L'ombre du passé

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Le temps est le plus grand des voleurs parce qu'il vole le passé pour toujours. D'abord les détails, ensuite les souvenirs, jusqu'à ce qu'il ne nous reste que de lointains échos du monde d'avant. (série : Utopia Fall)

27 novembre 2022

Les lumières de Londres sont une mer d'étoiles brillantes, un écrin parfait pour le concert des Érudits. Les musiciens jouent avec une intensité passionnée, synchronisant leurs mouvements avec la musique. Leurs doigts dansent sur les cordes des guitares, les baguettes frappent les peaux des tambours avec une précision presque militaire, les touches du clavier glissent sous des mains expertes. Chaque note, chaque accord est maîtrisé à la perfection, créant une harmonie musicale qui semble toucher l'âme de chaque spectateur. Les mélodies envoûtantes remplissent l'air, s'infiltrant dans chaque interstice, résonnant dans chaque cœur, et la foule entière est en transe.

Devant la scène, la mer humaine est une entité vivante. Les fans, bras levés, se balancent en rythme avec la musique, leurs corps se mouvant comme une vague synchronisée avec les pulsations des basses. Les visages illuminés par les éclats des projecteurs montrent des expressions de béatitude pure, les yeux fermés pour mieux absorber chaque note, chaque vibration. Les cris de joie, les chants passionnés des paroles bien connues se mêlent, formant un chœur puissant qui monte vers le plafond de la salle de concert.

La salle, majestueuse et imposante, baigne dans une pénombre délicate, une ambiance pour les rêves et les émois. Les voûtes hautes et les balcons dorés confèrent un caractère presque sacré à l'endroit. Seules les lumières scéniques percent l'obscurité, éclatant en faisceaux multicolores qui zèbrent l'air lourd de sons et de sueur. Les projecteurs balaient la scène et le public, créant des ombres en mouvement, des silhouettes fugaces dans un jeu d'ombres et de lumière, comme une danse effrénée entre le clair et l'obscur.

L'excitation est palpable, électrisant l'atmosphère. Chaque battement de tambour, chaque riff de guitare accentue cette intensité vibrante, comme si l'air lui-même frissonnait sous l'effet de la musique. La tension monte et descend en vagues, s'accordant aux crescendos et aux accalmies des morceaux. La foule, entièrement captivée, se laisse porter tel un courant électrique, vibrant à chaque pulsation, chaque note.

Matthew, le chanteur charismatique des Érudits, se tient au centre de ce maelström d'émotions, une figure magnétique qui attire tous les regards. Les notes de sa voix chaude et puissante résonnent dans la salle, transcendantes, en parfait accord avec les instruments. Il observe les visages éclairés du public, ses yeux brillants d'excitation et de fierté. Il réalise son rêve, et le partage avec chaque âme présente, ressentant cette connexion profonde avec eux. Ce soir, la musique n'est pas simplement une performance, c'est un lien qui unit tous les présents dans une euphorie collective, une communion des âmes sous les voûtes dorées de cette salle de concert enchantée.

Perdue dans la mêlée, Hailey sent son cœur pulser en harmonie avec les battements de la musique. Une vague de joie et de fierté la submerge alors qu'elle pose son regard admiratif sur les membres du groupe. Elle est consciente de toutes les heures de travail acharné et de dévouement qu'il a fallu pour en arriver à cette apothéose. Elle sent une profonde connexion avec eux, une famille qu'elle a acquise grâce à Matthew. Elle se sent honorée de partager ce moment avec lui, de le voir franchir une nouvelle étape de sa carrière, ayant suivi leur ascension depuis le début. Elle se sent enveloppée par cette énergie positive. Elle sait que cet instant, ce concert mémorable à Londres, restera à jamais gravé dans leurs mémoires.

Hailey éprouve une sensation d'euphorie indéfectible. Elle est à la fois spectatrice et actrice de ce moment incroyable, son esprit s'enivrant de la magie de la scène. Elle ressent une profonde gratitude d'être aux côtés de Matthew, de le voir se surpasser sur scène et de partager son bonheur et son succès. C'est un rêve devenu réalité pour eux, et Hailey savoure chaque note de musique comme une caresse sur sa peau, chaque cri de la foule comme une vague d'admiration qui la porte à son tour, chaque sourire complice échangé avec Matthew, comme une promesse d'avenir radieux. Ce concert à Londres est bien plus qu'un événement musical; c'est une démonstration de détermination, de persévérance, et de l'amour profond entre Hailey et Matthew. La musique les a unis, et cette soirée inoubliable est une célébration de tout ce qu'ils ont accompli ensemble.

