L'éclatement des coeurs

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J’observe discrètement à l'écart la scène se déroulait devant mes yeux, Amanda tournant naïvement autour de moi. Tu es là, Hailey, avec Matthew, loin de mon intrusion, suffisamment proche cependant pour que je puisse savourer les nuances délicates de votre conversation. Tandis qu'Amanda restait indifférente à la montée progressive de l'électricité entre vous, son comportement distrait et sa désinvolture ne faisaient qu’augmenter mon irritation. Tels ceux d'un prédateur, mes sens étaient affutés au maximum, prêt à traquer et à déchiffrer chaque interaction, chaque effluve de tension entre vous.

_ Tu te souviens de cette époque insouciante où nous n'avions aucuns soucis ? Demandes-tu, ta voix nimbée d'une mélancolie douce-amère.

Ses mots, votre rire, tous ces éléments noués dans un enchantement auquel je ne suis pas invité. Un trait de légèreté éphémère qui n'érode pas la gravité de la situation. Ton optimisme. Sa passive résistance. Un doux ballet d'amour et de résilience. Mais je devine les irrégularités. Je sens les notes cachées derrière vos paroles, les non-dits qui envahissent l'espace entre vous.

_ Comment oublier ?

Sa remarque enleva le poids sur tes épaules, un instant de légèreté suspendu dans l'air. Cependant, le silence revint, tranchant et froid, s'infiltrant entre vous. Profitant de cette brèche temporaire dans votre discussion, tu changeais de sujet pour évoquer la couleur de ses chaussures, détournant l'attention du véritable problème. Son sourire étirait ses traits mais ses yeux trahissaient une gravité, un sérieux.

_ Tu repousses toujours les discussions, n’est-ce pas ? Accuses-tu, les lèvres tremblantes.

_ Ne transforme pas ça en dispute, répondit-il rapidement, prompte à ériger une muraille d’indifférence.

Je perçois l'éclatement de votre querelle, sa tentative de dissimuler ses émotions derrière une façade d'indifférence. Tes accusations. Ses réponses coupantes comme une lame, creusant une blessure déjà profonde et douloureuse en toi. Vos échanges, intenses et vifs, se déchirent en échos de résistance, d'amour indécis et de frustration réprimée. J'étudie chaque mouvement, chaque mot, chaque geste, pourtant, la tristesse qui alimente votre dispute est presque palpable.

_ Tu as tendance à disparaître lorsque les situations se présentent plus réelles, plus profondes, reprochais-tu, les doigts serrés dans l'herbe fraîche.

Il haussa les épaules comme si cette accusation ne le touchait pas, ses mots tranchants comme une épée empoisonnée sur ton cœur déjà blessé.

_ Tu sais comment je suis. J’évite les complications, c'est dans ma nature. Ne me rends pas toujours responsable de cela, ce serait injuste.

L'hostilité dans sa voix te fit tressaillir, rougissant sous ses accusations. Un sentiment nauséeux de culpabilité s'éveilla, lent et cruel.

_ C'est vrai, tu as toujours été comme ça, concèdes-tu, la gorge nouée. Ta voix n'était plus qu'un murmure, perdue dans le vent.

Son expression se transforma à tes mots, devenant froide et impénétrable. Ses yeux verts, puits de malice, sombrent dans une mer d'orage, étincelant d'une furie muette.

_ Je suis fatigué de tes constantes accusations ! S'écria-t-il, la colère consumant sa patience. Oui, je fuis ! Oui, j'évite toute confrontation ! Oui, c’est moi ! Si cela te dérange tellement, pourquoi tu continues à me supporter ?

Sa violence verbale t'avait prise au dépourvu. Tu sembles avoir du mal à rassembler tes pensées, la réplique douloureuse laissant un goût amer sur ta langue.

_ Parce que je t'aime ! C’est pourquoi tu fuis ! Parce que l’idée d’être aimé te terrifie, n'est-ce pas ?

Tes aveux résonnent dans le silence du parc, comme une révélation que j'ai toujours sue mais que tu viens seulement de découvrir.

_ Je... Je sais que tu m'aimes aussi. C'est pour cela que c'est aussi frustrant. Tu te mures derrière un mur que je peine à escalader.

Ta voix se brisa sur les derniers mots. Le coup semble l'assommer, lui voler son assurance, le laissant ébranlé, confus, aveuglé par les feux d'artifice de sa réalité révélée. Mais cela ne suffit pas à guérir les blessures.

_ Et peu importe comment je le vois, je ne peux pas changer ce que tu ressens, comment tu réagis, affirmes-tu, la poignée d'une larme balayant le ton de ta voix. Mais je refuse de continuer à souffrir parce que tu refuses de faire face à tes peurs.

