13. Dextérité
Je rêvais de ma première journée quand mon smart-data émit une douce mélodie de réveil. Je passai mon pouce sur l’écran, puis je me glissai du lit, dans l’obscurité, impatiente d’entamer une nouvelle journée. Mercedes grogna lorsque la lumière de mon smart-data passa devant elle.
— Il est quelle heure ?
— Il est six heures et demi.
— Mais c’est à huit heures.
— Huit heures en tenue de sport, et il me faut une heure pour digérer.
Elle se tourna en soupirant. J’enfilai mon t-shirt, mon short de sport et mes chaussures militaires. Je gagnai la cantine, les jambes saisies par la fraîcheur du matin. Il y avait une trentaine de garçons et de filles de l’infanterie motorisée classique, eux aussi en tenue de sport. Je m’installai seule à une table. Une fille noire me charria :
— Tu n’oses pas venir avec nous ?
— J’aimerais bien, mais on m’a dit que vous détestiez les pilotes, je n’ai pas envie de déranger.
— Viens, on ne va pas faire nos putes.
Je me levai et m’installai. Un garçon charria la fille :
— Eh Jane ! Tu prends des renseignements pour changer d’unité ?
Elle leva un doigt d’honneur vers lui et me dit :
— C’est vrai que je suis curieuse, mais je ne poserai pas de question.
— C’est gentil, mais si tu veux, tu peux. Après, c’est mon deuxième jour, je ne pourrais pas te répondre sur tout.
— Je m’appelle Jane.
— Clarine.
Les deux filles à côté de nous se présentèrent et Jane céda à la curiosité :
— Ce n’est pas trop difficile, le premier jour ? Je veux dire d’un point de vue claustrophobique.
— Pour être franche, j’étais tellement perturbée d’être branchée sur l’ESAO que, non… et puis tu vois par les yeux de l’ESAO.
— Remarque, comme dans un char-araignée, acquiesça une des voisines de table.
— Vous êtes conductrice de char ? questionnai-je.
— D’un peu tout ce qui roule et marche, répondit Jane.
— Ça vous plaît ?
— Ouais ! C’est super intéressant. Mais on ne va pas tarder à être mobilisées. Il y a un destroyer qui repart dans trois semaines, on sera à bord.
— Mon père est pilote de chaland à bord d’un destroyer qui part dans trois semaines. C’est peut-être celui-là.
— C’est vrai ? s’enthousiasma Jane.
— Et il est fier que sa fille soit pilote d’ESAO ? pouffa une autre fille.
— Il croit que je suis lieutenant. De toute façon, c’est inconcevable pour lui de l’imaginer. Il pense que je suis trop équilibrée pour être pilote d’ESAO.
— C’est vrai que t’as l’air normale, souligna Jane. Je veux dire pour une pilote d’ESAO. Comment tu t’es retrouvée là-dedans ?
— Ben j’ai postulé.
— Je voulais dire, qu’est-ce qui t’y a obligé ? C’est indiscret, excuse-moi.
— Non, mais rien ne m’y a obligé. C’est une carrière que j’avais envie d’essayer.
— Sérieux ? ! s’étonna la fille à ma gauche.
— Oui. Et pour le moment, c’est encore mieux que ce que j’espérais.
— Oh la nympho ! rit une fille.
Je la regardai droit dans les yeux en repensant à l’adjudant-chef qui disait qu’il fallait le voir comme un compliment et je lui dis :
— J’espère bien décrocher le titre de reine des nymphos.
Jane éclata de rire à son tour.
— Excuse-nous.
— Il n’y a pas de souci. Je vais m’y habituer.
— C’est juste ton air si sérieux quand tu dis ça.
— Mais c’est un sujet sérieux. Les gens n’aiment pas en parler. Je ne vais pas dire que je n’ai pas aimé mon premier jour. Je pense même que la majorité des femmes devrait être jalouse de ne pas pouvoir essayer ça une fois.
— L’essentiel c’est que ça te plaise.
Jane sourit, à la limite de l’hilarité, toutefois il n’y avait aucune méchanceté derrière l’éclat de son regard. Je comprenais pourquoi les pilotes d’ESAO finissaient toutes par être les recluses des régiments. Si ce n’était pas la moquerie ni le mépris qu’elles affrontaient, la curiosité pouvait être blessante.
