5. Un œil doré
Le Keiwat filait à toute allure, il ne pouvait pas s'arrêter...non...il devait pas s'arrêter. S'arrêter c'était trépasser. Ralentir c'était mourir, car le monstre qui le poursuivait était affamé, et rien ne peut arrêter un monstre affamé...surtout quand celui-ci était une bête effrayante, dangereuse. Elle était unique. Ce monstre était encore plus dangereux que le "Lézard maudit des plaines". Il fendait l'air, furtif et silencieux...comme sa partenaire favorite.
Le Keiwat était à bout de souffle mais ses huit pattes d'araignée refusaient de s'arrêter et elles avaient bien raison, contrairement à ce dicton que les Humains utilisaient souvent, parfois il valait mieux agir et fuir, que réfléchir et périr. La réflexion n'avait pas sa place dans cette situation, rien ne pouvait arrêter ce monstre, et sûrement pas ce que les humains appelaient "intelligence".
Le Keiwat courait, courait, il peinait à respirer alors que le monstre lui...accélérait à chaque seconde, se rapprochant de plus en plus, il n'était pas épuisé, loin de là, il galopait fendant l'air, les rochers ,les arbres. Il filait, tranchant absolument tout sur son passage.
Le Keiwat s'écroula, ses huit pattes tranchées, en un éclair, sans bruit.
La bête écrasa sa patte sur le corps du pauvre Keiwat, son regard acéré, gris comme l'argent ses crocs luisaient à la lueur de la lune tandis qu'un rictus se dessina sur son visage. Le pauvre Keiwat pouvait même voir la Faucheuse lui souriant, prête à abaisser son arme sur la pauvre créature.
- Je t'ai attrapé.
- Tu me le paieras...Metalicana, répondit le Keiwat suffoquant.
Son sourire se creusa un peu plus. Ses griffes sortirent. La Faucheuse éleva sa lame.
- Reviens vite dans ce cas là, tes yeux sont vraiment délicieux...en attendant bonne digestion !
Ses crocs s'enfoncèrent dans la gorge du Keiwat. La Faucheuse abaissa sa lame sur la pauvre créature dans une pluie de sang. Le ruisseau se colora de rouge sous la mélodie de la chair qui se déchirait.
- Passes le bonjour à Greed de ma part...cet avare ne m'aura jamais...
Levira tira le fou, suivit de la dague, puis enfin l'horloge, les cartes étaient formelles mais Levy l'était moins, la seule chose qu'elle comprenait c'était le fou et la dague qui signifiait sa double vie en tant que Chapardeuse mais l'horloge restait un mystère. Lord Landeila considérait l'enveloppe noir, fixant le symbole rouge dessiner dessus. Il ne l'avait jamais vu et à sa connaissance aucune famille ni aucune institutions n'arborait ces armoiries.
Zenith dormait dans un coin et Kem sous la forme d'une musaraigne s'était faufilé entre les meubles.
- Je suis navré Levira mais j'ignore à qui appartient ces armoiries, finit par déclarer le duc.
- Cela ne pourrait-il pas être un blason d'université ? demanda la jeune fille.
- Non et d'ailleurs je doute que cela puisse être un blason ou même le symbole d'une famille.
- Pourquoi ?
- Regarde les symboles, ce sont des symboles de Xystes, une secte disparut il y a trois mille ans lors de la Vague Noire, expliqua Lord Landeila, ce sont des symboles ésotériques et non des symboles de blason, qui plus est cette secte était haïe, avec sa réputation personne ne voudrait d'un tel blason.
Levira acquiesça, maintenant qu'il le faisait remarquer Xystes était considéré comme hérétique. Un noble de bonne famille ou même une université n'aurait jamais prit un symbole profanant leur religion.
Le commanditaire de cette lettre était vraiment étrange, un symbole hérétique écarlate sur une enveloppe noire, une note de rendez-vous sans même une justification, sans un nom ou une signature. Levy n'était pas tranquille, sa nature curieuse prit le dessus et elle décida de chercher la signification de ce symbole.
Kem sortit de sa cachette en courant, le Mirage avait sentit quelque chose, Zenith, lui se réveilla d'un seul coup.
Le duc posa la lettre sur la table et tendit l'oreille. Levira fit de même. Un bruit de vent vint titiller ses tympans. Une odeur...Une odeur se fit sentir. Une odeur que Levira avait déjà rencontré par le passé...mais quand ?