Son expression se durcit, mais tu restais ferme, affrontant son regard qui fusait comme un torrent en crue.

_ Le choix t'appartient maintenant.

L’ultimatum que tu as posé balance entre vous, comme une promesse et une sentence. Il effleure la réalité de votre histoire volatile. L’ode à la bataille que vous veniez de mener est presque admirable. Le soleil orangé se couchait, colorant les toits en des teintes chaleureuses. Dans les rues avoisinantes, les gens rentraient chez eux, s'apprêtaient pour une soirée, ou encore, cherchaient un endroit où passer le temps.

Plus tard, dans l'apaisement de ton appartement, tu es là, avec lui. Dans la douce lueur des bougies, le doux contact de ta main dans la sienne, la douleur latente de votre dispute est assourdie, canalisée par la chaleur de l'amour partagé. Une trêve fragile que vous avez choisie, une bataille reportée pour une autre journée. Et lors de cette nuit, ta détermination m'inspire. Ton amour patient et stoïque, malheureusement détourné vers lui, m'obsède encore plus. Ta force silencieuse en dépit de lui, en dépit de tout, est celle que je compte bientôt t'apprendre à tourner vers mon attention.

Ce tableau touchant de réconciliation, loin de dissiper mon intérêt pour toi, ne fait qu'accroître mon obsession. Elle grandit, me consume, m'entraîne dans les profondeurs de mon dessein à ton égard. Comme la proie cache son plus charmant défaut derrière l'adversité, toi, Hailey, tu ne fais pas exception à cette règle. Ta persévérance, ta patience face à l'adversité, ton amour dévoilé dans des moments de pure vulnérabilité ; tout cela sert à peindre une image toujours plus attirante. Un sourire sadique se dessine sur mes lèvres à cette pensée : en dépit de leur absurdité, ces actes d'amour ne font que renforcer ma résolution. Après tout, notre jeu n'en est qu'à ses débuts.

La nuit avait enveloppé la ville dans son manteau d'encre, pareille à un vieux démon se repaissant des âmes qui s'égaraient entre ses griffes de béton. Sous l'éclairage des néons, les silhouettes des passants se paraient d'une lumière crue, autant qu'artificielle. Matthew, dans ce décor de fragile humanité, avançait d'un pas qui esquivait tout obstacle humain, comme si le contact lui était devenu allergène.

Un homme, éméché, trébucha sur son chemin, grommelant des excuses qui se perdaient dans les bruits ambiants.

_ Ça n'sert à rien, mon vieux, lui lança Matthew avec cette note douce-amère qu'apporte l'usure de la solitude. Faut prendre la merde comme elle vient et s'y faire un trône.

L'homme fixa Matthew, les yeux embués par l'alcool et par quelque chose de plus profond, ébauchant un sourire défaitiste tout en tentant de se concentrer sur ce visage qui lui parlait d'une vérité crue.

_ Mais comment tu fais pour ne pas sombrer ? Moi, ça m'bouffe…

Matthew s'autorisa un soupir, l'ombre d'une empathie dans le fond de ses pupilles. Il marqua un temps d'arrêt devant cet homme dont la détresse semblait une réflexion de la sienne.

_ Crois-moi, l'ami, je ne me sens pas bien non plus, dit-il, accordant à l'homme plus de sincérité qu'il ne l'avait fait depuis longtemps. Il y a... c'est comme si à chaque battement du cœur, une nouvelle pensée obscure venait accroître la pression en moi.

L'homme hocha la tête, un rictus de compréhension tirant brièvement sa peau vieillie.

_ Oh si seulement… commença l'homme.

_ Non, coupa Matthew avec plus de douceur qu'il ne se serait attendu. Ses yeux s'étaient perdus dans les fissures du trottoir, préférant les stigmates du béton à ceux des âmes.

L'homme esquissa un sourire triste et hocha la tête. Il savait que Matthew avait raison. Dans cette ville, il fallait faire avec ce qu'on avait, être dur, imperméable.

Matthew poursuit sa route, laissant derrière lui l'homme qui semblait s'enfoncer un peu plus dans l'obscurité. Il ne pouvait s'empêcher de se sentir étrangement à sa place dans ce monde de dettes et de désillusions. C'était une existence brutale et sans faux-semblants, et bien qu'il ne pût que l'admettre, dans le rôle de l'anti-héros, il se sentait authentique.

_ Les héros… murmura-t-il, goûtant ironiquement le mot sur ses lèvres.