Mes camarades des unités blindées me quittèrent en me saluant.
— À plus Clarine !
Devant mon repas je cherchai une stratégie pour me faire accepter de tous, être la petite mascotte comme à mon service militaire. Caitlin et Dahlia arrivèrent alors que j’avais fini. L’Irlandaise me fit remarquer :
— Matinale ?
— Prévoyante. Je préfère avoir digéré avant de commencer.
— Tu as bien raison, me dit Dahlia.
— Je vous laisse, je vais me brosser les dents.
— Bah, t’as pas pris des frites ? me charria Caitlin.
— Je n’en ai pas trouvé, plaisantai-je.
Elles prirent ma place, et je quittai le réfectoire après avoir déposé mon plateau. Je regagnai le dortoir pour descendre au vestiaire. Peut-être tenais-je de ma mère, mais j’avais toujours été rythmée au réveil par mes rituels. Se brosser les dents était vital pour éviter les caries et la mauvaise haleine, de plus je profitais de la tranquillité pour la grosse commission. Je constatai avec plaisir qu’avoir eu une tige dans le rectum n’avait pas nui à ma digestion. Seule variante à mes us, le lavement à l’eau tiède. Une habitude à prendre, comme l’avait dit Kirsten, car je n’avais pas envie d’avoir à nettoyer des traces fécales sur la sellerie.
Huit heures moins dix minutes, j’étais la première à attendre. Caitlin, Sadjia, Dahlia et Mercedes me rejoignirent, accompagnées des deux gynéciens en short et t-shirt.
— Vous participez ? s’étonna l’Irlandaise
— Même unité, mêmes exercices, répondit Peter.
Héloïse se plaça à côté de moi et me confia :
— Une à trois heures de sport, tous les matins, c’est la règle pour tout le régiment.
— Ça me va. J’aime bien le sport.
Huit heures moins cinq minutes, l’instructrice arriva et remarqua l’absence de Kirsten.
— Où est Jorgensen ?
— Elle dormait encore lorsque je l’ai quittée, mon adjudant, répondit Sadjia.
— Et tu ne l’as pas tirée du lit ?
— Non, mon adjudant.
— Pourquoi ?
— Je pensais qu’elle allait se lever à la dernière minute.
— Tu as mal pensé. Toutes en position de gainage sur les coudes, le temps que j’aille la lever. Si une seule d’entre vous met un genou à terre, je le verrai de la fenêtre. Si une seule flanche, vous ferez toutes le tour du régiment à poil.
Elle s’éloigna au pas de course lorsque nous fûmes toutes en position de planche. Peter demanda :
— Ça vaut aussi pour moi ?
Caitlin pouffa. Héloïse le supplia :
— Me fais pas rire, je n’ai déjà pas beaucoup d’abdos.
— Moi je veux bien courir nue avec Peter, confia Caitlin.
— Vous croyez qu’elle le fera vraiment ? s’inquiéta Dahlia.
— Non, nous rassura Peter. Ce n’est pas le genre.
— Ne parlez pas, conseilla Sadjia. Gardez vos forces.
Elle n’eut nullement besoin de le répéter. Mes bras furent douloureux bien avant mon dos ou mes abdominaux. J’observais du coin de l’œil les autres en maudissant leur résistance. Sadjia confirmait la nature musculeuse de ses rondeurs car elle ne semblait pas souffrir. Mercedes, malgré sa silhouette sculptée, avait le visage concentré, et les tempes qui se creusaient sous l’effort. Dahlia était rouge malgré son squelette léger, Caitlin commençait à être en souffrance. Les dents serrées, elle grogna :
— Mais elle va mettre combien de minutes ?
Ses genoux cédèrent, ce qui fit flancher Dahlia à son tour. Sadjia restait immobile mais ses yeux fixaient désormais le sol. Je posai mes genoux quelques secondes en espérant que l’adjudante ne le vît pas de l’extérieur. Mercedes m’imita.
— La voilà ! lâcha Dahlia.
Chacune reprit sa position.
— Garde à vous !
