangereux, et toi et ton frère, vous foncez dedans. Je ne vois pas ce qu’il vous plaît dans l’armée.

À peine arrivée, finalement, elle ne pouvait pas s’en empêcher. Agacée, je lui fis remarquer :

— Il faut bien que certains se dévouent, si on ne veut pas que le genre humain finisse exterminé. Et ça pourrait être pire.

— Quoi ? Y a quoi de pire ?

— Je pourrais être pilote d’ESAO.

Elle esquissa un sourire emmêlé de mépris :

— C’est vrai qu’il existe encore des dégénérées pour s’enfermer là-dedans. Je t’imagine bien ! Toi qui trouvais que ta tenue de vendeuse de burritos était un peu vulgaire.

— Dans un ESAO, personne ne te voit.

— Mais je pense que pour la réputation, mieux vaut être seins nus sous une salopette qu’à poil dans un exosquelette. Pourquoi tu souris ?

— Parce que t’as fait une rime.

Elle plissa les yeux, sourit, prit sa première bouchée, puis essuya un coin de sa bouche avec son index tout en s’adossant. Je lui souris :

— Tu vois, faut toujours relativiser.

— Je crois que je me suiciderais si j’apprenais que tu étais une catin de l’armée.

— Ne parle pas comme ça d’elles. Il y aura des ESAO dans les groupes de combats que je vais diriger. Elles n’ont pas choisi.

— Elles n’ont pas le choix car ce sont des neuneus sans cervelles, socialement larguées. C’est pour ça qu’elles sont endettées, mais aussi qu’elles s’abaissent sans honte à ce genre de chose. En vérité, on a toujours le choix. Tu te verrais faire ça ?

— Moi, de base je suis trop pudique, dis-je.

— Ça c’est bien vrai !

Je repris mon repas, et Maman remplit les verres d’eau. Elle me laissa une minute de silence à savourer sa recette unique, puis elle me dit :

— Comment Mako a appris que vous n’alliez plus vous voir ?

— Ce n’est pas ma petite amie.

— Je croyais.

— Je sais que tu rêves que je te présente une fille ou un garçon, mais tu sais bien que ça ne m’attire pas.

— Peut-être un jour.

— Pourquoi ça vous inquiète tous que je n’ai pas envie d’être en couple. C’est interdit de vivre le bonheur tout seul ?

— Non, ma chérie.

— Bah heureusement que tu ne me dis pas le contraire, ça fait neuf ans que t’as largué Papa. Ou… T’as trouvé quelqu’un ?

Elle éclata de rire.

— Pour quoi faire ?

Je fus obligée de sourire. C’était curieux, elle qui prônait le célibat, qu’elle eût toujours eu cet espoir que je lui présentasse un jour quelqu’un. Peut-être regrettait-elle de ne pas avoir réussi à trouver l’amour parfait qu’on lui avait vendu dans sa jeunesse au travers du cinéma. C’était le genre à vouloir que tout soit tellement parfait qu’elle n’avait pu trouver l’amour, la perfection n’existant pas. Nous étions en ça très différentes. L’amour ne m’avait jamais attiré, et ça ne m’avait jamais dérangé. Et pour ma mère, la sexualité n’était qu’utilitaire, tandis que j’avais toujours adoré ça.

La discussion dériva sur les commérages du voisinage.

Une heure plus tard, en débardeur et short, je quittai la salle de bain embuée. Maman était dans le salon et je reconnus la voix de Papa qui lui répondait à travers le smart-data :

— Je ne pensais pas que tu la soutiendrais.

— Si elle se trouve utile dans l’armée et si elle trouve un équilibre dans sa vie, c’est l’essentiel. Et puis quand je pense à ces filles qui se prostituent dans des machines, je me dis que ça pourrait être pire.

— Certes. Et toi, ça va ?

— Tu sais, le quotidien…

Préférant ne pas écouter leur conversation, je retrouvai ma chambre d’adolescente. Rien n’avait bougé. La texture même des lames de vinyle sous mes pieds secouait des souvenirs. L’odeur de la lessive sur les draps me renvoya aux longues soirées d’exploration sensorielle pendant que ma mère travaillait de nuit et que mon frère se faisait la malle. Si j’avais écrit un livre sur mon adolescence, je l’aurais intitulé « mon clito et moi. » J’avais entendu le terme de jouissance pour la première fois au collège à travers des blagues et des boutades. J’avais eu envie de comprendre, et après ma première masturbation, je m’étais demandé comment j’avais pu passer à côté de mon clitoris auparavant. Pendant un trimestre, tous les soirs, je rentrais brûlante d’impatience et j’expédiais le dîner, obsédée par l’idée d’expérimenter une nouvelle façon de chahuter mon rubis. Je lui avais fait connaître mille objets de formes et de textures différentes. Lui et moi, nous nous connaissions par cœur, et ce soir, ces souvenirs me mettaient à fleur de peau.