À la fin du spectacle, l'euphorie règne toujours dans les coulisses. Tous sont en effervescence, échangeant des rires et des accolades, désireux de prolonger ces instants magiques. Hailey, emportée par la fougue du moment, se laisse bercer par le rythme cardiaque de la salle, sentant la musique pulser dans ses veines. Elle ferme les yeux un instant, laissant chaque son imprégner son âme, chaque vibration la rapprocher de quelque chose de plus grand que soi. Le monde autour d'elle semble tourner au rythme de cette symphonie urbaine, un hymne à la vie qui résonne inlassablement en elle, restituant l'essence des heures investies, des espoirs et des rêves partagés avec Matthew et le groupe. La mélancolie du temps qui s'écoule est loin d'elle; pour l'instant, la musique est éternelle, et Hailey se laisse emporter par cette éternité.

Alors que l'enthousiasme de la soirée battait son plein, l'insouciance flotte dans l’air comme une mélodie persistante. Hailey, emportée par la vague d'allégresse qui déferlait autour d'elle, sent soudain son téléphone frémir dans la poche de sa veste. Les vibrations brèves lui causent un frisson d'anticipation. Peut-être un message de félicitations supplémentaire, songe-t-elle, un sourire en coin. Mais alors qu'elle écarte délicatement Matthew pour se frayer un chemin à travers la foule, la réalité tourne brusquement.

Sa main plonge dans la poche, et elle ressort l'appareil qui semble à présent si lourd et si menaçant. Elle porte le téléphone à son oreille, son cœur bat la chamade, vibrant à l'unisson avec les notes finales qui résonnent dans la salle. Sa joie, ce nuage de bonheur liquide, s'évanouit comme l’écume au contact des paroles à l'autre bout du fil.

— Hailey, c'est Sami... Jules... Il a eu un accident de voiture. Il est dans le coma, dit la voix à travers le téléphone, apportant un ouragan de réalité au coeur de son rêve.

Son monde s'arrête de tourner, et elle se fige, droite comme une statue dont la base vient d'être érodée. Le bruit de fond, cette cacophonie festive et rieuse, devient un murmure distant, presque irréel. Les lumières qui scintillent autour d'elle se fondent en un halo trouble. Sa poitrine se serre, le souffle lui manque, la stupeur mêlée d'angoisse griffe son visage autrefois rayonnant.

Les membres du groupe et Matthew, en repérant le contraste violent entre l'Hailey radieuse d'il y a quelques instants et cette version subitement blême et tremblante, se précipitent vers elle, leurs visages marqués par l'inquiétude et la confusion.

— Hailey ? Qu'est-ce qui se passe ? Demande Matthew, la voix encombrée par la préoccupation, glissant sa main autour de ses épaules pour la soutenir.

Elle les regarde, ses yeux écarquillés et humides parlent avant même que les mots ne franchissent les trémolos de ses lèvres.

— C'est Jules... Il a eu un accident... Il... Il est dans le coma, parvient-elle à articuler enfin, sa voix un fil de soie prêt à se déchirer à la moindre secousse.

Le silence s'abat sur eux comme un drap froid, un silence lourd, aux contours aigus. Matthew enlace plus fermement Hailey, tandis que les autres membres du groupe se rapprochent, comme pour former un bouclier autour d'elle, un rempart face à l'impensable.

Hailey sent les larmes poindre, des larmes qui peinent à se frayer un chemin à travers le chaos de ses émotions. Sa peine se mélange à un sentiment d'impuissance. Elle sait qu'elle doit agir, partir, se précipiter au chevet de Jules, mais le sol semble s'effondrer sous ses pas. Elle doit être forte, mais la tâche lui paraît insurmontable. Matthews semble comprendre sans qu’elle lui dise davantage, il la serre encore plus fort.

— Je serai là pour toi, Hailey. Quoi que tu aies besoin, murmure-t-il avec une douceur qui tranche avec la cacophonie environnante.

Elle hoche la tête, plongeant son regard dans le sien, lui offrant un semblant de gratitude qui se perd dans la douleur. Les membres du groupe, soudés dans cet instant de détresse, murmurent des mots de soutien, des promesses ténues qu'ils espèrent consolatrices.