Nous nous dressâmes comme des diables bondissant de leur boîte. Kirsten s’aligna à côté de nous l’air aussi désinvolte qu’hier, pas plus contrite que ça. Dahlia lui jeta des regards noirs et l’instructrice s’amusa de la situation.
— Bien dormi Jorgensen ?
— Oui, mon adjudant.
— Par deux, en petites foulées, à mon rythme.
Au service militaire, j’avais eu à courir, j’avais eu à marcher au pas. Mais ça me parut lointain. Les foulées de l’instructrice s’allongèrent rapidement, et nous n’avions pas toute sa longueur de jambes. Sadjia à ma gauche était moins à l’aise à la course qu’en gainage. En fin de colonne, Mercedes et Kirsten, avec leurs grandes tailles étaient obligées de se restreindre. Mes petites jambes peinèrent rapidement à garder l’allure, alors mon esprit se verrouilla sur la course, sans prendre le temps d’admirer les pelouses du régiment ni les arbustes taillés géométriquement.
Nous croisâmes l’unité des nombreux conducteurs de char et les regards se croisèrent, nous soumettant au jugement silencieux et impitoyable des préjugés.
Une heure après, la course entrecoupée d’ascension d’escaliers, de pompes et d’abdominaux, nous rejoignions le vestiaire, complètement rincées. Des grands triangles de sueurs assombrissaient nos t-shirts dans le dos et entre les seins. L’instructrice semblait ne pas avoir fait grand effort, et pourtant elle avait montré l’exemple.
— Huit minutes pour vous mettre en treillis et être à l’amphithéâtre.
Peter se sauva de son côté, nous nous précipitâmes d’un pas rapide dans le vestiaire. Le timing court ne faisait pas oublier la pudeur, mais brûlait l’hésitation. Sadjia et Caitlin s’aidèrent mutuellement à enlever leur t-shirt et parvinrent quelques secondes avant toutes derrière la paroi dépolie. Héloïse me dépassa d’un pas rapide. Pas le temps de nous juger les unes les autres, ça m’arrangeait. Rinçage, savonnage express avec les mains, les cheveux restèrent secs et nous retournâmes à nos casiers simultanément.
En six minutes, nous fûmes prêtes à nous asseoir. Je m’étais essuyée si vite que mon treillis me collait aux jambes. L’adjudante avait simplement enfilé un pantalon, mais son t-shirt restait marqué de l’effort précédent. Elle sourit puis nous dit :
— Asseyez-vous. Aujourd’hui, nous allons nous pencher sur la technologie des ESAO. Nous parlerons mécanique durant une heure et demi, nous ferons une pause de trois minutes, puis nous traiterons les pannes, des facteurs de pannes et de celles auxquelles on peut remédie sur le terrain, soit par une réparation, soit par une utilisation appropriée de son ESAO. Et comme certaines pannes viennent de l’intérieur, dans la semaine, nous parlerons d’anatomie et de psychologie. Tout d’abord, de quoi est constitué l’ESAO. Les alliages ont peu évolué depuis les débuts, mais…
Le cours aurait pu être une resucée de tout ce que j’avais déjà trouvé sur Internet. Néanmoins, l’adjudante illustrait beaucoup ses propos par son propre vécu sinon par les expériences d’autres pilotes. Les premiers alliages des ESAO avaient d’abord été étudiés pour une solidité à toute épreuve. La guerre faisant subir à l’armée un retour d’expérience sans équivoque, les premières évolutions avaient visé l’allègement des exosquelettes, tant en diminuant leur taille qu’en jouant sur les matériaux. La petite taille et l’agilité du Tatou avaient fait leurs preuves et le troisième facteur qui entrait aujourd’hui en ligne de compte, c’était la furtivité. Les matériaux masquaient totalement la chaleur du pilote et le carénage déviait les ondes radars. Ils protégeaient l’occupante du froid, du chaud et de la radiation. À l’intérieur, nous étions en complète autonomie pour survivre aux missions dans le vide spatial. L’adjudante partagea les frayeurs qu’elle avait pu se faire lors de ses sorties dans l’espace.
Après déjeuner, nous prîmes la direction du vestiaire. Tout en marchant Sadjia grognait des brûlures dues au frottement de la peau lors de la course à pied :
— Ça me nique l’intérieur des cuisses !
