Chapitre 5 – La Sentence

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Le monde n’était que douleur et soumission.

Grey ne savait pas depuis combien de temps il était allongé là, sur la pierre glacée de la Tour, son corps brisé et sa conscience vacillante. Son souffle était saccadé, chaque inspiration une agonie, son esprit hanté par la lumière aveuglante qui continuait de consumer les survivants autour de lui.

Il était toujours là, cet être d’une stature impossible, dominant la scène de son halo oppressant.

L’Émissaire ne parlait plus. Il exécutait.

L’un après l’autre, les captifs s’effondraient sous sa volonté implacable. Certains étaient consumés par des flammes divines, leur peau brûlant sans qu’ils puissent émettre un son. D’autres étaient brisés par une force invisible, leurs os s’écrasant dans un silence absolu. Certains, dans un spectacle encore plus cauchemardesque, se transformaient : leur chair se fondait, devenant translucide, leurs silhouettes se dissolvaient comme de la cendre dans le vent.

Grey voyait tout cela.

Mais il ne pouvait toujours pas bouger.

Son corps était trop faible, trop brisé. Ses membres ne répondaient plus, sa respiration était erratique.

Mais quelque chose bouillonnait en lui.

Pas de la peur.

Pas du désespoir.

De la rage.

Ses doigts tremblèrent légèrement sur la pierre. Juste un spasme involontaire, mais c’était un mouvement.

Il serra les dents. Un autre.

Un esclave tenta de fuir, sprintant vers la sortie dans un ultime élan de panique.

L’Émissaire ne tourna même pas la tête.

Il leva simplement une main.

Le fuyard s’arrêta net. Son corps lévita un instant, convulsant sous une force invisible. Puis, il implosa, éclaboussant les survivants proches de sang et de chair.

Grey sentit sa gorge se nouer.

Il devait bouger.

Il devait sortir d’ici.

Un spasme lui parcourut le bras, ses muscles endoloris hurlant de protestation. Son regard se posa sur une trappe en retrait, à quelques mètres de là. Un souvenir refit surface.

Lors de son travail forcé sur la Tour, un surveillant hurlait des ordres : « Peu importe la situation, aucun d’entre vous ne doit s’approcher de l’étage inférieur ! »

Il n’y avait jamais prêté attention. Mais maintenant…

Son instinct hurlait que c’était sa seule chance.

Il força son corps à répondre. Un bras, puis un autre.

Un genou au sol.

Puis, il se redressa lentement.

Personne ne fit attention à lui.

L’Émissaire continuait de punir les autres, comme si Grey n’était pas digne d’intérêt.

L’humiliation l’étrangla presque. Il n’existait même pas à leurs yeux.

Mais il n’eut pas le temps de s’attarder sur cette pensée.

Il avança.

Un pas. Puis un autre.

La trappe était là. Proche.

Il l’atteignit, ses doigts tremblants agrippant le rebord métallique. Il l’ouvrit lentement, l’ombre d’un escalier en colimaçon s’étendant sous lui.

Sans hésiter, il s’y engouffra.

***

L’air ici était différent.

Il était froid, épais, comme chargé d’une présence invisible.

Grey descendit lentement les marches, ses jambes vacillantes peinant à supporter son propre poids. Chaque pas était un supplice, mais l’adrénaline l’empêchait de s’arrêter.

Puis il arriva en bas.

Et il vit le cœur de la Tour.

Son souffle se coupa.

C’était une pierre titanesque, noire comme la nuit, aussi grande qu’un bâtiment. Son apparence était… anormale. Elle ne reflétait pas la lumière. Au contraire, elle semblait l’absorber, formant autour d’elle une obscurité encore plus profonde que l’ombre naturelle.

Et elle vibrait.

Pas un son. Pas un battement.

Une vibration directe dans son âme.

Des veines dorées couraient le long de sa surface, connectées aux piliers, aux murs, aux fondations… Toute la Tour dépendait d’elle.

Grey le sut immédiatement.

C’était là.

C’était ce qu’il devait détruire.

Ses poings se serrèrent.

Il n’avait aucune raison logique de le faire. Il ne savait rien de cette pierre, de son rôle exact, des conséquences de sa destruction.

Mais il s’en fichait.

Il ne réfléchit pas.

Il balaya la pièce du regard et trouva une chaîne massive, accrochée à un pilier. Une chaîne métallique, lourde, solide, utilisée pour soutenir l’édifice.

Ses yeux brûlaient.

De tout ce qu’il avait subi.

De tout ce qu’il avait perdu.

De tout ce que ce monde cruel lui avait volé.

Il attrapa la chaîne et la tira de toutes ses forces.

Ses bras hurlèrent sous l’effort. Ses jambes tremblèrent.

Mais il ne céda pas.

Dans un cri de rage pure, il projeta la chaîne en avant.

Elle sécrasa violemment contre la pierre noire dans un fracas assourdissant.

Un instant, rien ne se passa.

Puis, un grondement sourd résonna dans l’air.

Un bruit lourd, profond, comme si la Tour elle-même venait de respirer pour la première fois.

Grey recula d’un pas, haletant. Il pouvait sentir l’onde de choc vibrer sous sa peau, résonner dans ses os.

Puis, une fine fissure apparut sur la surface lisse de la pierre.

Petite. Fragile.

Mais elle était là.

Le silence oppressant qui régnait dans la pièce se brisa brutalement.

Un hurlement inhumain, impossible à situer dans l’espace, résonna dans les fondations de la Tour. Ce n’était pas un cri de douleur. C’était un cri d’alarme.

Grey sentit une force invisible s’abattre sur lui, le plaquant violemment au sol. Il suffoqua, son corps écrasé sous un poids qu’il ne comprenait pas.

Les veines dorées qui parcouraient la pierre s’illuminèrent soudainement, comme si la structure entière tentait de se défendre.

Un tremblement secoua la Tour, des poussières et des gravats chutant des hauteurs invisibles.

Grey lutta pour reprendre son souffle.

Mais au lieu d’avoir peur, au lieu de regretter…

Il sourit.

Un sourire tordu, empreint d’une satisfaction pure.

Il avait frappé.

Et la Tour avait ressenti le coup.

Peu importait ce qui allait suivre. Peu importait le prix à payer.

Il avait laissé une marque.

Et maintenant, il allait voir ce que le Destin comptait faire pour l’arrêter.

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