22. Cœurs de lionnes
Retour de déjeuner. Nous longeâmes tous les sept le couloir de service. Héloïse, toujours bavarde, donnait des conseils à Mercedes en répétant le discours que j’avais tenu à table. De commencer en douceur, à l’écoute et de ne garder les sensations fortes que pour contrecarrer un violent stress. Il fallait aussi savoir alterner entre les stimuli pour faire durer sur la longueur. Héloïse se tut lorsque nous croisâmes trois femmes en tenue de pilote, simples bas et gilet de pilotage. C’était les visages aperçus dans le bar lorsque je buvais avec mon père, elles étaient rudement bien foutues. Elles sourirent en nous voyant et l’une d’elles lâcha :
— Salut les nouvelles.
— Salut, hasarda Héloïse. Vous êtes les Lionnes de Venus ?
— Ouais.
— Je suis trop fan !
— C’est gentil. Tu pilotes quoi ?
— Moi ? Rien. Je suis la gynécienne de Mercedes qui pilote un Rhino et de Clarine qui a un Furet. Elle est super douée.
— C’est bien. Il en faut des filles douées. À plus tard.
Elles s’éloignèrent et je remarquai le même tatouage en forme d’empreinte de lion sur leur épaule. Tandis que nous reprenions notre chemin, Héloïse nous dit :
— Avant elles étaient quatre. Elles font partie des plus célèbres équipes de l’armée européenne. Le colonel m’a dit que nous devions assister à leur entraînement avant de reprendre le tir sur cible.
Nous traversâmes le vestiaire, puis montâmes au troisième étage. Le colonel se trouvait déjà dans la tour avec notre instructrice. Nous attendîmes en silence que les trois F10 s’élançassent sur la piste. Le colonel leur adressa un mot au micro :
— Quinze minutes d’échauffement et je lâche deux Tourteaux. J’espère que vous apprécierez vos nouvelles selleries.
J’observai les écrans qui affichaient le niveau cardiaque et une courbe qui, je supposais, indiquait le niveau de plaisir ressenti. Personne ne pouvait savoir comment chaque fille s’y prenait pour parvenir au point culminant du plaisir.
Durant quinze minutes elles coururent avec l’agilité de félins, puis sans même les prévenir que le temps était écoulé, Orinta Paksas demanda à Peter d’envoyer les carapaces sur roulette.
— Tourteau à ma gauche !
— Vu ! Putain il va vite !
— Qui se sent prête à jouir ?
— Moi !
— OK ! C’est parti.
Les lionnes se séparèrent. Les Tourteaux suivirent l’une d’elles. La seconde se plaça en bout de piste et s’immobilisa comme un chat tapi dans les fourrés, le bassin en l’air. La troisième surgit et percuta l’un des Tourteaux pour le rabattre vers l’autre. Désorientés, ils acquirent la fille immobile comme cible. Sitôt alignés, elle ouvrit le feu les perfora simultanément.
— Ça, c’est de la cohésion, nous dit le colonel.
— Et de l’expérience, souligna Héloïse.
— Lâchez quatre Tourteaux et quatre cibles de Homards.
Depuis la tour, nous écoutâmes les stratégies des filles, limitant les appels à un orgasme à une juste alternance entre elles. Héloïse s’appuya sur cet exemple pour faire déculpabiliser Mercedes du tir manqué ce matin :
— Tu vois, ça ne se commande pas. Elles s’organisent pour faciliter.
L’adjudant-chef dit :
— Birki, Johnson, Jorgensen, Fontaine et Muñoz, regagnez vos ESAO. Tir sur cibles fixes. Je veux voir un double-orgasme. Vous avez quinze minutes pour vous échauffer.
Notre instructrice avait été dure. Après le double-orgasme réussi tant par moi que par Mercedes, elle nous avait laissé vingt-minutes pour reproduire l’exploit. J’avais un peu triché, en me massant lentement, pour m’assurer un orgasme long, et ouvrir le feu deux fois sur la durée. Ma camarade hispanique n’avait pas pu réitérer. Ça avait été difficile, et je peinais à maintenir des sensations pour me déplacer. Un troisième exploit aurait été impossible. Les lionnes continuaient à enchaîner des exercices de leur côté. Le soleil rougissait les nuages, la voix du colonel retentit :
— Fin d’exercice à toutes. Bonne soirée, et à demain.
Je regagnai mon hangar, fatiguée. Autant le saut depuis la stratosphère m’avait enthousiasmée, autant le tir sur cible m’avait ennuyé. Le second double-orgasme obtenu par électrisation avait été intense et bref et m’avait coupé toute envie.
Héloïse me regarda m’extraire.
— Encore une réussite ?
— Ouais mais je n’ai plus envie de rien.
— Recentre tes énergies.
— Là, je suis claquée.
Elle s’approcha pour débrancher ma poitrine.
— Tu sais que je peux me décrocher toute seule. Tu n’es pas obligée.
— Si je ne peux plus vous aider, je sers à quoi ?
— À nous guider.
— Le colonel ne s’attendait pas à ce que tu réussisses deux fois.
Je pinçai les lentilles, puis les mis dans la boîte qu’elle me tendait. Elle rangea l’écrin, tandis que je déclipsai la ceinture pelvienne. Je libérai mon clitoris enflé, puis me débrochai des deux sondes. Je ne m’habituais pas à faire cela devant Héloïse. Ses yeux ne me lâchaient pas une seconde.