Dans la confusion des émotions, Hailey vacille entre une profonde détresse et la nécessité impérieuse d'être présente pour Jules. Elle doit desserrer l'étreinte des regrets et se plonger dans l'action : quitter le lieu de ses triomphes, mettre de côté ce bonheur éphémère pour faire face à l'inattendu, à l'urgence.

Alors que la salle continue d’échoir les festivités, Matthew la guide loin des regards. Ils préparent dans une précipitation fébrile le départ de Hailey, un départ où chaque seconde semble compter double.

Elle s'accorde un dernier regard en arrière, et la musique, autrefois une source d'exaltation, est désormais le fond sonore d'une réalité très différente, teintée de peine et d'incertitudes.

Quelques heures plus tard, Hailey se retrouve de retour chez elle à Villebrouch-sur-Mer. Les rues tranquilles forment un contraste saisissant avec l'agitation frénétique de Londres. Envolé le vacarme de la ville, ici règnent silence et sérénité. Debout devant le miroir, elle est tiraillée entre l'hésitation et la résolution. Choisir une tenue pour cette réunion devient une pièce de théâtre où chaque vêtement représente un personnage. Avec un sourire ironique à son propre reflet, elle trouve finalement sa paix dans une robe jaune pastel, simple mais élégante, suffisamment subtile pour souligner sa silhouette sans révéler ses intentions. Parfaite harmonie avec ses converses noires, précieuses reliques d'une enfance révolue où le mot "Forever" semble défié par le temps.

Le trajet en avion de Londres à Villebrouch-sur-Mer avait été un ballet d'émotions contrastées : la nostalgie du concert triomphant, l'écho lointain des applaudissements, et l'inquiétude grandissante pour Jules. Assise dans son fauteuil, les yeux perdus dans le vide aérien à travers le hublot, Hailey sent une lourdeur oppressante l'écraser. Sa poitrine se serre à chaque pensée de Jules, immobile dans un lit d'hôpital, son esprit combattant dans le silence d'un coma. L’air pressurisé de la cabine devenait une métaphore de son état intérieur : un espace confiné où l'air manquait, où l'inconfort s'imposait sans pitié.

***

Lors de sa visite à l'hôpital, Hailey croise le personnel en blouse blanche qui se hâte dans les couloirs, symboles d'une urgence permanente. Les visages des médecins expriment un mélange de fatigue et de détermination. Elle s'approche de l'un d'eux, qui lui donne des nouvelles de Jules avec un mélange de professionnalisme et de compassion.

— Repassez demain, lui conseille doucement le médecin. Nous devons attendre et observer sa réaction au traitement.

Hailey hoche la tête, les mots résonnant dans son esprit avec la lourdeur de l'incertitude. Les lumières de l'hôpital, blafardes et stériles, diffèrent tellement de celles sous lesquelles elle et Matthew ont brillé scéniquement à Londres.

Elle quitte l'établissement, les portes coulissantes s'évaporant derrière elle, comme pour clore temporairement l'épisode hospitalier. Les pensées sur l'état de Jules l'accompagnent dans un silence qui résonne jusque dans le taxi qui la ramène à son domicile.

Elle se tient maintenant devant la porte de l'appartement qu'elle partage avec Matthew, tentant de rassembler le courage nécessaire pour affronter la situation qui l'attend. La douleur qui lui serre l'estomac est incommensurable. Alors qu'elle glisse la clé dans la serrure, une voix familière la fait sursauter. Lùca est là, sur le seuil de sa porte, la scrutant avec des yeux chargés d'inquiétude.

— Lùca…
Sa voix se casse, devient un murmure fugace qui semble emporter avec lui tout le poids des non-dits accumulés. Le choc des retrouvailles avec cet ancien amour fait battre son cœur avec une violence qui lui est presque étrangère, comme si les battements se synchronisaient avec la danse incertaine de leur relation. Cette brève rencontre, intense et inconfortable, est marquée par l'ombre de ce qui a été et de ce qui aurait pu être.
D'un pas chancelant, Hailey franchit l'espace qui la séparait de Lùca, sa main tremblante cherchant son épaule tandis que sa tête cherche instinctivement le réconfort à l'abri de son cou. Lui, tourmenté par la complexité de leurs émotions passées, ne la repousse pas. Et pourtant, ses bras restent étrangement neutres, privant Hailey du soutien qu'elle espérait, de cette connexion qu'autrefois ils partageaient sans hésitation. Lùca, homme qu'elle ose encore nommer ami, se fige dans une neutralité qui semble gravée dans la pierre, sa tension interne palpable. Enfin, il brise le silence qui pèse lourd entre eux.

