10. Briefing de bienvenue

17 minutes de lecture

Caitlin, la dernière d’entre nous à être passée, sortit de l’infirmerie. L’instructrice venue nous retrouver demanda :

— Tout le monde est passé ? — Nous opinâmes du front. — Parfait. À table !

Elle nous conduisit en direction du deuxième étage, où se situait le réfectoire avec vue sur la cour. L’immense salle grouillait majoritairement d’hommes, et nous étions les seules de la cavalerie ESAO. Un peu à la recherche de repères, nous nous servîmes aux ilots réfrigérés. Quelques regards glissaient sur nous, des sourires en coin trahissaient des messes basses entre certaines filles. Je n’aimais pas cette ambiance et Dahlia à côté de moi murmura entre ses dents :

— On ne va pas se faire des amis, ici.

— Suffit de se dire qu’on suscite la jalousie, glissa Sadjia.

J’aimais bien cette réflexion et je lui fis savoir d’un sourire avant de demander :

— On s’assoit à quelle table ?

— À côté des regards lubriques ou à côté des langues de commères ? marmonna Dahlia.

— Je vote pour les lubriques, sourit Sadjia en s’avançant.

Les garçons assis firent mine de discuter d’autre chose. L’instructrice s’éloigna à l’autre bout du réfectoire et fit la bise à toute une table de sous-officiers de son âge. Caitlin tenta de créer une bonne ambiance :

— Si on faisait connaissance. Comment en êtes-vous arrivées ici ?

La géante scandinave lâcha :

— Je n’ai pas envie d’en parler.

— C’est personnel, ajouta Dahlia d’un air pincé.

N’ayant pas envie d’avouer que c’était un fantasme, je gardai le même silence que Mercedes. Héloïse et le second gynécien, un jeune trentenaire blond aux yeux bleus dont le t-shirt sculptait les biceps vinrent se joindre à nous. L’homme sourit :

— Et bien, c’est silencieux. Nous gênons ?

— Non, nous faisions connaissance. Je racontais pourquoi j’étais arrivée ici. Je voulais être DJ, impossible d’en vivre, peut-être manque de talent pour percer, alors je me suis dit : pourquoi pas ? Et vous, comment on devient gynécien ?

L’homme dit :

— J’adore la mécanique, et j’adore les femmes. J’ai fait une formation en mécanique et informatique militaire, et une amie d’enfance était prête à rejoindre les ESAO si c’était moi qui m’occupais d’elle. Alors je me suis dit que c’était une bonne opportunité et depuis deux ans, je m’occupe des filles qui viennent en formation.

— Et ta copine est devenue pilote ?

— Elle a essayé, mais elle a échoué au troisième jour de formation. Alors je l’ai épousée.

— Et ça ne la dérange pas que tu t’occupes d’autres minettes ?

— Non.

— Et ça te plait, ce boulot ? s’étonna la scandinave.

— On voit des filles très différentes, on les soutient, on les conseille. Je sais que je ne suis pas une femme, mais je me sers de retour d’expérience des autres. Et ça rend très jaloux les autres mecs, ça aussi c’est un plaisir.

Nous sourîmes. Je levai les yeux vers Héloïse et lui demandai :

— Et toi ?

— J’étais électronicienne dans l’armée de l’air. J’ai commencé tôt, j’ai passé un bac pro dédié uniquement à l’avionique de combat. J’ai eu une mention assez-bien et j’ai été affectée en orbite de Mars. Malheureusement, les autres me prenaient pour la bonniche. J’apportais le café, ramassais les affaires et nettoyais après les orgies… Je n’ai jamais été invitée, je précise ! Enfin si, mais j’ai refusé, et c’est pour ça que je suis devenue la bonniche. Quand le commandant retrouvait les piaules ou le mess dégueu, c’était moi la responsable. J’avais juste un bac financé par l’armée, j’étais liée par contrat. La seule porte de sortie c’était de compléter ma formation dans l’armée de terre avec des connaissances en anatomie. Gynécienne, il n’y a pas tant de filles qui veulent faire ça et qui ont des bases en mécanique ou électricité. Donc j’ai suivi plusieurs semaines de formation, j’ai eu des cours d’anatomie et d’Histoire. Sérieusement, j’ai tout de suite su que j’étais faite pour ça. S’en est suivi un entretien avec le colonel Paksas, qui m’a dit, que pour valider, je m’occuperai de la moitié de la nouvelle formation de pilote. Je suis avec vous jusqu’à ce que je sois affectée à une unité sur le terrain. Après c’est Peter qui prendra le relai.

