Retour de flammes (pt III)
Au même moment - Point de vue Hailey
Dans le tumulte des sautes d'humeur, une question se fait écho : « T'as tes règles ou quoi ? ». Non, je n'ai pas mes règles, abruti. Je suis simplement furieuse. Et oui, il doit bien y avoir une justice car un homme peut exprimer sa colère sans être jugé, alors que nous, femmes, on doit systématiquement fournir des explications. Un double standard exaspérant.
Tandis qu'on se prépare à tour de rôle dans la salle de bain commune, Sami et Lùca discutent d'un épisode de la veille. Le Métis le félicite concernant sa prise de position ferme et justifiée. Lùca, qui ne comprend pas ces compliments, coupe l'eau et sort la tête par le rideau et se permet de lui poser la question un sourire aux lèvres :
— Et qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ?
J'opte pour une retraite rapide pour esquiver l'orage relationnel qui gronde. Sami pose son rasoir et lui explique :
— Parce que, mon pote, hier, tu étais méconnaissable. Tu t'es dressé, tu n'as pas baissé la garde face à Charlie. Et ça, c'était quelque chose !
— Votre aide d'hier était déplorable, vous savez, lance Lùca, déçu par le compliment désigné. Votre comportement envers Hailey était détestable, stupide et cruel.
Sami se défend, affirmant que malgré leur exagération, Lùca n'a pas cédé, ce qui lui a fait chaud au cœur. Le brun aimerait clore le sujet, mais mon meilleur ami insiste. Lùca et moi sommes séparés et, de ce fait, je suis en droit de fréquenter quelqu'un d'autre. Et ce, qu'ils acceptent tous difficilement cette personne ou non.
— Bon d'accord. On a exagéré, disons-le franchement. On s'est laissé porter par nos émotions, mais en attendant, tu ne t'es pas laissé faire et ça m'a fait plaisir.
Lùca répond d'un sourire froid :
— Quand même, tu n'as jamais pu encadrer Charlie, ne mens pas ; elle a franchi une ligne et aurait dû rester à sa place.
— Ouais… Comprend bien que je te dis ça en tant qu'ami, mais ce poison qu'est ta copine...
Le brun le coupe, offusqué.
— Ce poison ?! Tu dépasses les bornes là !
Sami essaie de se rattraper. Il refuse de commencer une autre dispute alors que la journée commence à peine.
— Je reformule. Les filles ayant une forte personnalité de comme elle, ont ce besoin caché de sentir qu'elles ont un maître en face. Mais toi, tu n'as pas compris ça encore.
— Arrête ! Arrête avec tes idées reçues là. Je n'ai pas envie d'être le maître de Charlie. C'est quoi ces conneries encore ? Je l'aime telle qu'elle est, et c'est tout.
Lùca est rouge de colère. Tous deux savent qu'une autre réflexion diffamatoire de sa part mettra un terme à leur amitié devenue instable au fil des mois. Ils sont sur des charbons ardents et Sami fait mine de baisser les armes. Il répliquera en temps voulu.
Dans la cuisine baignée d'une lumière matinale douce, le parfum du repas en préparation se mélange aux tensions sous-jacentes. La spatule en main, je m'affaire à la tâche avec un pragmatisme naturel, tandis que Sami vient partager ses états d'âme, épaule contre le chambranle de la porte. Il a ce regard égaré de celui qui comprend le monde, mais se trouve contrarié par ses contradictions.
— Tu sais, je... je ne comprends pas, commence-t-il, la frustration teintant sa voix. Hier, Lùca, il s'impose enfin. Puis aujourd'hui, il court offrir un cadeau à l’autre garce pour... pour s'excuser ? Où est la logique ?
— L'autre garce s'appelle Charlie. Je me retourne, lui lançant un regard pénétrant, comme pour l'analyser, pour voir jusqu'où s'agraine sa perception. Laisse-le. Si ça lui fait du bien, s'il pense que c'est le bon truc à faire, c'est son choix, n'est-ce pas ? je réplique avec une sagesse détachée.
Sami hoche la tête, non convaincu, son inquiétude palpable alors qu'il ronge l'intérieur de sa joue.
— Qu'est-ce que tu racontes ? Ne me dis pas que tu vas être d'accord avec lui ?
— Et bah pourquoi pas ? Charlie, c'est son problème, pas le tien. Et c'est définitivement plus le mien.
— Ouais t'as raison. Ça le regarde. Ça prouve surtout qu'il ne connaît pas les femmes. Faut lui souffler dans les bronches à cette fille et c'est normal…
— T'as fini? Parce que là, tu dis n'importe quoi.
Je commence à perdre patience. Mon ami est génial, mais quand il a une idée en tête, il en deviendrait presque maléfique. J’en profite pour changer de sujet.
— Au fait, Matty mange avec nous aujourd'hui. Si on pouvait éviter les drames.
C'est a ce moment précis que Charlie apparaît, portant fièrement la bague étincelante, trophée de sa victoire sentimentale. Elle a cette assurance de celles qui ne doutent pas de leur effet sur les autres, cette posture hiératique des reines de l'ancien temps.
— Vous avez vu ça ? demande-t-elle, une lueur de malice dans les yeux.
Sami, à la vue du bijou, s'apprête à lancer une tirade probablement acerbe, mais je l’interromps d'une voix ferme, mais douce :
— Pas de drame.
Sami acquiesce sans malaise — Charlie incarne l'égoïsme et la malveillance incarnée ; une vraie épreuve pour ceux qui perçoivent son véritable moi, dissimulé derrière un voile de douceur et d'illusions souriantes. Finalement, je laisse tomber ma bombe de sarcasme, une phrase qui ricoche sur les murs et se plante avec précision dans la cible de notre hypocrisie collective :
— Tu devrais lui faire des cadeaux plus souvent. Elle semble vraiment folle de toi maintenant. C’est fou comme tout peut s’acheter, parfois.
Une fois que Charlie eu quitté la pièce, une onde de choc invisible persiste comme à son habitude, ses conversations avec les autres étaient émaillées d'une ironie cinglante et d'un ressentiment qui ne demandait qu'à éclater Lùca, marqué par son départ, supporte le poids des doutes alentour ; il sait qu'il est retombé dans les griffes de Charlie. Alors que j’en profite pour remettre un peu d'ordre dans la conversation, je suis interrompue par l'arrivée de Matty qui entre dans la cuisine avec sa verve habituelle.
— Salut les amoureux ! Bon, on fait la tête aujourd’hui ou c’est la météo qui vous file le cafard ?
À sa vue, le climat se détend instantanément. Matty a toujours eu ce don pour alléger l’atmosphère, et je lui en suis reconnaissante. Je suis heureuse de le voir.
— Ce n’est rien, les aléas d’une matinée un peu compliquée. T’as faim ?
— Affamé ! J’ai l’impression que mon estomac pourrait hurler plus fort que Charlie lorsqu’elle n’obtient pas ce qu’elle veut.
Lùca esquisse un sourire amusé et Sami en fait de même. Cette comparaison a quelque chose de libérateur pour eux deux. Ils se prennent alors à imaginer l'atelier de Sami et comment il pourrait résonner de son art plutôt que de conflits entre am
Annotations