Je longeai le couloir après avoir nettoyé ma sellerie. Mercedes me rejoignit en tenue de pilote. Elle me remplit de malaise en passant son bras autour de mes épaules :
— Encore bravo pour ce double double !
— Bravo à toi. Une double, un simple, c’est plutôt bien.
— C’est un peu grâce à toi. Et puis en poste fixe, c’est plus facile d’imaginer la fille idéale qui m’embrasse. Mais tu as raison, il faut vraiment commencer délicatement, comme si une fille venait te susurrer des mots doux. J’ai trop kiffé mon doublé !
Elle lança les bras au ciel de victoire et je souris de la voir si heureuse. Nous pénétrâmes dans le vestiaire et retrouvâmes nos camarades déjà sous la douche. Caitlin nous sourit :
— Voilà notre performeuse !
Je souris malgré-moi et lui confiai :
— Je n’ai plus envie de rien.
— Tu m’étonnes ! lâcha Kirsten, moi je suis à la limite écœurée. J’ai besoin de repos.
Les trois lionnes arrivèrent à leur tour, nous faisant part de leurs constats fleuris.
— Extra, leur stimulateur à triple-tête !
— J’adore les nouvelles formes des sondes.
— Tu m’étonnes ! J’ai la chatte en feu !
— Pas que la chatte ! Mon clito, c’est plus une pierre, c’est un vieux malabar ramolli !
L’une d’elles frappa la vitre en nous rejoignant :
— Hey, c’est laquelle qui a le F11 ?
— Moi, répondis-je, pourquoi ?
— Coquine !
Je ne sus quoi répondre, un peu gênée de partager cette nudité avec des inconnues. Je me concentrai sur la respiration et la chaleur de l’eau, recherchant la détente de tous mes muscles et l’apaisement de mes zones érogènes.
— Eh, Coquine et ses copines ? Vous sortez avec nous ce soir ?
— Si on peut, répondit Caitlin.
— Mais oui. Paksas, elle est super cool avec les pilotes.
J’attendis qu’elles aient toutes quitté le vestiaire pour sortir à mon tour et m’habiller.
Une heure plus tard, après un débriefing, le colonel conclut :
— À la demande du caporal Carlier, vous êtes autorisées à sortir. Muñoz et Fontaine, restez.
Les filles sortirent, exception faite d’Héloïse, Mercedes et moi.
— Vous avez toutes deux des prédispositions.
— Uniquement grâce aux conseils de Clarine, répondit Mercedes.
— Alors continuez d’écouter ses conseils. J’ai saisi l’occasion d’un exercice de l’armée de l’air pour vous larguer ce matin, mais d’ordinaire j’attends un peu plus. La vérité, c’est que l’Etat Major me pousse à former rapidement car nous manquons cruellement de pilote sur le terrain. Le Caporal Carlier partira en opération extérieure dans deux semaines, et il est fort probable que l’une de vous l’accompagne. Demain, vous allez partir pour une épreuve qui normalement demande au moins un mois d’entraînement. Il s’agira d’une course d’endurance sur la Lune. Ne buvez donc pas trop ce soir, décollage à 5h15.
Nous la saluâmes puis nous retirâmes.
Le soir, nous rejoignîmes le bar où j’avais mangé avec mon père. Nous nous trouvâmes une table au fond. Je me répétais sans cesse que j’allais fouler le sol lunaire. Ce serait forcément une journée extraordinaire. Je lâchai :
— Je suis plus qu’impatiente !
— Alors, c’est quoi demain ? demanda une lionne.
— Rallye sur la Lune, répondis-je.
— Sympa ! Moi, j’avais adoré, mais j’ai dormi comme une masse après. Ça veut dire que Paksas vous pense prêtes.
— Vous croyez ? demandai-je.
— Quatre orgasmes en moins d’une demi-heure et tu arrives encore à faire fonctionner ton ESAO. Il n’y a aucune de nous qui en serait capable.
— Je ne sais pas si c’est un exploit… j’ai un peu triché.
— T’as obtenu deux double-tir, triche ou pas le résultat est là.
— Mais est-ce que j’y arriverai sur une véritable mission. Il y a le stress, et je sens bien que les exercices, ça ne me stresse pas.
— Le stress, ça se découvre surtout sur le terrain. Mais ça s’apprivoise.
— Depuis combien de temps vous faites ça ? demanda Sadjia.
— Sept ans.
— Comme quoi après sept ans, ça fonctionne toujours, sourit Héloïse.
— Vous devez en avoir vécu, des missions ! s’exclama Caitlin.
Comme mon père, lancées sur le sujet de leurs souvenirs, les trois filles se lancèrent dans la narration de leurs exploits, de leurs plus grandes frayeurs et dévoilèrent à quel point elles étaient soudées. C’était agréable de parler librement de pilotage avec des filles qui ne nous regardaient pas comme des bêtes de foires. Elles étaient comme nous, normales et fières d’être pilotes. C’était exactement cet état d’esprit que j’étais venue chercher, et Kirsten confia qu’en leur compagnie, elle se sentait moins méprisée. Avant que nous nous quittions, elles nous donnèrent un conseil sur la Lune, nous méfier des crêtes à mi-parcours. À leur époque, elles avaient eu le droit à une embuscade.
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