— Moi aussi, ça me gave ! ronchonna Kirsten en poussant la porte.
L’instructrice, nue devant son casier tourna la tête vivement vers nous.
— On peut savoir ce qui ne va pas, Jorgensen ?
— Rien, mon adjudant.
— Alors ne t’exprime pas. Tu nettoieras le vestiaire ce soir et tu as intérêt à faire aussi bien que Fontaine.
L’instructrice se tournant à nouveau vers son casier, Kirsten s’avança en me bousculant pour gagner le sien. Je me demandai si je m’habituerais à me dénuder. Sans accorder un regard aux autres, je troquai le treillis pour la tenue de pilote. Assises les unes à côté des autres pour enfiler les bas, nous ne nous prêtions aucune attention. Une fois en tenue, je me tournai dos à mon casier, les mains jointes dans le dos pour attendre le signal de l’instructrice. J’essayai d’effacer ma nudité de mon esprit en regardant droit devant moi. Je dévisageai la cicatrice du ventre de l’adjudant-chef tandis qu’elle passait en nous scrutant. Il m’était difficile d’imaginer que derrière son air froid, elle fût capable de ressentir du plaisir. Elle dit avant de quitter la pièce :
— À vos ESAO.
J’emboîtai le pas à Dahlia pour ne pas avoir à passer devant toutes les autres comme hier. Nous longeâmes le couloir, puis je patientai devant la porte en entendant les voix trop nombreuses dans le hangar. Nous entendîmes les panneaux rouler sur le béton pour masquer les exosquelettes des regards, puis Héloïse ouvrit la porte à Dahlia.
Je frissonnais, plus par gêne que par froid. Toutefois, mon ventre s’humectait par anticipation. Je jetai un œil à Mercedes qui attendait en masquant sa pudeur derrière un air dur. Si Mako m’avait vue en train d’attendre si peu vêtue, elle aurait secoué la tête d’incompréhension.
Rapidement, j’entendis le volet du casier béer et les griffes du Furet de Dahlia sur le béton. Héloïse m’ouvrit la porte, alors je m’avançai d’un pas hâtif en croisant les bras devant la poitrine. La gêne mise à part, ça me fit plaisir de revoir mon grand exosquelette. J’étais déjà très attachée à lui. Ayant lu le manuel, je savais que ma tenue était programmée pour transmettre l’ordre vocal de déverrouillage de la sellerie. J’articulai :
— Ouverture.
La sellerie descendit et s’interrompit à mi-chemin. Héloïse rit :
— Evidemment, si tu l’ouvres en même temps que moi
Elle balaya la tablette du pouce pour laisser la selle terminer sa descente. Elle aspergea les sondes de spray puis me demanda :
— Besoin d’une préparation ?
Pas encline à sentir ses doigts dans mon rectum comme dans mon vagin, j’éludai :
— Non, ça ira. On peut commencer par les yeux ?
Elle ouvrit la boîte des interfaces. Je levai le menton pour qu’Héloïse m’équipât. Elle écarta mes paupières de deux doigts et déposa une à une les lentilles connectées.
— N’hésite pas à recalibrer la tête à chaque nouvelle mission.
J’opinai du menton et enjambai la selle, pressée que l’installation se finisse pour que je fusse à l’intérieur. La première ouvrit mon anus, me laissant froide de malaise. La seconde pénétra presque simultanément dans mon vagin, déclenchant une sensation plus chaleureuse. Malgré la présence un peu intrusive d’Héloïse, le sentiment de fusionner avec la machine décuplait mon envie. Une fois pleinement accouplée, les commandes du Furet se superposèrent à la ma vue. Héloïse remonta un peu la selle, me plaçant sur la pointe des orteils. Je plaçai moi-même la fourche qui, en faisant pression sur le capuchon, dévoila mon clitoris. Héloïse l’aspergea de lubrifiant froid, puis glissa la demi-bague sous lui. Je tâchai de ne montrer aucun déplaisir. Une fois l’entonnoir collé à l’urètre, elle rabattit les potences de stimulation et le carter. Je déverrouillai l’accès complet, remplaçant ma vision par celle de l’exosquelette. Pour ainsi-dire aveugle, je la laissai ma gynécienne terminer le harnachement au niveau de la poitrine. Sitôt qu’elle eût terminée, je fis remonter la sellerie qui me bascula légèrement en avant. Mon nez se retrouva à un centimètre de l’acier et le ventre se referma sous mon corps.