Elle conclut son histoire par un grand sourire ravi. Les assiettes avaient commencé à se vider. Je terminai mes frites et Sadjia dit :

— Moi, c’est pour l’argent. Ma mère est plutôt diminuée, n’a plus de travail, et les petits boulots ne rapportent pas assez. Ici, je suis nourrie, blanchie et ma paie avec les primes en opération extérieure permettront de lui assurer des soins et de rester dans son appartement.

Dahlia opina de la tête et lui dit :

— C’est noble.

— Et toi ?

La parisienne hésita avant de prendre sur elle :

— C’était la seule façon que la justice m’a laissé pour… Pour résumer mon histoire, j’ai monté une start-up et j’avais un management disons, assez dur. Un jour, un de mes employés a simulé un suicide, puis ensuite a porté plainte. Et il a enregistré toutes nos conversations depuis qu’on travaillait ensemble. La boîte ne marchait pas bien, j’étais sur les nerfs, et je l’ai souvent traité durement. Et le tribunal a gardé le motif de harcèlement moral, a accepté presque toutes ses demandes de dédommagement. Comme la boîte ne marchait pas, je n’ai pas d’argent, alors l’armée va payer mes dettes en échange de mon corps. C’est une sorte de proxénétisme, mais comme c’est l’Etat, c’est légal.

Elle venait de noircir l’ambiance. Caitlin tourna la tête vers celles qui n’avaient pas parlé. La Danoise leva une main sur la défense :

— Je passe mon tour.

— De toute façon, dit Dahlia. C’est soit un problème d’argent, soit de justice.

— Ça, renchérit le gynécien. Personne n’est ici de son plein gré. Une fois…

Le repas se poursuivit sur des anecdotes du beau blond. Il était souriant, doux et posé, ce qui détendait l’atmosphère. Il était affecté aux ESAO de Kirsten la Danoise, Caitline l’Irlandaise et Sadjia l’Allemande. J’étais rassurée que ce fût lui qui prendrait la suite après Héloïse.

Après déjeuner, nous rejoignîmes notre aile du bâtiment Elle était dédiée à l’infanterie ESAO. Au rez-de-chaussée, sous le dortoir, nous pénétrâmes dans un couloir auquel seules nos plaques militaires autorisaient l’accès. Tout le long, des portes donnaient accès aux compartiments où se trouvaient les exosquelettes. Ces cases étaient ouvertes sur un vaste hangar partagé avec les blindés.

Quatorze heures moins cinq minutes, nous attendions à l’entrée de la salle de briefing, située à l’extrémité de ce couloir, au-dessus du vestiaire. Les gynéciens nous avaient laissés, Héloïse n’ayant pas terminé de brancher la sellerie neuve à mon ESAO. Dans son uniforme blanc le colonel Paksas arriva jusqu’à nous. Nous nous plaçâmes au garde-à-vous, la main en visière. Elle balaya l’air devant elle pour nous indiquer de nous mettre au repos.

— Bonjour à celles que je n’ai pas vues.

Elle ouvrit la porte sur une salle vitrée avec une dizaine de chaises, un écran et un pupitre. Par les carreaux nous pouvions voir l’immense cour bétonnée servant aux entraînements. Les traces noires et les impacts faisaient état d’années d’exercices. Sitôt que nous fûmes assises, le colonel prit la parole.

— Bien, nous avons à la fois la chance et la malchance que la session de ce mois-ci soit petite, seulement six nouvelles pilotes. Je me présente plus en détail, je suis le colonel Orinta Paksas, et j’ai été parmi les premières pilotes d’ESAO. Je vous demanderai donc d’accorder toute la crédibilité à mes propos, car je tiens à effacer certaines de vos craintes. Avant tout, avant que vous ne l’appreniez par ailleurs, j’ai en effet été capturée par nos ennemis, qui m’ont décortiqué l’abdomen pour tenter d’en comprendre le fonctionnement et j’ai été laissée pour morte dans un bunker, sauvée in extremis par mission de sauvetage 126.

Son regard croisa le mien afin de s’assurer que le parallèle entre mon test sur simulateur et son passé fût clair. C’était comme si j’avais pu être celle qui l’avait sauvée. Elle inspira profondément et un premier mot s’afficha à l’écran : orgasme.

