Le Télétravail

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« On déjeune ensemble demain ? »

« Ah non, demain je suis en télétravail »

Le télétravail, ou comment offrir à un salarié un moment de fraîcheur dans son job.

C’est un jour béni, et ce dès le réveil : au programme pas de déplacements, pas de stress dans les transports en commun ou dans les bouchons sur la route, donc du temps en plus !

Du temps en plus pour travailler ? certains le font sans le dire, d’autres le disent sans le faire, d’autres – les plus nombreux – n’en parlent même pas.

C’est du domaine confidentiel finalement, puisque les horaires de travail sont définis par le contrat de travail et/ou la position du salarié.

On fera donc usage de ce bonus « Transports 0 » pour traîner un peu dans son lit, ou prendre un vrai petit-déjeuner, ou déposer ses enfants à l’école, ou finalement faire la séance de sport qu’on arrive jamais à honorer les autres jours.

Ensuite la journée commence, et elle est rassurante et pleine de sécurité.

Car finalement tout est encadré, avec une responsabilisation individuelle qui incite au respect des règles applicables au télétravail.

On vit sa journée sans présence dans les murs de l’entreprise, en pleine conscience du rapport de confiance engageant les deux partis et qui représente la clé de voûte du système.

Le non-respect ou la violation de cet engagement et tout s’effondre, la confiance est rompue à jamais.

La règle du jeu est simple : se comporter exactement comme si on était sur place, en veillant à la couverture de ses horaires et à sa disponibilité téléphonique. Et tout doit rester simple et sain, logique et honnête.

Nul besoin de courir répondre au téléphone pendant sa pause déjeuner : le fait-on lorsque l’on déjeune à la cantine avec ses collègues ? Se met-on à courir jusqu’à son bureau car on a cru entendre son téléphone sonner ? Non.

Mais nul besoin non plus de prendre 2h00 pour déjeuner, alors que l’on est plutôt sur une pause de 40 minutes lorsque l’on est sur le site.

Bref, par ces deux exemples tout est résumé. L’attitude ne doit pas changer, on est heureux d’être chez soi, un point c’est tout.

Ce contentement est fortement corrélé à la durée du temps de transport et aux conditions de son trajet.

J’imagine volontiers un télétravailleur parisien qui économise 1h30 de trajet le matin et la même chose le soir, qui donc dans une journée par semaine à domicile va épargner 3h00 de fatigue et de stress à son cœur.

Bref un moment de tranquillité dans la semaine du « Métro- Boulot – Dodo » où tout va trop vite.

Une sécurité aussi, sécurité physique, en notre époque folle ou un regard de travers suffit à se prendre un coup de couteau, ou les jeunes racailles qui gravitent dans les transports sont prêts à vous molester car vous avez eu l’outrecuidance de sortir le nouvel I-PHONE à double écran HD et qui fait tout sauf le café.

Mais aussi une sécurité sanitaire, en ces temps de guerre du COVID, ennemi invisible prêt à sauter de proie en proie, champion du monde du saut de gouttelettes, ou embusqué sournoisement sur la poignée d’une porte de métro.

La crise sanitaire a donné une nouvelle dimension au télétravail, une ampleur nouvelle, un développement express.

Il est devenu vital, pour ceux dont les métiers le rendaient applicable, se présentant comme un abri sous-terrain offert à l’approche d’un bombardement de gouttelettes mortelles.

Le télétravail a-t-il sauvé des vies ? peut-être, sûrement même.

En tous cas il a permis aux entreprises de garder leurs activités supports en ordre de marche, a contrario des activités métiers – beaucoup moins éligibles au télétravail - qui ont souffert énormément.

Car comment réaliser une prestation de service par télétravail ?

Le télétravail n’est donc pas ouvert aux métiers hors tertiaire.

Il est destiné avant tout aux services supports que sont la finance, l’informatique, les RH, le juridique etc…

Ces hommes et ces femmes, qui analysent la donnée, qui commentent l’activité, qui protègent leur entreprise par leur travail d’expertise sont les premiers télétravailleurs éligibles.

La seule condition à leur efficacité : bénéficier d’outils informatiques puissants, de moyens de communication adaptés et d’une connexion internet propre.