Enfin à l’abri des regards ! Retrouver l’odeur de l’habitacle m’enthousiasmait. Héloïse ouvrit le panneau et je m’avançai dans le hangar. Des équipes de conducteurs de chars ou de mécaniciens étaient regroupés autour d’un moteur et leur instructeur s’arrêta de leur parler le temps qu’ils m’observèrent passer.
La voix de l’instructrice me dit :
— C142. Echauffement progressif, au trot.
Je trottai sur mes deux jambes sans ressentir le besoin de plus de stimulation tant j’étais bien à bord. Le simple mouvement de ciseau de mes cuisses faisait mouvoir mes muscles autour du transmetteur vaginal. J’allais atteindre ma zone de plateau en cinq minutes tellement j’étais excitée.
Il fallut attendre que le Rhino de Mercedes, dernier à entrer fût échauffé pour que nous retrouvions autour de la Sauterelle de l’instructrice. L’adjudante avait occupé son temps à disperser des plots de deux mètres, couleur kaki. J’étais en nage et fiévreuse, à deux doigts d’avoir un orgasme. Malheureusement, le tir sur cible n’était pas au programme immédiat :
— Vous avez des boîtes de couleur au bout de la piste. Vous en avez trois à ramener chacune. Vous devez les empiler ici. Sur le mur, j’ai accroché une tablette qui affiche l’ordre dans lequel vous devez les positionner. La consigne sera effacée après votre premier aller-retour, alors mémorisez-la. Les plots verts représentent des soldats. Les écraser revient à tuer un camarade. Go !
Nous partîmes en courant, l’acier lourd de nos pas percutant le béton. L’exercice était loin d’être facile. Les ESAO avaient des démultiplicateurs de force qui, la veille, m’avaient laissée ivre d’un sentiment de puissance. A cet instant, j’eus l’impression d’être emportée par cette puissance, comme une gamine tenant en laisse un dogue allemand. Manœuvrer un ESAO à toute vitesse était physiquement complexe car mes propres jambes étaient entraînées par l’inertie de celles de la machine. Slalomer nécessitait d’anticiper en ralentissant afin de ne pas glisser. Le Tatou de Sadjia était clairement plus léger et plus manœuvrable. Le Grizzli de Kirsten me bouscula pour passer. Je tombai sur la cuisse, renversant deux plots, et me relevai aussitôt. La voix de l’instructrice tonna :
— C145, éliminée ! Tu viens de tuer deux fantassins ! T’es dans l’armée, pas dans une arène de gladiateurs ! Tu te mets sur le côté et tu remettras les plots en place !
Heureuse d’entendre Kirsten se faire vilipender, je parvins aux cubes de quatre-vingt centimètres, aux bords biseautés. Je voulus attraper le rouge, mais mon geste trop brusque le chassa. J’inspirai, me concentrai, puis me forçai à être méticuleuse. Je pris le rouge sous mon bras, le jaune et le bleu dans chaque main. Mon regard zooma en direction de la tablette. Ma propre respiration faisait mouvoir les épaules de mon furet, ce qui ôtait toute stabilisation. Je mémorisai l’ordre puis repartis en courant derrière les autres.
La concentration me faisant oublier mon corps, mes mouvements ramollirent. M’en rendant compte, je déclenchai la rotation très lente du transmetteur vaginal. J’inspirai sous l’impulsion de plaisir puis posai les cubes à leur emplacement.
Le premier ne posa aucun problème. En revanche, leurs bords biseautés limitaient la surface de contact. Lorsque je posai le second, il se retrouva mal centré, à la limite de chavirer. Mes gestes étaient trop brusques, difficiles à mesurer.
— Il vous reste dix secondes !
Coup de stress ! Je sentais la sueur ruisseler dans les gantelets de gélatine. Je fermai les yeux sans pour autant que ça ne supprimât la vue du furet, et ralentis mes gestes pour réussir.
