65. Destinée

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Le séjour avec mon père et mon frère s’était super bien passé, entre apéros et randonnées. Les sujets de discussions revenaient beaucoup à l’armée, mais c’était avec passion que nous nous écoutions les uns les autres.

La nuit, il m’arrivait souvent de rêver de combat. C’étaient des instants stressants, mouvementés, mais même lorsque j’utilisais mon rayon, je ne faisais qu’imaginer une jauge d’énergie, sans ressentir mon corps. Je me réveillais sans aucune sensation dans le ventre, le vagin plus sec qu’un escargot qui aurait passé cinq ans dans le Sahara. Je m’étais caressée un soir pour m’assurer, mais l’absence d’envie m’avait réfrénée au bout de deux minutes. Me toucher le clitoris me faisait moins d’effet que de me gratter le dos. J’en étais peinée, car je savais combien j’avais aimé ça. Mon corps avait la nostalgie de ces afflux d’endorphines. J’espérais que je saurais me souvenir de combien c’était bon quand je dirigerais l’équipe. Diriger les filles en montrant l’exemple, moi-même dans un ESAO, me paraissait plus valorisant. Hélas, l’idée de les envoyer combattre, me renvoyait toujours aux risques que je leur faisais prendre. L’image de Rita découpée en deux me revenait pleine face. Jamais il ne m’aurait été possible de diriger depuis un ESAO si, à chaque fois que je donnais un ordre, ces images me venaient à l’esprit. Je devais me faire une raison. La carrière dont je rêvais avait été de courte durée, il fallait m’assurer qu’elle soit aussi réussie pour d’autres filles.

C’était le grand jour au premier RAM de Luxembourg. Nous avions reçu des instructions précises, mais pour le moment, les gens arrivaient au compte-goutte. Je traversai le hall avec mon père et mon frère, venus assister à la cérémonie. Nous attirâmes les regards. Ce n’était pas habituel de voir un officier de l’armée de terre marcher côte à côte avec un major de l’armée de l’air, et une enseigne de vaisseau de la marine spatiale. Le major Barkle, médecin du régiment, faisait de la lèche au général. Elle posa un regard méprisant dans ma direction. Sa jalousie semblait s’étendre autour d’elle comme une fumée invisible. Je dis à mes proches :

— Je reviens dans deux secondes.

J’avançai jusqu’au médecin et je lui dis :

— Bonjour major.

— Bonjour, dit-elle étonnée que je m’adressasse à elle.

— Est-ce que je pourrais vous parler seule à seule après la cérémonie.

— Je ne vais pas avoir de temps à vous accorder.

— Cinq minutes, au sujet du projet du colonel Paksas. Je vous attendrai du côté des hangars.

Je ne lui laissai pas l’occasion de se défiler en retournant aussitôt vers mon frère et mon père. À l’extérieur, dans la cour, mes camarades étaient en uniformes d’apparat. Cela faisait bizarre de les voir aussi bien sapées, surtout Héloïse. Lorsqu’elles me virent arriver, les filles crièrent comme des groupies de boys band. Je passai la porte vitrée, puis les serrai dans mes bras. Héloïse s’exclama surexcitée :

— Vous êtes le fameux frère commando ?

— Je n’ai qu’un frère, répondis-je.

— Et tu es Hello la Dingo ? sourit Marin.

— Comment vous avez deviné ?

— L’intuition.

— Ce n’est pas difficile, se moqua Mercedes.

Je fis les présentations et mes proches s’éloignèrent pour gagner les tribunes des invités. Kirsten m’apostropha du regard avec une moue admirative.

— Jalouse ?

— Admirative.

— Je pensais que t’allais me traiter de Suce-moule.

— T’as pas dû sucer que de la moule, pour obtenir ce grade.

Elle rit, je souris, mais les autres protestèrent.

— Putain Kirsten ! Respect, merde ! s’agaça Caitlin.

— Il suffit de courir à poil sur un champ de bataille, répliquai-je.

— Quand je vois tous les regards depuis que tu nous as rejointes, glissa Sadja, je ne sais pas si j’ai envie d’un tel succès.

— Genre, ça te dérangerait ? se moqua Kirsten.

— Ben ça ne me dérange pas d’être à poil au milieu de guerriers viriles. Mais que ma mère tombe sur la vidéo, ça me foutrait mal à l’aise. Et puis avec mes nichons, les ralentis ne seraient pas aussi jolis quand je cours.

— Les ralentis ? répétai-je.

— Moi ça serait de savoir que des mecs se branlent en regardant des vidéos de moi qui me ferait chier, indiqua Peter.

— Faut voir ça comme quelque chose de flatteur, dit Kylie.