— J’ai sélectionné quelques mots importants qui feront partie de votre vocabulaire quotidien et nous allons les développer. L’orgasme, qu’est-ce que c’est ? Birki ?

— Ben, balbutia Sadjia. C’est une onde ? Une énergie ?

— Je veux une définition littérale. Fontaine ?

— Le point culminant du plaisir sexuel ?

— C’est une bonne définition. Comment faites-vous pour atteindre ce point culminant ? — Aucune n’osa répondre au risque de trop dévoiler son intimité. — En stimulant des zones érogènes, non ?

Nous opinâmes et le dessin d’une femme nue apparût à l’écran.

— N’ayant aucun homme dans la salle, je passerai sur la simplicité éprouvée d’arriver à un orgasme masculin. Rapide à obtenir, mais bref et difficile à reproduire dans un délai convenable. Mais vous, quelles sont les zones érogènes que vous connaissez ?

Dahlia hasarda le clitoris, puis nous commençâmes à indiquer nombreuses zones éloignées de la zone génitale. Et évidemment, au sujet du nombril, je m’entendis répondre :

— Je ne pense pas.

— Pourquoi, Fontaine ?

— Chez moi en tout cas…

— C’est exactement ce que je voulais entendre. Chez moi. Vous êtes des femmes, votre approche de la sexualité, vos expériences et votre sensibilité sont différentes. L’une réagira à un stimulus, une autre non, ou plus lentement. Vous êtes toutes uniques et la façon dont vous piloterez votre ESAO dépendra uniquement de vous.

Elle afficha le mot « partenaire. »

— Y a-t-il besoin d’un partenaire pour atteindre l’orgasme ? Si vous êtes ici, vous connaissez la réponse : non. Ôtez-vous de la tête que l’autostimulation est un plan B. Même si la présence d’un partenaire, le contact charnel démultiplie votre désir, ça n’est qu’un moyen de favoriser le plaisir.

Elle afficha le mot « fantasme. »

— Avoir un ou des fantasmes est-il nécessaire à l’orgasme ?

Nous nous regardâmes, j’haussai les épaules, puis le colonel fit la réponse :

— Oui et non. Vous pouvez vous en aider pour démarrer le processus du plaisir. Mais une fois en combat, votre esprit sera préoccupé et incapable de se concentrer sur ce fantasme. Le point culminant s’atteint en s’ouvrant intérieurement aux sensations. C’est la plus grande partie de cette formation, apprendre à votre corps et l’habituer à cette conscience.

Elle afficha le mot « nymphomane. »

— Être une nympho favorise-t-il le pilotage ? Oui. Si on vous en fait le sobriquet, prenez-le comme un témoin de vos actions réussies sur le terrain.

Elle passa au mot « frigide. »

— Le pilotage fait-il de vous des personnes vides de tout désir de partenaire ? Non. Evidemment, vous allez le découvrir, c’est épuisant, ça demande une bonne condition physique. Mais la sexualité est dans la nature humaine. Si vous cessez de piloter après la durée de votre contrat, l’appétit reviendra.

La photo d’une selle apparût. Elle frotta ses mains puis nous regarda dans les yeux.

— Dans les prochains jours, vous allez piloter sur différents terrains d’entraînement. Vous allez apprendre chacune les fonctions de votre ESAO. L’ESAO qui vous a été attribué le restera ensuite, car vous allez créer une relation biomécanique malgré vous, un attachement affectif. Sauf nécessité tactique, votre ESAO vous suivra lors de votre affectation. Carlier et Erhlich vous remettront le livret de pilotage ce soir, après que vous ayez fait connaissance avec les bases. Le plaisir, juste léger, suffit à activer un ESAO de dernière génération. Nous avons eu une pilote qui pensait à un gâteau au chocolat dès qu’elle était nerveuse et ça lui permettait de commencer. Mais comme nous le disions, nos fantasmes n’appartiennent qu’à nous. La façon dont vous aller maintenir suffisamment le plaisir ne regarde que vous. La seule chose que nous enregistrons en continu, c’est votre rythme cardiaque pour, s’il y a fibrillation, intervenir à distance. Vous êtes donc en totale autonomie. L’expérience m’amène à vous souligner quelques règles de bon sens. Il est impossible de passer de 0 à 100 en une minute. Comptez bien un quart d’heure de chauffe. — Une courbe du plaisir s’afficha. — L’idéal sur une zone de conflit c’est d’avoir atteint cette zone de plateau et de la maintenir. Vous ne pourrez pas utiliser votre arme principale, à savoir l’orgasme si vous partez d’en bas. C’est votre expérience et votre propre écoute qui vous permettra de savoir où vous vous situez. Un conseil, mollo sur l’électrostimulation, variez et renouvelez. Même s’il est difficile de se lasser du plaisir sexuel, il y en a à qui ça arrive. Aujourd’hui, vous allez faire des déplacements simples, apprendre à utiliser des fonctions en toute sérénité et tenter un premier tir. Vous avez passé le test, donc sachez que c’est dans vos cordes. Au cours des jours qui suivront, nous allons provoquer des réactions au stress. Il faut que votre cerveau sache lâcher prise en plein combat. Et ça, c’est la partie la plus difficile. Dissocier son esprit et son corps est quelque chose qui s’apprend et qui se travaille. Nous y viendrons progressivement et ne vous inquiétez pas si votre rythme de progression est différent de celui d’une de vos équipières. Est-ce qu’il y a des questions ? — Nous regardâmes droit devant nous. — Non ? Carlier va vous présenter la sellerie d’un ESAO et vous irez enfiler votre tenue de pilote.