— Vous me le remmenez à l’autre bout, dans l’ordre rouge, jaune, bleu. Vous avez trente secondes !
Je m’élançai, mes muscles atones m’obligèrent à augmenter la vitesse du transmetteur.
— C142 ? Quelle capacité ballistique dispose ton F11.
— Euh…
Impossible de répondre. Mon cerveau buggait entre les stimuli et l’ordre de couleur qu’il ne voulait pas oublier.
— Alors ?
— Je ne sais plus mon adjudant.
— C141 ?
Dahlia s’arrêta. Je la dépassai et je posai mes cubes, le temps qu’elle répondît :
— 500 par bras, mon adjudant.
— Revenez par ici. Je veux deux colonnes de quatre cubes. Bleu, bleu, jaune, rouge.
— Dahlia ! criai-je. On se met ensemble !
Nous repartîmes au trot, mais Dahlia ne bougea pas. Mercedes me dit :
— Clarine, je te file mon cube bleu.
Nous arrivâmes. Tandis que j’assemblais, l’adjudante demanda :
— C144, combien de civière tu peux porter ?
— Trois, mon adjudant.
Les deux colonnes assemblées, l’instructrice ordonna :
— Je veux une colonne à mes pieds ! Rouge, rouge, bleu, jaune, jaune, bleu !
Mercedes me tapa l’épaule, et nous partîmes en courant.
— Qui s’en souvient ? s’afflola Sadjia.
— Rouge, rouge, bleu, jaune, jaune, bleu ! répondis-je.
Le plaisir m’avait quittée, mon transmetteur vaginal s’était arrêté sans que je m’en rendisse compte, et je me retrouvai paralysée. Sadjia commença à empiler tandis que Mercedes la rejoignait au ralenti en reversant un plot vert. Caitlin était à l’arrêt elle aussi. Sadjia finit par venir lui arracher des mains. Elle hurla :
— C’est quoi la fin ?
— Jaune jaune bleu ! lui dis-je.
— Bien, souffla l’instructrice. Je vous laisse cinq minutes pour reprendre le contrôle de vos ESAO. Et on reprend ensuite l’exercice.
J’haletai. Dire que cinq minutes avant de commencer l’exercice, j’étais prête à exploser de plaisir, et là, je ne sentais plus mon corps. Mon esprit chassa la combinaison de couleur. Si je pouvais encore voir, c’est que j’avais encore une certaine sensibilité. J’électrisai légèrement mes tétons. C’était doux comme des caresses de plumes pleines d’électrostatique. Isolée par le silence, je me concentrai sur ce ressenti si léger mais si délicieux. Je sentis les vérins se dérider et en me redressant, tous mes muscles se détendirent. Cette sensation d’apparence si simple me parut divine. Je contractai mon périnée et le palpeur effleura mon clitoris, juste une fois. L’envie revint. L’envie c’était un pourcentage de plaisir suffisant pour me mouvoir.
Ma respiration retrouvant son calme, je savourai le massage de mon dos en bougeant un peu et étudiai la subtilité du palpeur en le faisant à peine effleurer mon rubis. La précision était d’une finesse extraordinaire. Je n’aurais sans doute pas eu cette chance si j’étais née avant la création des ESAO. À l’instar de mes tétons, je testai les décharges électriques de très faible intensité provoquant une brise chatoyante.
L’instructrice interrompit mes découvertes en ordonnant la reprise de l’exercice.
Cela faisait presque deux heures que nous étions enfermées dans nos exosquelettes quand l’adjudante conclut :
— Bien. Positionnez-vous sur le pas de tir, deux par deux. Lâchez-vous, puis regagnez le hangar. La journée est terminée. Demain huit heures en treillis.
Kirsten et Mercedes furent les premières à s’avancer sur le pas de tir. Je repris mes études clitoridiennes, alternant la roulette hérissée avec le palpeur et testant la douceur du lapeur. Mercedes ne mit pas une minute pour ouvrir le feu, l’impact de son tir étiola le bouclier d’énergie qui protégeait le mur. Kirsten mit un peu plus de temps.