— Mouais, grommela Mercedes.

— Les unités ESAO ! aboya l’instructrice.

Nous sursautâmes alors que les gens se dispersaient pour prendre leurs places. L’adjudante nous attendait dans la cour. Nous avançâmes d’un même pas dans sa direction. Héloïse à ma droite me dit :

— J’ai fait comme tu m’as dit, et la tablette est cachée.

— Merci.

Kirsten à ma gauche me murmura :

— Moi, je me suis branlée sur le ralenti de ton combat contre la crevette. Les guerrières, ça m’excite.

Je ris, ignorant si c’était une blague ou une confidence. Nous arrivâmes à la hauteur de l’adjudant-chef Charlène Morvan. Je saluai ma formatrice.

— Mon adjudant.

Elle rit.

— C’est adjudant tout court, maintenant.

— Oui. En effet, faut que m’y habitue.

— Félicitations pour votre parcours éclair.

— Merci.

— Nous discuterons après la cérémonie. Et j’ai cru comprendre que nous allions travailler main dans la main pour la formation des futures recrues.

— Oui. On profitera du répit que nous laissent les Crustacés pour monter une unité d’élite.

— En espérant que le recrutement suive. À tout à l’heure.

Je rejoignis mes camarades pour me placer dans les rangs des unités ayant participé aux combats. Je souris à Jane, réalisant par sa présence que nous nous étions croisées sans le savoir sur le champ de bataille. Je me plaçai du côté des officiers. À ma gauche, tous les membres du régiment, revenus d’opérations extérieures étaient alignés. Face à nous se trouvaient les familles. Quelques uns comme mon père et mon frère étaient en uniformes, les civils comme les proches de Rita étaient venus vêtus de noir. Le général Santos s’avança vers le pupitre.

L’hommage aux soldats tombés fut long, et la remise de la médaille fut l’occasion de bouger un peu. Le général ne revint pas sur les morts. Il insista sur le résultat de cette bataille : la paralysie des Crustacés. Il souligna également l’importance du rôle du premier régiment d’artillerie mobile dans les conflits, car la guerre était loin d’être gagnée. C’était un conflit éternel et la seule chose à faire était consolider la présence de l’humanité sur différents mondes pour créer de véritables frontières derrière lesquelles nos ennemis n’oseraient pas s’aventurer. Et, confiait-il, notre Etat-Major avait déjà ciblé les prochaines zones de conflit où les membres de notre régiment seraient déployés.

Ce fut un soulagement quand le discours prit fin. Satisfaite, j’arborais l’étoile du courage sur la poitrine. Le major Barkle m’interpella du regard avant les premiers entrechoquements de flûtes, alors je m’éloignai vers les hangars avec mon verre à la main. Je m’arrêtai à côté de mon Furet qui avait retrouvé des membres tout neufs. Il était fier et majestueux, le plus beau de tous les ESAO. Il aurait pu ressembler à n’importe quel Furet, mais je connaissais son histoire, ce qui le rendait différent. Son parcours et le mien étaient liés comme deux destins entrelacés. Même si un autre le pilotait, rien n’effacerait ce que nous avions vécu tous les deux, et je le regarderais toujours différemment. La future pilote avait intérêt à être soigneuse et prudente lors de ses actions. Je ne lui tolèrerais aucune faute si elle endommageait mon exosquelette.

Les talons du médecin claquèrent dans ma direction et elle soupira avec agacement :

— Qu’est-ce que vous voulez ?

Je me tournai vers elle et lui dis :

— Je voulais vous dire que maintenant que je suis lieutenant, je ferai en sorte que vous n’humiliez aucune de mes recrues.

— Je ne vois pas de quoi vous voulez m’accuser.

— Vous ne vous rappelez pas m’avoir fait me dénuder, et tenir à genou devant vous ? M’avoir pincé les tétons en menaçant de révéler mon rôle à ma famille.

— Vous êtes folle.

Je souris et fis un pas vers elle en présentant mon smart-data.

— Il est éteint, je n’enregistre rien. Et je ne porte pas de lentille de communication.

Je jetai mon smart-data sur le côté. Elle se sentit en confiance et riposta, les épaules droites, le regard hautain.

— Et bien on recommencera. Moi j’ai pris du plaisir à vous voir serrer les dents. Peut-être que cette fois-ci, vous couinerez.

— Non, ça n’arrivera pas.

— Et comment vous allez m’empêcher ? Je suis le médecin en chef de ce régiment.

— Je trouverais une solution pour vous en éjecter. Le général Santos m’écoutera.

— Faudra le sucer mieux que moi. Et ce n’est pas trop dans vos cordes de frustrée sexuelle.