Le déploiement de la fibre optique en France permet et permettra demain - lorsqu’elle sera devenue la norme standard - de fluidifier et d’optimiser les connexions et les communications.

De même les Webcams et autres casque audio prennent une ampleur réelle et tiennent une place prédominante dans les échanges, facilités par les logiciels de visioconférence et la messagerie instantanée.

Le télétravail va finalement ouvrir une nouvelle ère. Projetons-nous dans le futur proche…

Le monde a changé, radicalement :

Fini les locaux administratifs aux loyers exorbitants et aux aménagements coûteux.

Fini la menace régulière des grèves de transport de tous ces gens syndiqués dès la signature de leur contrat de travail, et qui prennent en otage le quidam travailleur pressé qui doit récupérer ses enfants sans espoir de réussite pour cause de métro fermé

Fini la menace terroriste dans les transports, ou dans un restaurant bondé de travailleurs pressés de finir leur croque-monsieur salade verte + café à 27€.

Fini la diffusion du COVID, 26ème souche, propre à muter génétiquement à la vitesse d’une antilope poursuivie par un guépard.

Le télétravailleur de demain est préservé. Protégé.

Son employeur le cache dans une bulle de sécurité, les logements ont été repensés et la norme est d’avoir un bureau ou un espace dédié pour son travail dans son habitat.

Le télétravailleur ne fait que du dématérialisé, fini le papier et les impressions inutiles, vive la forêt et la ré-oxygénation de notre belle planète.

Les outils numériques ont atteint un tel niveau de puissance et de rapidité que redémarrer son unité centrale pour cause de plantage est aussi rare que de trouver un agriculteur heureux.

Retour à la réalité. On en est pas là.

Le télétravail a une limite, mais de taille.

L’homme a besoin de contacts pour vivre et s’épanouir. Il a besoin d’établir un lien social et de partager des idées, des regards, des sourires.

Il a besoin de prendre un café avec ses collègues, de leur raconter des potins et de partager des choses personnelles qui lui permette de descendre la pression de sa vie hors job.

Il veut vivre ce repas de service du vendredi midi, avant un week-end bien mérité.

Le test de limite a été prouvé naturellement pendant le confinement de 2 mois de mars à mai 2020.

Au bout de quelques semaines à travailler tous les jours chez soi, et une fois passé le sentiment de sécurité face aux risques du virus, on se retrouve bien seul finalement, ce qui pour le coup est très paradoxal puisque toute la famille est confinée.

Certaines césures ne sont plus respectées, comme de rentrer le soir impatient de retrouver les siens, ou bien de finir sa semaine de travail sans rencontrer la joie naturelle de se sentir en week-end.

Finalement les petits plaisirs et les surprises sont effacés, la semaine devient une suite de journées ou seule la connexion au PC différencie les journées de travail et les journées de repos.

Les rapports se tendent avec les proches, on se doit de vivre ensemble tous les jours toute la journée. Plus le logement est petit en regard du nombres d’occupants et plus les risques d’explosion sont forts, comme une menace qui plane au-dessus de nous.

Bien sûr le cas COVID est particulier et le bémol est de rigueur dans cette analyse de cas.

Le confinement était total, y compris le week-end, n’offrant aucune coupure salvatrice, qui aurait permis au jeune adulte étudiant de vider des chopines avec ses amis tout en refaisant le monde, à la jeune adolescente de faire une soirée piscine chez les copines, et aux parents de faire les courses et le ménage !

Au moins, cependant, on évitait le traditionnel gigot – pommes de terre – haricots verts trop cuit de belle-maman adoré.

Cependant, dans le cas d’un télétravail quotidien sans retour au bureau les effets évoqués sont quand même bien présents, le rythme est absent, le rebond du week-end n’existe plus.

En fin de compte, trop de télétravail tue le télétravailleur.

C’est finalement rassurant de constater que nous sommes faits de chair, de sang, d’os.

C’est réjouissant de sentir que nous avons besoin de discuter, de crier, de pleurer, de parler, et que même le meilleur système de visioconférence du monde ne remplacera jamais une présence, un regard, un sourire.

On finit par se dire, en poussant un soupir de nostalgie, qu’on serait bien dans ce restaurant bondé à finir son croque-monsieur salade verte + café à 27€.

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