Soudainement un cri déchirant se fit entendre, un cri de colère...de douleur. Levy se leva et descendit en courant suivie de près par son parrain.
Un spectacle ahurissant se produisit sous ses yeux, des corps ensanglantés gisaient devant elle, le ciel était noir, hommes, femmes, enfants, tous étaient morts...pas un souffle de vie. Kem frissonna et serra son petit corps de musaraigne contre la poitrine de sa maîtresse qui replia aussitôt ses bras sur lui, ce paysage ne finissait pas, partout où elle regardait elle ne voyait que des mort.
La jeune fille horrifiée sentit un regard la fixer, lentement elle leva la tête derrière elle.
Un œil. Un œil doré. Acéré. Le ciel noir avait un œil. L'œil continuait de la fixer, Levira, elle, ne pouvait pas bouger, ses yeux écarlates écarquillés. Le ciel noir se mit à bouger l'œil bougea lui aussi. Des ailes noires...un corbeau géant. Le corbeau poussa un croassement strident mais Levira ne cilla même pas, elle était pétrifiée de terreur.
Kem se redressa et voulut demander ce qu'il se passait mais il s'interrompit aussitôt...sa maîtresse lui parut alors terrifiante...des lumières brillaient dans ses yeux, un regard horrifié mêlé d'admiration. Un énorme corbeau recouvrait le ciel, des cadavres s'étendait à perte de vue flottant dans les mares de leur propre sang et elle admirait ce tableau, ce tableau désolant.
Une main s'agrippa à son épaule, une petite main...Instinctivement Levy sortit sa dague de sa manche et la planta dans la main. Elle s'éloigna et tout d'un coup sa vision se troubla. Levy secoua la tête jusqu'à avoir une image nette et précise, celle de Lord Landeila qui se tenait la main dans un faible gémissement de douleur, sa main était ensanglantée.
- Qu'est ce qu'il t'a pris Levira ?! demanda-t-il.
Levira ne pouvait plus émettre le moindre son, elle était là, figée, sur la défensive, sa lame prête à fendre l'air. Lord Landeila se rendit alors compte que Kem n'était pas dans son meilleur état non plus : ses aiguilles de hérisson étaient tendues sur son dos. La jeune fille n'arrivait pas à mettre de l'ordre dans sa tête, aucune réflexion ne pouvait émerger. Il y avait à peine deux secondes des monceaux de cadavre se trouvaient devant elle...Mais là le ciel était bleu les rues pullulaient de passants...bien vivants.
Lord Landeila servit un autre thé à Levira, soulagé que sa filleule soit sortie de son espèce de transe - après cinq tasses de thé - la jeune fille lui avait narré ce qu'elle avait vu ce qui plongea le duc dans une grande reflexion.
- Si je résume, lorsque tu es sortie, le ciel était noir et des centaines de cadavres, qui ont vraisemblablement été assassinés se trouvaient devant toi.
- Oui, acquiesça Levira.
- Et tu dis avoir vu un...un œil dans le ciel ?
- En fait le ciel noir n'était pas le ciel, expliqua Levy, piquant ainsi la curiosité de son parrain, c'était en fait un immense corbeau qui recouvrait le ciel.
Lord Landeila chercha au plus profond de sa mémoire mais rien ne lui vint à l'esprit.
La chant du rosignol de l'horloge indiquait 18h, il fallait que Levira rentre : il ne serait pas convenable qu'une lady ne soit pas là pour accueillir ses invités à une soirée. Elle rentra et enfila rapidement une robe de soirée bleue et feigna de ne pas arriver à la mettre afin d'éloigner tout soupçons - même si c'est un cliché, enfiler une robe bouffantes à dieu sait combien de jupons et des lacets dans le dos rapidement, il de quoi se poser des questions - la fête battait son plein comme chaque soir, la seule différence persistait chez Levira. Trop de questions et aucune réponses, elle détestait ça.
L'homme attendait, il attendait depuis une heure. À ses pieds, son Mirage rongeait un os de gigot, son maître l'avait acheté sur le marché alors qu'il faisait route vers la rue Lavande. Il regarda sa montre une fois de plus, comme il le faisait toute les deux minutes depuis le début de la journée, cette nuit il faisait noir, les Anges n'étaient pas passés, toutes les conditions étaient réunies, tout aurait pu être parfait. Mais la célèbre Chapardeuse n'était pas venue, il était 01h04 et elle n'était toujours pas là.
