Nils - premiers cours

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- …Et j’ai refusé le grade, mais il n’a rien voulu entendre… Comment puis-je être ton supérieur hiérarchique alors que je dois tout apprendre de toi ? À qui vais-je pouvoir donner des ordres ? Vous m’avez tous changé les couches !!

- Tu exagères, Nils ! Oui, on te connaît tous depuis que tu es bébé. Mais tu as toujours été notre prince, et on se battra tous pour toi, parce qu’on t’apprécie. Ton père a considéré que tu devais être capitaine, tu seras capitaine ! On t’y aidera. Et si l’un des gars rechigne, je saurai lui rappeler qui est le patron ici… s’exclama Bernil en ajoutant, un peu trop tard : « … et c’est toi, bien sûr ! ».

- Quand tu as dit « le patron », c’est à toi-même que tu pensais, Bernil ! Bien évidemment, c’est toi qui commandes ici ! Moi, je suis le freluquet… Je n’ai aucune légitimité… Je ne sais rien faire ! Je vous ai juste regardés depuis que je suis petit, mais je n’ai jamais tenu d’autre épée que celle que tu m’as offerte pour mes sept ans.

- Eh ! Tu t’en rappelles ? Tu as beaucoup joué avec cette petite épée de bois…, fit Bernil, attendri. Ecoute, tout s’apprend ! Ne t’en fais pas ! Tu vas t’entraîner avec Thorn… Il débute aussi, et il est aussi grand que toi.

- Et s’il me met une raclée, je serai la risée de tous, au lieu d’être le Capitaine Courage que mon père imagine. Mais quelle idée idiote il a eue ! Et c’est Ingo qui lui a soufflé...

- Franchement, dans toute cette histoire, c’est ce qui m’inquiète le plus. Quel intérêt avait-il, celui-là, à soutenir ta requête ? Cela ne me dit rien qui vaille…

- Moi aussi, j’ai trouvé ça étrange… Pourquoi le Nabot prenait-il soudain ma défense ? Je n’ai pas compris… et je crois que je n’aimerais pas le savoir.

- Nils, cesse de l’appeler « le Nabot ». Il est très influent, et même si je n’aime pas ce type, il siffle trop souvent aux oreilles de ton père pour qu’on puisse se permettre de le dénigrer. Tiens-toi tranquille, et fais ce que tu dois faire. Tiens, va voir Eric. Il va te donner une épée, une vraie !, pour que tu puisses commencer à t’entraîner. Ecoute bien ce qu’il va te dire… Nils, c’est important ! Suis ses instructions à la lettre, et tu deviendras un bon capitaine.

- Oui, Bernil ! Je l’écouterai attentivement. Ne t’inquiète pas…Il n’empêche que j’aurais dû apprendre à manier les armes avant !

- Tu sais bien que ton père l’avait interdit ! File, maintenant…

Nils fit un clin d’œil à son vieil ami et fila jusqu’à la cour intérieure du corps de garde où avaient lieu les entraînements.

En chemin, il réfléchit à la discussion qu’il venait d’avoir avec Bernil… Ingo l’inquiétait beaucoup. Il savait que le petit moine était depuis toujours le conseiller de son père.

Quand Magnus a pris le pouvoir pour lutter contre la corruption des Duchés, le Nabot était présent et l’a apparemment aidé à vaincre les familles au pouvoir, toutes perverties par l’appât du gain. Il fallut faire des choix pour remettre le pays sur pied. Ingo lui offrit ses services et, apparemment, des armes déterminantes dans la lutte : un régime sain et prospère fut instauré. Il fallait lui en être reconnaissant : il pouvait se montrer utile parfois. Mais cette présence permanente et sournoise insupportait Nils.

Il était arrivé à la cour intérieure du corps de garde, un bâtiment de briques aux hautes fenêtres serties de bronze. Là, sur le sol de terre battue, foulée par des milliers de bottes, se tenait, les bras croisés sur la poitrine, Eric, un petit homme qui paraissait tout maigre, mais qui en réalité était tout en muscles. Il observait avec attention un garçon qui s’apprêtait à tirer à l’arc.

- Tends la corde, Thorn ! Plus fort… Tes doigts doivent venir au niveau de ta joue. Vise le centre. Lâche…

Thorn poussa un cri : la corde avait frotté sur son avant-bras, laissant une marque rouge. La flèche disparut derrière la cible.

Nils connaissait un peu Thorn. Il était le fils d’une lingère du palais, il devait avoir dix-neuf hivers, mais paraissait un peu moins, car il avait un visage poupin sous sa tignasse blonde. Thorn avait décidé de devenir soldat et cela faisait bientôt six mois qu’il avait commencé à apprendre le métier. Mais il n’était pas très doué et Eric s’arrachait souvent les cheveux avec lui.

- Je te l’ai dit et je te le répète, tu dois tendre ton coude loin derrière et viser avec ton œil directeur.

Nils intervint :

- Eric, bonjour ! J’ai été nommé… membre de la garde, et Bernil m’envoie pour que tu m’apprennes à manier les armes. Salut, Thorn, ça va ?

Thorn se mit à rougir et à bafouiller :

- Votre Maj… Prince… Euh.

- Nils. Appelle-moi Nils. On va être collègues, alors ne te mets pas martel en tête.

Eric lui mit l’arc dans les mains :

- Nils, à ton tour.

Le jeune homme écouta les consignes : tendre la corde, les doigts au niveau de la joue, le coude bien en arrière, viser avec l’œil conducteur, lâcher la corde… Et il poussa à son tour un hurlement quand la corde de l’arc vint frotter sur son avant-bras, y laissant une belle marque rouge.

- Mais ça fait un mal de chien, ce truc !

Eric répliqua froidement :

- C’est le métier qui rentre ! Recommence !

Nils vit au regard sévère du maître d’armes qu’il n’aurait le droit à aucun traitement de faveur. Il reprit l’arc entre ses mains et veilla à bien écouter ce qu’on lui expliquait. Cette fois, la flèche s’élança et se ficha dans un bruit mat à une quinzaine de centimètres du centre rouge de la cible. C’était un début…

Au bout d’une demi-heure, Nils avait le bras tour endolori et n’avait pas réussi à faire mieux que son deuxième coup. La flèche avait bien souvent dépassé la cible pour se perdre loin derrière, ou bien elle s’était plantée à trois mètres de ses pieds. La séance de tir n’avait pas été très convaincante… Il se sentait un peu désespéré ! Il commençait à s’éloigner quand Eric tonna :

- Eh ! Où crois-tu aller ? L’épée maintenant ! Tu n’as pas fini, mon garçon…

Eric obligea Thorn et Nils à s’affronter pendant une bonne heure. Les deux garçons, à bout de souffle, peinaient à soulever leur épée à la fin malgré les remontrances du maître d’armes. Il finit par les laisser partir, en les convoquant le lendemain à la même heure.

Nils remonta jusqu’à sa chambre en traînant des pieds et s’affala sur son lit, les bras en croix. Très vite, son regard flotta dans la chambre, puis il perdit le fil de ses pensées et sombra dans un sommeil profond.

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