— Comment vas-tu ? Dit-il, la voix chargée d'émotion.

Il explique à Hailey que Charlie a organisé une petite soirée pour redonner des couleurs à l'âme attristée d'Emma, l'épouse inquiète de Jules. Dans les yeux rongés par l'incertitude de Hailey, une étincelle fugace de détermination apparaît; elle hoche de la tête, pleine d'une compréhension muette, et le suit.

***

À son arrivée au chalet, la visioconférence avec Matthew devient une bouée salvatrice. Ses boucles brunes à l’écran lui apportent un semblant de réassurance. La charpente robuste du chalet, avec ses grands espaces ouverts et ses éléments de modernité telle la baie vitrée offrant une vue sur la rivière, évoque des souvenirs doux-amers. La dépendance jadis transformée en garage diffuse encore l'odeur des souvenirs, teintés d'une grisaille plus marquée qu'elle ne le souhaiterait.

À sa surprise, ses pas résonnent sans aucune annonce à travers le hall. Charlie, avec son accueil oscillant entre une froideur distante et une chaleur forcée, accentue l'inconfort ambiant. La jalousie, mal dissimulée derrière son sourire contraint, est presque palpable et vient encombrer encore plus l'espace entre elles. Comme si cette danse macabre des retrouvailles n'était qu'un prélude à la confrontation inévitable à venir.

Lorsque Sami, au parfum sucré et au souvenir de ses bras autrefois rassurants, approche, l’air du passé semble soudain s'intensifier. "Tu me manques", murmure-t-il, et dans cette confession, les distances passées se révèlent plus vastes qu'elles ne l’ont jamais été. Hailey s'écarte de lui, le regret affleurant dans un sourire qui en dit long sans prononcer un mot supplémentaire. La voix d'Hailey, un murmure friable presque inaudible, tranche le silence chargé :

— Je... Je suis désolée. Vraiment.

Hailey secoue la tête, une larme s'échappe et glisse sur sa joue, reflétant la confusion de son cœur. Elle murmure :

— Sami... il était dévasté, et personne... personne n'a tenté de le rassurer. Tout était tellement... compliqué.

Sami, qui avait gardé le silence, un poids invisible sur ses épaules. Lùca sonde son visage, ses yeux perçants cherchant un indice sur ses pensées.

— Peut-être que ça n'aurait jamais marché. Mais toi, tu as fait en sorte qu'on ne puisse même pas l'essayer. À cause de toi.

***

Il l'entend, mais choisit de plonger dans un silence haineux. Dans sa tête, les pensées tourbillonnent ; il songe à le corriger, à le défier. Ce petit prétentieux. Jamais il n'a apprécié la manière condescendante qu'il avait de traiter Hailey, comme si elle était une propriété à revendiquer.

***

— J'avais besoin que vous compreniez... mais j'ai vu qu'il avait raison.
Leur tension envahit l'espace, un tissu invisible de regrets et de vérités non révélées. Ils sont à la croisée des chemins, oscillant entre la possibilité d'une réconciliation et l'abîme d'une séparation définitive. L'Amour reste un mystère impalpable, la douleur et l'espoir dansant en un ballet tumultueux. Hailey contemple le visage de Lùca, ce visage qu'elle n'aurait jamais cru revoir. Les minutes s'étirent entre eux, un sablier figé dans le temps. Lui, en silence, pèse chaque mot prononcé, chaque silence partagé.

Subitement, le masque de Lùca se fissure. Une étincelle d'empathie perce, difficile, sans promesse de pardon. Elle, ses mains gauches et son corps chancelant, offre une démarche incertaine. C'est un combat pour sa propre survie, pour sa paix, tandis qu'une compassion dure se fraye un chemin à travers son amertume. En répondant à sa douleur non exprimée, elle déclare avec une résolution brisée :

— Peut-être qu'un jour l'un de nous devra partir pour que tout cela prenne fin.