Cette sale petite peste insolente n'était pas venue au rendez-vous.
L'homme et son Mirage étaient seuls, ils sont partis sans personne pour que cela ne paraisse pas louche.
Le Mirage cracha son os, il grogna puis se leva d'un bond puis il se tourna vers l'homme :
- Tu comptes nous faire attendre encore longtemps ! vociféra la créature.
- De quoi te plains tu ? demanda l'homme.
- Il se passe que cela fait une heure qu'on est là à attendre une gamine, rétorqua le Mirage, et puis pourquoi elle ? On aurait mieux fait de demander à un autre !
- Et à qui, tu ne te souviens pas de celui de la semaine dernière ?
- Ce n'était qu'un bon à rien, incapable de résister face à une créature d'Ymir, si seulement tu avais pu choisir quelqu'un de plus compétent, on n'en serait pas là, et l'Echo ne se serait pas manifesté...et le Consistorium n'aurait rien sut.
- Il ne sait rien.
- Avant oui, mais maintenant qu'un cri inhumain a retenti dans toute la cité, tu ne crois pas qu'ils vont chercher à savoir d'où ça pouvait provenir et pour quelle raison, lança le fauve sur un ton ironique, et tout ça juste quand Lord Baskerville prend la succession de son père en tant que membre du Consistorium, puis-je te rappeler que les Baskerville sont malins il n'y a qu'à voir le père et la manière dont il a fait de sa femme une noble.
- Le fils n'est pas le père, puis-je te faire remarquer, tu n'as pas à t'inquiéter pour lui. Qui plus est il ne deviendra un membre du Consistorium qu'aux premières lueurs de la fête de Ptah.
- Et pour l'Echo, tu compte faire quoi M. "Le Génie" ?
- On ne peut rien faire, mais c'est justement pour éviter qu'il ne revienne que je dois confier cette mission à Nightway !
- Je paris cinq milles Yuls qu'elle finira en morceaux avant la fin de la fête de Ptah, dit le Mirage.
Plus que dix jours avant la fête de Ptah, ses mots résonnaient dans la tête de Levira, pile l'année de ses dix-sept ans, l'âge ou l'on pouvait faire tout ce que l'on souhaitait - si les parents étaient consentants, certains considéraient le véritable âge de maturité comme étant celui de 20 ans ( 22 ans pour les filles ) - cette année elle pourrait profiter du festival comme il y plairait, en oubliant son statut et ses devoirs.
Le QG était toujours aussi bruyant, cela rassurait Levy : cela lui indiquait qu'elle était bien dans son monde et que cette hallucination ainsi que la lettre de la veille n'indiquait pas le début d'un cauchemar sans fin. Cette fois-ci elle ne fit aucune mission mais elle bavardait tout simplement.
- Dis, t'as entendu le hurlement hier ?
Levy sursauta, Noël s'était une fois de plus glisser derrière elle sans prévenir.
- Oh que oui je l'ai entendu, répondit Levy, ça aurait même été dur de le louper celui-là.
- T'as raison, à ton avis c'était quelle créature qui a hurler comme ça ?
- Je pencherai bien vers le Mytgalios mais j'ai rarement entendu un tel cri.
- Pour qu'il ait poussé un tel hurlement il devait vraiment être en colère ou bien complètement désespéré. Quoique il avait peut-être tout simplement une honte inimaginable.
- Comment ça ?
- Il a peut-être été tué par notre bon à rien de Charlie !
Les deux filles se mirent à rire. Noël était comme un rayon de soleil au QG, ses cheveux étaient courts et châtains, lui arrivant un peu au-dessus de ses épaules si frêles. Les deux fines tresses réalisées avec quelques mèches renvoyaient parfaitement son caractère enjoué et enfantin. Ses yeux d'émeraudes avaient quelque chose de profond et pétillaient de joie chaque jour et malgré on âge sa petite taille et sa carrure très faible lui donnaient une apparence de gamine - comment deviner que cette fille mesurant une tête de moins que Levy, ne possédant que très peu de forme, se comportant comme une enfant, à qui on donnerait facilement 15 ans, fasse en réalité cinq ans de plus -, le caractère de la jeune fille était adorable, gentille mais émotive - que ce soit au niveau de la tristesse ou de la colère - elle ne trahissait jamais ses émotions.