_ Tu te mets à converser avec ta conscience maintenant ? C'est ça ton nouveau super-pouvoir ?" La voix était une mélodie dans la nuit, et la silhouette qui émergea de l'ombre apportait chaleur.

Matthew tourna la tête vers la silhouette appuyée à l'embrasure d'une porte, enveloppée dans un manteau qui ne suffisait pas à dissimuler les formes d'une femme qui ne se laissait pas facilement oublier.

_ Ley’, reconnut-il, un sourire mi-amusé mi-irrité effleurant son visage taillé par les vents. Toujours là pour me faire redescendre quand j'm'envole trop haut.

Elle se détacha du mur pour s'avancer vers lui, son regard pétillant d'une espièglerie familière.

_ On ne peut laisser un esprit comme le tien sans surveillance, rétorqua-t-elle, la malice étincelant dans son regard.

_ Et toi, tu t'es octroyé ce rôle ? Son regard défiait, flirtait avec l'idée d'une étincelle à rallumer. Elle ne fit qu'un pas de plus et le monde sembla rétrécir autour d'eux.

_ Qui d'autre ? dit-elle, en s'approchant de lui, la proximité de leur corps dissipant un peu de la froideur ambiante. Tu as besoin de quelqu'un qui connaisse aussi bien tes zones d'ombre que tes lumières.

Il haussa les épaules, enfouissant à nouveau ses émotions sous une cuirasse de sarcasme.

_ Je ne crois pas aux héros, Hailey. Et encore moins aux saints.

_ Peut-être, reprit-elle doucement, mais tu as tout de même besoin de croire en quelque chose… en quelqu'un.

Il voulut répliquer, mais aucun mot ne franchit ses lèvres. Il savait qu'elle avait touché un point sensible, celui qu'il gardait enfermé, loin derrière son masque d'indifférence.

Tous les deux partageaient le même trottoir illusoire, deux ombres flottantes dans l'immensité urbaine. Et au fond de lui, Matthew devait reconnaître que sa présence, inattendue et ironiquement réconfortante, fit naître en lui une étincelle d'espoir fugitive, presque niée sur-le-champ.

Ils marchèrent ensemble, dans le silence complice de la nuit, avec un semblant de paix dans le chaos des âmes.

_ Tu sais, Hailey, dit-il finalement rompant le silence. Parfois, ta lucidité fait chier.

Elle rit, un rire qui apportait une lueur de chaleur dans ces rues noyées de ténèbres.

_ T'es un enculé, Matthew, mais t'inquiète pas... ça te va bien.

Ils reprirent leur marche, un pas après l'autre, entre ombre et lumière, leur dialogue un murmure dans le vacarme nocturne.

Plus tard, dans la quiétude d'une chambre où se mêlait l'espérance et le regret, un air mélancolique de Yuston XIII flottait, amplifiant la tension entre eux. Hailey, aux traits lumineux et cœur lourd, cherchait dans le regard de Matthew un reflet de leur passé ardent. Les mots de la chanson étaient un murmure, un spectre de ce qui aurait pu être. Elle, jadis prête à le suivre dans le gouffre, réalisa que l'étincelle qui les guidait autrefois attendait de s’éveiller.

Chacun portant le poids des souvenirs désormais lointains. Hailey, avec ses cheveux blonds encadrant son visage pâle, fixa Matthew avec des yeux empreints de tristesse. Ses prunelles étaient des étoiles éteintes, témoins d'un amour qui s'éteignait lentement. La pièce, éclairée par une lueur tamisée, amplifiait l'atmosphère pesante qui enveloppait le couple. Hailey murmura les premières lignes de la chansons et les mots résonnaient dans la pièce comem un écho de ce qui aurait pu être. Elle avait sauté dans le vide avec lui mais la lumière qui les avaient guidés avait disparu. Il se demanda s’il devait partir. Matthew, confronté à cette image, ressentit le poids de sa responsabilité dans ce brasier destructeur. Dans ses yeux se refletaient la conscience de ne pouvoir éteindre les feux qu’il avait allumés. Le manque entre eux noyait leurs âmes, le poison de la séparation se répandant tandis qu'il aspirait à un battement de plus, à un instant fugace où l'amour retrouverait son éclat.. Les larmes brillaient dans leurs yeux, témoins silencieux de ce qui ne pouvait être sauvé. La musique s’estompa, laissant place à un silence déchirant tandis que le crépuscule enveloppait la pièce, teintant les murs de nuances sombres.

Leur échange était mesuré, leur présence mutuelle remplissait la pièce d'une électricité presque palpable. En silence, ils s'approchèrent, leurs mains tremblantes d'appréhension à la proximité retrouvée.