Il l'écoute, et dans son cœur, une prise de conscience difficile émerge comme un lever du soleil sur un champ de bataille. Ils semblent s'être confrontés sans armes, tous deux perdus et trouvés dans un moment où le passé confronte le présent.

La journée se termine sur une note étrangement douce, malgré les ombres qui planent, prêtes à enlacer l'avenir. Mais leur influence s'estompe lorsque Hailey se retrouve sous le regard inquisiteur d'un acteur invisible, le brun ténébreux, un machinateur d'un futur incertain qui se régale de la complexité de l'humain comme d'une partie d'échecs.

Leur arrivée est saluée par un tableau vivant d'émotions contradictoires — des rires qui tentent de chasser les ombres, des sourires qui tremblent sur le fil d'un chagrin refoulé. Hailey, secouée en son for intérieur par la brutale révélation de l'accident de Jules, lutte pour armurer son visage d'une sérénité trompeuse. Elle se lance dans la mêlée des conversations, forçant des participations pour ne pas se laisser emporter par la marée de sa propre détresse. Les échanges de politesses avec les convives lui coûtent, chaque sourire est un combat, chaque mot prononcé, une défense contre la tempête qui sévit en elle.

C'est un défi, celui de soutenir Emma, de montrer une solidarité dans l'infortune. Hailey, l'âme en peine mais la volonté farouche, aspire à être l'ancre dans la tempête pour son amie. Cependant, la présence inattendue d'Amanda — cette amie fidèle d'Emma au rire effervescent — et de son compagnon Soren, injecte une dose d'interrogation dans l'air déjà saturé d'émotions. Le temps semble suspendu pour Hailey qui, prise au dépourvu, se tient à l'écart des suppositions pour ne pas teinter l'atmosphère d'une curiosité malvenue.

La fête se déroule donc, perchée sur le fil tendu entre la joie forcée et la peine réprimée, un équilibre fragile que Hailey maintient avec une grâce pesée. Elle s'accroche à l'espoir que ce rassemblement apportera un peu de lumière, un morceau de réconfort à Emma, toujours à la recherche d'une échappatoire à ses propres déchirures intérieures.

Cependant, Charlie et Amanda semblent incapables de résister à l’envie de titiller Hailey avec des piques incisives, rappelant sans cesse sa relation passée avec Lùca. Charlie arbore un regard malicieux, ses commentaires fins et taquins sont distillés avec un sourire narquois, tentant visiblement de déclencher une réaction chez Hailey. De son côté, Amanda observe la scène avec une acuité perçante, analysant chaque geste, chaque échange, comme s’il s’agissait d’un puzzle complexe. À chaque évocation de ce passé qu'elle aimerait tant oublier, Hailey sent resurgir des souvenirs qui la lacèrent de l'intérieur. L'atmosphère vibre d'une tension presque palpable, mais Hailey, le cœur rempli d'une détermination tranquille, refuse de se laisser submerger par ces tracas. Son objectif reste inchangé, soutenir Emma dans cette épreuve douloureuse. Elle réplique avec des sourires diplomatiques et des réparties voilées, usant de sa grâce pour maintenir un semblant de convivialité.

Alors que la soirée continue son cours, Lùca s'avance vers Hailey, ses pas presque inaudibles. Ses mots lui parviennent dans un souffle, ses yeux la sondent, cherchant sans doute à revisiter le lien fragile qu’ils ont jadis partagé.

— Hailey... cela ne va plus avec Charlie. Elle n’est pas toi, admet-il en un chuchotement ébranlé d’incertitude. Nous étions heureux ensemble, n'est-ce pas ?

Dans ces mots tremblants, une vulnérabilité à fleur de peau se dévoile, amplifiant le poids de l’émotion qui flotte entre eux. Les paroles de Lùca s'infiltrent dans l'esprit de Hailey, réveillant un tourbillon de sentiments entre le doux souvenir de leur intimité et la douleur des cicatrices laissées par leur séparation. À la lumière de cette confession, Hailey capte son regard, y lisant une détresse qui ne lui est pas étrangère. Elle lui répond avec une douceur teintée de fermeté, la voix aussi claire que les eaux d’un lac au matin.

— Lùca, ma vie avec Matthew est épanouie. Il est trop tard pour les regrets, pour les retours en arrière.

Dans la pénombre, Lùca vacille, ses mots une constellation de pensées non formulées, de sentiments non explorés.

