La vache et le prisonnier
Dans le champ, la vache mâchouillait avec application la masse gélatineuse sous un ciel de plomb.
Quand j'écris " la vache ", soyons clair. Parce qu'elle, mon héroïne, pourrait se vexer. Depuis qu'elle a fait les gros titres au dernier salon de l'agriculture, elle a les sabots qui enflent. Car nous parlons de Marguerite, issue d'une lignée de race ferrandaise d'Auvergne. Malheureusement, en plus de se croire une star, c'est aussi la plus frivole de mon cheptel.
Toujours à vagabonder, à dépasser les lisières. À combien de reprise, l'ai-je récupérée hors des limites des prés et des massifs boisés. Je la découvrais parfois à beugler au milieu d'un marais...
Et cette fois encore, Marguerite choisit les sentiers de l'école buissonnière et se retrouva isolée en pleine nature et très éloignée de son maître. Enfin pas tout-à-fait. Car elle observait, avec circonspection, un étrange spectacle.
*
Tout en ruminant, elle regardait impassible cette sorte de machine qui se consumait devant elle, là-bas tout au bout d'une immense trouée en forme de long sillage brûlant. Sur les bords de la tranchée, une étrange matière vert fluroescente recouvrait les herbes hautes en réagissant de manière active. Aussi, pas très farouche, ma ferrandaise mâchonnait avec délectation son herbe de prédilection imbibée de cette curieuse substance.
Et cela semblait lui convenir.
Assez brutalement, le ciel s'obscurcit et une pluie de météorites commença à déferler sur toute la région. Il ne pouvait s'agir du réveil intempestif des volcans, éteints pour la plupart depuis des milliers d'années. Alors cela venait à n'en pas douter de l'espace.
Une trappe métallique jallit au sommet de l'engin en forme de boule, précédée par le ploc très caractéristique de quatre boulons de déverrouillage qui sautaient. Cette sorte de porte retomba quelques secondes plus tard à une vingtaine de mètres, dans un bruit mat et compact, comme absorbé par les herbes hautes de la prairie.
Une entité tenta alors de s'extraire de ce curieux habitacle.
À cette distance, notre bovine assimila cette présence à celle d'un voisin paysan. Cela ne l'effraya en aucune façon. Non, ce qui l'intrigua davantage fut que cette chose à la forme humaine communiqua avec elle, car elle comprenait tout ce qu'elle disait par la pensée. Oui, l'étranger lui parlait " mentalement ".
Et quoi de plus troublant pour notre auvergnate, les sabots bien ancrés dans la terre grasse ?
- Je m'appelle Egon et je viens d'Europa où j'étais en détention. Qui es-tu noble rouquine ?
Ce titre émoustilla notre ruminante qui secoua son épaisse chevelure dans un étrange ralenti.
- Salut à toi étranger, moi c'est Marguerite et ici, c'est Alfred qui me garde prisonnière. Mais ça va pas durer... Viens-tu pour me délivrer ?
=O=
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