Nous nous levâmes.

Les épaules droites, nous allâmes à la recherche d’Héloïse. Nous entrâmes par la première porte d’un hangar donnant sur un Tatou. La gynécienne n’étant pas présente, nous sortîmes du compartiment ouvert sur le couloir principal du hangar, dans lequel des blindés étaient stationnés. Dans l’odeur chaude de l’acier et des soudures, nous parcourûmes les nombreux exosquelettes, séparés les uns des autres par de simples cloisons. Il y en avait au moins une vingtaine. Au milieu des compartiments, se trouvait Héloïse, près d’un colossal monstre de trois mètres bleu marine. Si la peinture était un peu écaillée sur les angles, il ne semblait pas avoir trop vécu, et son nouveau numéro : C142 peint en blanc était neuf.

— T’as vu l’engin ? ! s’exclama Héloïse en me regardant. C’est le tien !

La tête était longue et profilée, agressive avec ses quatre yeux pour un meilleur champ d’observation. Ses pieds étaient dans une posture digitigrade.

— Pour monter à l’intérieur, il va me falloir un escabeau.

— Non, la sellerie descend. Approchez !

Sur ces mots, d’une touche sur sa tablette tactile, elle la déploya. Alors, nous nous répartîmes autour d’elle. Elle enleva le film luminodégradable qui enveloppait la sonde vaginale. Le plastique se désagrégea dans la poubelle à UV pendant que tous les regards ne quittaient pas le siège. Cela n’avait rien à voir avec la selle du simulateur. Le pieu blanc sensé entrer dans mon vagin mesurait cinq centimètres de plus que celui du banc d’essai, et il était parcouru de protubérances argentées, disposées en spirales. Je ne comprenais pas le rôle de nombreux éléments situés sur des potences articulées minuscules sur la partie avant. La seule chose dont je comprenais bien la position, c’était une longue sonde située à l’arrière, identique à celle du vagin mais en plus fine. Dahlia demanda avec dégout :

— Le plug anal, ce n’est pas que pour les hommes ?

— Ah non ! Ce n’est pas un démarreur prostatique. C’est un stimulateur, et regardez ! — Héloïse l’agita avec les doigts. — Cette sellerie, c’est pour multiplier les plaisirs.

— Il y a des femmes qui aiment avoir une baguette dans les fesses ? nous demanda Dahlia.

— Ça va, lâcha la Danoise. Ne fais pas ta coincée, elle n’est pas plus grosse qu’un doigt.

Caitlin pouffa de rire. Héloïse nous expliqua :

— Vous voyez, elle rentre, l’anus se referme et il vient reposer sur la boule qui masse. Mais, si vous n’êtes pas porté anal, on peut l’enlever. Tout est modulable.

— C’est vrai ? s’inquiéta Dahlia.

— À ta place, intervînt l’instructrice, je garderais tout et tu n’auras qu’à utiliser ce dont tu as besoin au bon moment. Plus il y a de façon de prendre de plaisir, plus tu peux contrôler à quelle vitesse il monte. Carlier, poursuivez les explications sur le fonctionnement.

— Voilà le point de contact avec le catalyseur.

L’extrémité sphérique de la sonde vaginale possédait une tête argentée de la taille de la perle. Héloïse la fit pivoter sur son axe d’un tour dans un sens, puis un tour dans l’autre.