— Hailey, tu as laissé une empreinte indélébile, tu comptes... tu as toujours compté, mais...

Le cœur d'Hailey martèle contre sa cage thoracique, une symphonie douloureuse marquant le conflit entre passé et présent. C'est alors qu'Amanda, dissimulée par l'ombre, saisit leurs murmures. Un témoin silencieux, elle observe, analyste discrète d'un tableau dont elle détient désormais un fragment secret. Son visage, une fresque d'impassibilité, cache les tourbillons intérieurs qu'elle ne révèle pas pour l’instant, choisissant la stratégie de l'attente, afin de laisser se décanter les émotions et les intentions.

Lùca, tenant Hailey du regard, pose un ultimatum qui brise l’atmosphère déjà fragilisée.

— Dans deux jours, chez toi, à 18 heures. L'heure et le lieu importent peu, mais il est essentiel que nous parlions.

Sous la pression de ces mots, Hailey sait que ses choix forgent son destin. Fidèle à sa décision, elle refuse de laisser le passé obscurcir le chemin qu'elle a choisi.

— Je suis là pour Jules, pour lui seul, insiste-t-elle avec conviction.

Tandis que la soirée s'étire, des rires et des chants remplissent l'air, voiles dérisoires face à l'ombre de la peine où chacun trouve refuge, les cœurs battant à l'unisson dans une quête de chaleur humaine. Les éclats de rire résonnent, créant une mélodie en contraste avec les véritables émotions présentes. Pars des descriptions de la luminosité variée pour chaque action.

Le lendemain matin, Hailey se réveille avec une gueule de bois terrible. Elle est tirée de son sommeil par le bruit des gouttes de pluie qui s'écrasent bruyamment sur la vitre de sa fenêtre. Ouvrant lentement les yeux, elle réalise qu'elle est encore vêtue des mêmes vêtements que la veille. Sa tête lui fait un mal de chien, et elle ressent une soif insatiable. En massant ses tempes pour atténuer sa douleur, les événements de la veille se bousculent dans son esprit, lourds de préoccupations. Malgré ses sentiments embrouillés, elle sait qu'elle a fait ce qui était juste.

Après s'être préparée, elle se rend à l'hôpital où son ami se trouve entre la vie et la mort. En franchissant les portes, l’odeur familière des désinfectants et du lin immaculé l’immerge instantanément. Chaque pas résonne dans le corridor, une mélopée funèbre en dissonance avec le silence religieux qui règne. Hailey sent son cœur se serrer, les battements accentués par la gravité de la situation. Elle sait qu'elle est là où elle doit être, pour Jules. Peu importe les difficultés à venir ou les conséquences de ses décisions, elle est résolue à rester à ses côtés jusqu'à ce qu'il se réveille.

Dans la salle d’attente, Sami, Lara, et Lùca sont déjà présents. Chacun attend son tour pour visiter Jules, espérant qu’il se réveille rapidement. Le siège en vinyle grince légèrement sous le poids de ses doutes et de ses espoirs. Hailey, plongée dans ses pensées, les observe tour à tour. Le visage de Sami est marqué par l’inquiétude, ses yeux cernés témoignent de nuits sans sommeil. Lara, assise à côté de lui, aspire par moments un peu d'air par ses narines avec une force de détermination, fidèle à cette force tranquille qu'elle a toujours incarnée. Quant à Lùca, il est légèrement penché en avant, ses mains jouant avec une carte de visite, manifestation d’une agitation intérieure.

En s'asseyant, Hailey se remémore leur rencontre. L'air ambiant est lourd de souvenirs partagés, chacun imprégné des émotions de leur passé. Son cœur bondit entre les réminiscences douces et douloureuses de son lien avec Lùca, et la froide réalité imposée par la situation actuelle. Le parfum floral délicat que Lara porte évoque une proximité affectueuse, tandis que la nervosité de Sami qui rebondit légèrement sa jambe la rattache à l’urgence présente. Les murmures de médecins passant et l'éclat lointain d'un téléphone à l'accueil ajoutent une couche de réalité à son arrière-plan émotionnel. Les heures passent, lourdes comme le plomb. Le silence se fait presque palpable, entrecoupé par des allées et venues silencieuses. C'est dans cette attente impatiente et douloureuse que Hailey trouve la force de rappeler à chaque battement de cœur pourquoi elle est là : pour Jules, envers et contre tout.

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