Lorsque les deux colosses s’en allèrent, Sadjia et Caitlin prirent leur place. J’étais fiévreuse de plaisir. Mon clitoris était plus dur que la pierre et chaque effleurement d’un des stimulateurs provoquait un frisson spasmodique. Les doigts du tatou de l’Allemande tirèrent presqu’aussitôt qu’elle fut placée. L’imaginer vibrer me rendait malade tant il fallait que j’explose. Me retenir de jouir en était presque une torture, et pourtant je ne pouvais m’empêcher de titiller mon joyau toutes les quinze secondes. Caitlin prit une minute et les oreilles de son Koala envoyèrent leur double-tir.
Il ne restait que Dahlia et moi, le ventre tremblant, le corps impatient de lâcher prise. Je positionnai mon Furet à côté de celui de la Parisienne, puis intensifiai le courant électrique en faisant rouler la petite boule hérissée à fleur de clitoris. Mon corps vibra tout entier, me coupa le souffle, puis le plaisir explosa. La gueule béante de mon ESAO lâcha une longue lame de lumière. Je tremblai six longues secondes, incapable de stopper les spasmes du déchaînement d’énergie.
Soulagée, vidée, le cœur tambourinant, je quittai mon poste pour prendre la direction du hangar. Je jetai un œil derrière-moi, Dahlia venait de libérer son désir, un tir plutôt bref d’une demi-seconde.
Héloïse ferma le panneau donnant sur le hangar, alors j’ouvris le ventre de mon furet. L’air extérieur s’engouffra, gelant la sueur qui huilait ma peau. La sellerie descendit jusqu’à ce que mes orteils touchassent le sol froid, les genoux légèrement fléchis. Ma gynécienne s’esclaffa en libérant mes tétons.
— Ça a été, on dirait ?
J’opinai du menton avant de soupirer :
— Oui. Mais je me suis bloquée quand même au premier tour.
— C’est en les trouvant qu’on connait ses limites.
— Ce n’est pas faux.
Mes épaules libérées, elle déclipsa la cuillère remontant devant le pubis. Elle retira la bague sous mon clitoris.
— Comment tu te sens ?
— Assoiffée.
Je me redressai pour quitter les deux sondes, étirant des filets de mucus abondant sur le transmetteur vaginal. Héloïse ne put retenir un sourire :
— Je comprends que tu sois déshydratée.
Je lui répondis par un rire gêné en cachant mon pubis d’une main. Elle s’approcha de moi et ses doigts fins et gantés retirèrent mes lentilles.
— Tu es libre. Je te laisse nettoyer, je vais m’occuper de Dahlia.
— J’utilise quoi ?
— Tu oins avec ce savon et tu rinces avec le petit tuyau, et chiffon propre pour essuyer. Après tu prends la tablette pour le protocole de désinfection UV.
Elle disparut. Du savon au creux de mes mains, j’étalai du bout des doigts sur les trois-tête du stimulateur clitoridien avant de masser les deux transmetteurs. Je me sentais ridicule avec le phallus entre les doigts, heureuse que personne ne me regardait. Le petit tuyau était relié à une réserve d’eau placée dans la servante. Il n’y avait presque pas de pression. Je rinçai chaque élément avant de les essuyer, puis de m’emparer de la tablette. Les couleurs sur l’écrans et les icônes étaient similaires à ce que mes lentilles me renvoyaient. J’activai la désinfection à UV, les diodes illuminèrent l’habitacle et la selle remonta automatiquement.
Ma tâche faite, je rejoignis le corridor des pilotes puis longeai les portes jusqu’au vestiaire en songeant à cet orgasme savoureux. Les quatre autres filles étaient déjà sous les douches. Je n’avais pas ressenti trop de pudeur face à Héloïse, comme si une habitude naissait. Mais m’avancer sous les douches, tétons dardés et mont de Venus gonflé me mit mal à l’aise. Sadjia en train de masser ses cheveux de shampooing me jeta un regard brillant de bonheur.
— Ça va ?
J’opinai avant d’éluder :
— Et toi ?
— J’ai déjà envie de recommencer.
Elle courba les épaules sous les jets puis sa main pleine de savon se perdit entre ses cuisses. Elle se mordit la lèvre puis retint son geste, sans doute par pudeur. J’appuyai sur le robinet et laissai l’eau me fouetter, comme une pluie de grêle fine.
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