— Avec les renflements, ça donne l’impression d’un va et vient.

— C’est réfléchi, commenta Caitlin

— Grave ! Là, on a pris quinze ans d’évolution et de retour d’expérience.

— Et les trucs mous, ça sert à quoi ? demandai-je.

Héloïse s’accroupit au niveau de la petite potence mécanique à trois têtes. La première était une sphère translucide molle.

— C’est tout pour le clitoris, vous avez le palpeur digital. Il reproduit la pression d’un doigt. Vous pouvez le faire appuyer monter, descendre, tourner. Et il y a le lapeur qui reproduit des coups du bout de la langue, vous choisissez la vitesse. — Elle fit tourner sur un axe trois petites lames en caoutchouc, avant de donner le nom d’une petite boule hérissée de picots souples — Et ça c’est la roulette, je vous laisse imaginer. Et pour terminer avec la zone génitale, les trois éléments peuvent faire circuler un courant. Cette sellerie est faite pour y aller tout en douceur. Les sphères de massage dans le dos bougent avec les mouvements de l’ESAO.

La technologie émoustillait tant Héloïse que ça en était contagieux. J’étais déjà impatiente de tester les stimuli et vérifier si c’était aussi doux qu’elle le prétendait. Je l’interrompis :

— Et pour les fonctions de combat ?

— Vous les découvrirez très vite, trancha l’instructrice. Après chaque utilisation c’est à vous de nettoyer la selle, au savon neutre et à l’eau. Une fois séchée, vous pouvez refermer l’ESAO. L’habitacle peut-être alors baigné par les éclairages à UV pour la désinfection. Y a-t-il des questions sur la selle ?

Aucune de nous ne répondit, partagée par l’appréhension pour certaines, et par l’impatience me concernant. C’était mon ESAO, ma selle, ma nouvelle peau. Ça allait être mille fois mieux qu’en simulateur, ça allait être réel. J’avais hâte de faire mouvoir les quatre tonnes d’alliage.

— Parfait, il est temps de passer à la pratique. J’ai déposé vos tenues de pilotes au vestiaire. Vous trouverez dans chaque sanitaire une douche de lavement. Les embouts jetables sont dans l’armoire murale. Il ne s’agit pas de vous rincer le colon, juste le vestibule. Comme vous aurez à laver vos selleries, je vous invite vivement à jouer le jeu. Après, c’est vous qui voyez. Enlevez ensuite plaques et bracelets et vous enfilez vos tenues de pilotes. Elles ont été faites à vos mesures, ne vous les échangez pas. Soyez prête dans quinze minutes.

Nous gagnâmes d’un même pas le couloir de service qui longeait les hangars dans l’obscurité. Nous parvînmes aux vestiaires situés sous la salle de briefing. Une odeur humide et acide de sueur ancienne semblait couvrir des décennies d’entraînement. Aucune ne dit mot et chacune s’avança vers les cabines. J’entrai la première et m’assis sur une cuvette, pantalon baissé. Si je ne perdis pas de temps, c’était pour éviter de nous pénaliser, mais j’avais un peu d’appréhension. Je fixai l’embout sur la douchette fixée au mur. Puis d’une main j’écartai une fesse, et de l’autre j’introduis lentement le bec dans mon anus. Je peinais à croire ce que j’étais en train de faire. J’espérais vraiment que ça valait le coup. Le bruit de l’écoulement dans la cabine de Mercedes me fit frémir. Je fermai les yeux, appuyai sur la gâchette. Le jet frappa délicatement l’intérieur de mon rectum. Une fois rincée, épongée, je remontai mon treillis puis sortis mal à l’aise sous le regard de la scandinave qui attendait son tour. Elle me fit remarquer d’un ton goguenard :

— T’es pâle.

— Ça va.

— Les habitudes, ça se prend.

— Je sais.

Mercedes était déjà en train de se déshabiller. Je m’avançai jusqu’au casier portant mon nom. Certes, j’étais impatiente de me glisser dans le Furet, mais guère pressée de me dénuder devant les autres. Tâchant d’ignorer leur présence, je me mis en culotte et posai mes plaques militaires à côté de mon bracelet sur l’étagère. Le casier contenait une tenue synthétique couleur ivoire. Les deux premières pièces étaient des bas. Je m’assis sur le bord du banc et les enfilai non sans mal tant ils étaient étroits. Caitlin à côté, partageait ma difficulté et demanda :

— C’est normal que ce soit si serré ?