_ T'es belle, lui chuchota-t-il, ses doigts traçant des chemins invisibles sur sa peau. Elle répondit à son affection d'un soupir doux, une confirmation silencieuse de leur connexion.

Dans la pénombre, chaque geste était une découverte, chaque frôlement un aveu non prononcé. Alors que Matthew explorait doucement les contours de son être, Hailey se laissait emporter par l'intensité de l'instant.

_ Matty… dit-elle à mi-voix, sa gratitude résonnant comme une caresse dans l'atmosphère suspendue.

Même s'il est clair que l'embrasser revient à s'intoxiquer lentement, Hailey le désire trop pour s'arrêter. Les sensations sont inouïes, les caresses bien trop intenses pour reculer alors elle capitule et fait l'impasse sur son attitude.

Son départ était imminent mais un tiraillement intangible le retenait. Alors dans un acte impromptu, il saisit sa main. Le contact de leur peau fit vibrer tout son être.

Dans le souffle tiède de ce soir-là, Hailey et Matthew se trouvèrent face-à-face, l'air chargé d'une fébrilité rarement éprouvée. La lumière tamisée de la chambre dodelinait doucement contre les murs, caressant chaque ombre comme pour encourager ce moment suspendu dans le temps. Plus qu'une rencontre de peaux, c'était l'entrelacement de deux âmes cachées qui agitait l'atmosphère.

Matthew, d'une voix douce, brisa le silence délicat. "Ley’..." Il se pencha légèrement vers elle, la regardant droit dans les yeux, cherchant non pas la permission, mais la réciprocité de son émoi. Leurs mains s'effleurèrent, tremblantes d'appréhension et d'envie. Ce simple contact semblait suffisant pour éveiller un incendie à l'intérieur d'eux. Leurs doigts se lièrent, tissant un lien silencieux qui allait les guider à travers la découverte l'un de l'autre.

Alors qu’il approchait lentement sa main de la courbe de la hanche de Hailey, un frisson électrique parcourut les deux corps. Ils respiraient avec une lenteur calculée, presque comme s’ils cherchaient à prolonger le suspens de la soirée qui s’avérait être le théâtre de leur intimité naissante.

_ Tu es magnifique, murmura-t-il tandis que ses doigts dessinaient des sentiers inexplorés sur la peau d’Hailey. Elle réagit à son toucher avec une ardeur qui se traduisait par un doux gémissement - le son prouvant que ses gestes ne la laissaient pas indifférente.

La chambre se fit encore plus silencieuse alors que leurs respirations s’alignaient, se mélangeant en une métrique hésitante mais certaine. C’était comme si les murs eux-mêmes retenaient leur souffle.

Lorsque cela arriva, si naturellement, si intuitivement, Hailey se laissa emporter par une vague de sensations qu'elle n'avait jamais connues. Pas même avec Lùca.

_ Matty... Son appel était une prière, un remerciement silencieux pour cette communion qui les définirait à tout jamais.

Et dans la chaleur de cet échange, à travers le partage de leurs souffles et la tendresse de leur étreinte, Hailey ressentit une libération intense. Cela la submergea d'une sensation si profonde, si émouvante, qu'un cri discret s’échappa de ses lèvres.

Enfin, ses doigts glissèrent au-delà de son nombril, de sa robe retroussée, de l’élastique de sa culotte et dans l’humidité chaude qui attendait là. Il la caressa, l’excita et l’emmena au bord de la satisfaction, uniquement pour se retirer. Elle gronda et le maudis. Il gloussa doucement, un son malicieux et tendre qui resta suspendu dans l’air pendant qu’il recommençait. Encore et encore. Matthew la serra plus fort contre lui, comme pour accueillir ce don précieux qu'était son plaisir. Il chuchota, son sourire s'entendant même dans le timbre de sa voix, "Je t’aime, Ley."

Lorsque leurs corps s'unirent avec douceur, les ombres de la chambre enveloppèrent leur étreinte, tandis que les draps murmuraient les secrets d'une nuitée où la passion se mariait à l'affection sincère, où chaque caresse devenait une ligne dans le livre de leur histoire partagée. Comme la nuit enveloppait doucement leur intimité, ce soir charnel se transforma en une promesse silencieuse d'un avenir partagé, d'un amour aussi tangible que le plaisir qu'ils venaient d'explorer. C'était une première d'une série de nuitées où la passion se mêlerait à l'amour, où le toucher serait éloquent et où chaque joie serait un chapitre supplémentaire de leur histoire conjointe.

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