J’avais envie de retrouver cette fièvre d’autrefois. Je me glissai sous les draps avec mon smart-data, puis baissai mon short. C’était agréable, de sentir le contact de la couverture sur mon Mont de Vénus désormais glabre. J’ouvris ma boîte de lentilles connectées. Je les appliquai une à une sur mes yeux, mis une oreillette. Sur mon smart-data, j’accédai à mes séries téléchargées. En cinq mois, je n’avais jamais trouvé de film sur les pilotes d’ESAO, à croire que le tabou qui les entourait était des plus féroce. S’ils apparaissaient, c’était toujours en arrière-plan et on ne voyait jamais la pilote, ou alors dans une autre scène hors contexte. Toutefois, il existait une série d’animation pour adulte peu connue que j’avais dénichée sur Internet.

L’image remplit mon champ de vision et mes mains vinrent caresser avec légèreté mes cuisses. L’avantage de sériée animées pour lentilles, c’était la plongée à l’intérieur, permettant de regarder les scènes sous tous leurs angles. Les polars et tous leurs indices cachés avaient contribué au succès à cette technologie.

L’histoire se passait dans un futur imaginaire où les Crustacés avaient été éradiquées. Les pilotes ESAO étaient devenues des gladiatrices qui s’affrontaient dans des matches à mort pour le spectacle. La série étant pensée pour les hommes, le personnage principal avait une poitrine surdimensionnée et des tétons qu’on aurait cru plus sensibles qu’un clitoris. Mais je savais mettre le ridicule et l’exagération de côté pour m’attacher aux personnages. Mon épisode reprit où je l’avais laissé, au début d’un combat. Le personnage partageait ses pensées, comme si le temps s’était figé. Elle élaborait sa stratégie en analysant les points faibles qu’elle connaissait de son adversaire et les capacités de l’ESAO qui lui faisait face.

Le combat commença à coups de poings. Les ESAO se projetèrent l’un l’autre. La narratrice partageait ses inquiétudes d’être battue et la nécessité de jouir rapidement. Un plan coupé me permit de voir au travers de l’acier, la peau qui brillait de sueur. Puis on vit à travers sa chair le phallus en forme de vis, se mettre à tourner. Fiction obligeait, il mesurait bien quarante centimètres. Mais la fantaisie n’empêcha pas mon ventre de s’échauffer en associant les images à mon souvenir du simulateur. Mes paumes longèrent la pliure de mon aine, tandis que mon esprit se projetait dans le combat, mixant avec talent souvenir et imaginaire. Le personnage principal avait beau haleter et gémir dans son exosquelette, elle ne trouvait pas la puissance pour terrasser son ennemi et son ESAO perdit un bras dans le combat. Il était temps pour elle d’utiliser le gadget secret dont lui avait parlé sa gynécienne. Un second phallus télescopique, aussi gros que le premier, pénétra alors dans son rectum. Par transparence, on découvrait les deux vis tourner l’une contre l’autre. Le plaisir explosa et son laser arracha la tête de l’ESAO ennemi qui tomba au sol. Mon index et mon majeur passèrent sous mes fesses et pénètrent mon écrin détrempé. Mon autre main vint glisser sur mon pubis lisse. Sans prêter attention au monologue du personnage, je refis son combat. Pendant que l’ennemi tombé se relevait en faisant apparaître une tête cachée, loin du scénario bidon, je m’envolais vers mon propre imaginaire. Mon clitoris se découvrit et une petite tape de l’index me renvoya une décharge qui contracta mes cuisses. Je repris mon souffle puis le tapotai avec légèreté et vivacité. Me retenant de couiner, le ventre contracté, j’inscrivis orgasme en morse, jusqu’à ce qu’il se déclenchât, déferlât dans mes veines comme un tsunami.

Je mis l’épisode en pause et ôtai mes doigts de mon vagin inondé. Je m’assis, ôtai mon débardeur et me rallongeai pour sentir les draps sur mes épaules et mon buste. Je voulais recommencer. Je repris l’épisode pour connaître la fin et laissai se balader mes mains. Je souhaitais prendre mon temps, savourer davantage, et retarder l’instant pour le rendre plus savoureux. Lorsque l’épisode serait terminé, je me consacrerais à moi-même. Cette nuit, j’allais revivre une de mes nuits multi-orgasmique d’adolescente.

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