Je répondis, car déjà informée sur le sujet :

— Ce sont des bas de contention, car en mission, tu peux rester de très longues heures sans bouger et faut éviter les risques de thrombose, surtout lors des missions en apesanteur.

— OK.

Je parvins à les enfiler jusqu’au passant qui s’insérait entre le gros orteil et son voisin, laissant mes phalanges nues. Mes genoux également étaient découverts pour permettre une meilleure mobilité de la jambe. Dos aux autres, j’enfilai le top après avoir l’avoir tourné dans tous les sens. Il couvrait le haut des épaules et laissait les bras découverts. Il enserrait le cou presque en entier. La seconde attache passait sous les omoplates, laissant le haut du dos nu. Deux point d’accroches circulaires rigides se trouvaient sous les clavicules, et deux ouvertures circulaires laissaient les seins complètement nus. Le top ne descendait pas sous les côtes. Le maintien au niveau des épaules était renforcé et du sternum semblait robuste.

L’instructrice fit irruption.

— En ligne !

Nous pivotâmes toutes dos à nos casiers. L’adjudante posa ses yeux sur ma culotte jaune vif.

— Tu comptes piloter avec ?

— Je pensais l’enlever une fois devant l’ESAO.

Elle secoua imperceptiblement le menton, alors je baissai ma culotte, puis me redressai droite en figeant mon regard pour faire celle que rien ne gênait. Elle désigna mon pubis d’un mouvement de sourcil. Je décollai le bandage d’Héloïse puis les yeux de l’adjudante scrutèrent mes camarades, vérifiant que le peu de la tunique était bien mise.

— Bien, habituez-vous à vous croiser dans ces tenues tous les jours. Avant de passer à la suite. Je veux une volontaire pour nettoyer le vestiaire ce soir.

Voulant faire oublier la culotte, je répondis dans la même seconde :

— Moi.

L’instructrice opina du menton, elle passa sa tablette devant mon pubis, une lumière noire accrochée sur le flanc mit mon tatouage en évidence, alors le micro nasilla :

— Soldat Fontaine. ESAS C142 – Accès autorisé.

Elle répéta le geste devant chacune de mes camarades, déverrouillant l’accès à leurs exosquelettes.

— Soldates, présentez-vous devant vos hangars respectifs. Vos gynéciens vous appelleront à tour de rôle pour paramétrer vos selleries.

Nous nous engouffrâmes pieds nus dans le couloir. J’observai les fesses rondes et bistres de Sadjia devant moi. Elle avait les épaules larges, des hanches très évasées et des cuisses robustes qui correspondaient à son ossature. Mais elle avait un physique sportif, un ventre plat une poitrine ronde et ferme, une peau parfaite sans aucune marque. Les filles s’espacèrent au garde à vous, face à la porte qui correspondait au matricule de leur ESAO. Sadjia fut la première à s’arrêter, puis ce fut la Danoise qui se plaça devant la porte C145. Elle était grande mais elle avait un physique beaucoup moins sportif que j’imaginais. Quand je passai devant-elle, elle lâcha un murmure narquois :

— Suce-moule.

Elle faisait sans doute référence au fait d’avoir accepté la corvée. Mais n’en n’étant pas certaine, je fis celle qui n’avait pas entendu.

Caitlin, avait les épaules, la poitrine et le haut des cuisses mouchetées de grains de beauté sombres. De toutes, elle avait les plus gros seins malgré sa petite taille, mais du reste elle était joliment proportionnée. Mercedes les mamelons sombres, les abdominaux dessinés, les muscles des cuisses tendus se plaça à son tour. Je m’arrêtai face à ma porte. Dahlia, la Parisienne aux seins pointus, murmura à ma droite :

— Je ne sais pas ce qui est le plus humiliant dans cette journée. L’implant ou ça.

J’ignorais quoi répondre. Je n’étais pas plus à mon aise qu’elle, brutalisée dans ma pudeur. Je m’accrochais à l’idée d’être dans mon ESAO dans quelques minutes. L’adjudant-chef Charlène Morvan sortit du vestiaire à son tour, dans une tenue de pilote toute aussi indécente. Elle était bien conservée pour une quarantenaire. Une cicatrice longeait son nombril. Elle passa devant nous sans un mot et poussa la porte la plus éloignée pour disparaître.

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