— Qu’est-ce que vous en savez ?

— J’ai tous les rapports de check-up de Carlier. Et je vais vous préconiser un petit produit bourré de stimulants et de testostérone avec des séances de stimulation électrique. Sans plaisir, c’est super douloureux. Et vous finirez avec le clito gros comme un gland de bonhomme.

— Vous ne pourrez pas m’obliger.

— Bien sûr que si. Que vous soyez lieutenant ou même général cinq étoiles, vous devez vous plier à ce que je prescris. À chaque bilan sanguin, si je constate que vous n’avez rien pris, je vous ferai convoquer par Paksas. Je lui dirai que vous faites tout pour ne pas retourner dans un ESAO. Et puisque c’est vous, toutes vos recrues, je les forcerai à se doigter devant moi pour prouver qu’elles ont leur place à bord d’un exosquelette. Et une fois que je les aurai menacées de diffuser la vidéo, elles seront aussi obéissantes que des petites chiennes. C’est ce que vous êtes, des petites chiennes. Vous avez besoin qu’on vous tienne en laisse, qu’on vous soumette. Vous aimez ça.

— Je les préviendrai. Si des vidéos fuitent, on saura que c’est vous.

— Ne vous inquiétez pas, j’ai ma façon de faire. Elles ne seront pas les premières, et il n’y en a aucune qui a osé tenter le diable.

— Dans ce cas, vous et moi, c’est la guerre.

Je ramassai mon smart-data.

— Restez comme ça, c’est la position d’une chienne.

— Votre jalousie me flatte.

Je me redressai, et elle s’éloigna en claquant des talons. Je retournai près de mon Furet, sortis la tablette rangée dans la servante. L’image était toujours connectée à ses yeux, comme je l’avais demandé à Héloïse. Je coupai l’enregistrement. Je supprimai les heures qui avaient précédé la discussion, et le transmis directement au colonel Orinta Paksas. Je levai les yeux vers ceux de mon exosquelette.

— Merci. T’auras été loyal jusqu’au bout.

Je caressai sa jambe en appréciant l’idée que Barkle fût dégradée sinon mise dans un placard. Je jubilais intérieurement. Je posai mon front contre le blindage posai un baiser sur la peinture neuve et murmurai :

— Je m’assurerai que ta future pilote soit digne de toi. Ça n’aura pas duré si longtemps, toi et moi, mais on en aura vécu, des choses. Tu te souviens de notre première rencontre ?

J’inspirai profondément en repensant à mon appréhension devant le géant d’acier et sa sellerie complexe. Héloïse m’avait préparé à ma première pénétration anale, dans un malaise étrange. Puis je m’étais accouplée avec lui. Accouplée, c’était vraiment le mot qui désignait l’installation dans un ESAO. J’avais découvert toutes ces sensations nouvelles et les combinaisons multiples et infinies d’obtenir du plaisir. Et surtout, j’avais découvert le véritable sentiment d’être à bord, de ne faire qu’un avec toute l’ossature de l’exosquelette. C’était vraiment génial. En repensant à mes premiers pas sur le béton de la piste d’entraînement, je me surpris à sentir mon ventre papillonner. Se pouvait-il que je ressentisse à nouveau du désir ? Je comprimai mon entrejambe au creux de ma main. Cette pression me parut délicieuse. Je défis ma ceinture, glissai mes doigts dans mon pantalon et poursuivis avidement. Mon pubis se gorgeait de désir, comme s’il rattrapait le temps perdu. Mes doigts décalèrent les bords de ma culotte et plongèrent dans mon ventre, humide et brûlant. Je les enfonçais au plus profond, puis entamai un va-et-vient délicieux tout en écrasant le haut de ma vulve. J’avais envie de piloter. Cela voulait dire que j’allais pouvoir à nouveau combattre, que j’allais pouvoir être un exemple, que j’allais terrasser du Crustacés et que j’allais connaître d’autres orgasmes de combat. Rien que de savoir que j’allais garder mon Furet, cela multipliait mon plaisir. J’étais à deux doigts de jouir. J’étreignis forcement la jambe de l’ESAO, serrai les dents. Mon souffle se coupa. Je tournai ma paume sur le haut de mon pubis et laissai l’orgasme m’emporter. Je gardai ma bouche et les paupières closes, étouffant les gémissements que je ne voulais que personne n’entendît. La voix d’Héloïse m’interpella :

— Mon amour ?

Je jetai un œil par-dessus mon épaule. Elle était seule. Je retirai ma main et lui montrai mes doigts luisants de cyprine. Un grand sourire se dessina sur son visage.

FIN

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