Il y avait des tas de choses qui l'effrayaient mais la seule chose qui avait put la terrorisé ce n'était pas un monstre d'Ymir mais un homme, dont l'un des kunai se planta juste à coté de Nono ( Noël ). Le silence s'imposa dans le hall, et tout les regards se tournèrent vers la charpente.
- RYO RAVEN !
Le maître n'était pas du tout de bonne humeur, son visage pourtant calme et plaisantin était déformé par la colère qui le vieillissait d'au moins dix ans.
Il aurait put détruire le propriétaire de cette arme. Assis sur la poutre centrale de la charpente, adossé contre le bois, le jeune homme faisait tournoyer son kunai sur son doigt grâce à l'anneau de son arme, tordu ce qui permettait à son propriétaire de s'en servir comme d'une griffe en mettant l'anneau comme une bague. Son visage était serein mais un sourire cruel ornait son visage.
Le jeune homme dédaigna se tourner pour regarder le maître dans le blanc de l'œil. Ceux du maître étaient bruns profond mais ceux de Ryo étaient bleus, seulement comme si l'aura qu'il dégageait avait une influence sur eux, ceux-ci paraissaient plus gris que bleus.
Malheureusement pour Nono le garçon ne lui adressait que des regards haineux et il n'était pas rares qu'elle fut mêlée à des accidents par sa faute...accidents qui ont bien failli lui coûté la vie. En deux mois depuis leur "rencontre" leurs relations n'avaient pas évolué.
- ...
- Tu n'arrêtera donc jamais, déclara le vieux Maddog.
- ...
- J'aimerais bien et je te le répète pour la millième fois...ARRÊTES D'ESSAYER DE TUER LES MEMBRES DU QG !
- Ça a atterri à côté que je sache, non ? répondit Ryo calmement.
- Eh bien je trouve que cela fait beaucoup, donc si tu veux jouer au fléchettes, tu vas me faire le plaisir de prendre autre chose que Noël comme cible, dois-je te rappeler que tu n'es pas passer loin de la Geôle il y a deux mois, et si tu ne veux pas y aller je te conseille de te tenir à carreau, menaça le maître des lieux. Le Consistorium m'a ordonné de te prendre au QG Est mais si tu continues d'avoir un tel comportement tu vas devoir quitter mon domaine ! Et après ton incrimination dans celle de Thanos je me demande comment tu vas t'en sortir !
- Comme toujours, je vais me débrouiller ! répondit le jeune homme d'un ton moqueur.
Ryo se moquait bien de se faire bannir du QG Est, il aurait d'ailleurs préféré ne jamais y venir.
Le maître soupira profondément puis se retourna quittant le QG, sans se retourner il adressa une dernière parole à Ryo :
- Une personne assez idiote pour suivre Dekeith ne peut pas se débrouiller seul.
Le jeune homme se crispa, s'écorchant la main sur la lame de son kunai. Il détestait le maître, il ne faisait que suivre son instinct rien de plus, il faisait se qu'il jugeait être profitable et amusant. Il fallait se rendre à l'évidence : Jimmy Maddog n'allait pas encore lui pardonner ses actes, surtout si Dekeith était impliqué dans l'histoire.
Ryo ne put se contenir et lança sa lame sur le maître qui l'évita de justesse, tous les Chapardeurs étaient horrifiés, il arrivait souvent à Ryo de s'énerver mais jamais il n'avait visé sur un membre du QG, bien que tout le monde savait que ce n'était pas la volonté qui manquait, au contraire il mourrait d'envie de planter sa lame sur un Chapardeur et surtout sur Noël.
Le maître fixa le jeune homme dans les yeux, qui cette fois ci étaient vraiment gris ce n'était pas seulement une impression, il le sentit bien...il ne devait pas trop traîner ici aujourd'hui et préférant ne pas se mesurer au maître du QG Est, il sauta de son perchoir pour atterrir sur une table sous les regards surpris de tout les Chapardeurs puis il fila par la fenêtre arrière du bâtiment, ses mèches noirs et courtes comme hérissées sur sa tête.
Si il y avait une chose pour laquelle Ryo était doué c'était bien pour disparaître aussi brusquement qu'il apparaissait.
Levy ne comprendrait jamais pourquoi Ryo avait été épargné, tout ce qu'elle savait c'était que le jeune homme était une vraie brute, que son Mirage était visible mais qu'il ne se montrait jamais et que son maître n'ouvrirait sûrement jamais son cœur à quiconque dans cette salle.
La jeune Chapardeuse commanda une bière à Elodie tandis que son amie commanda un lait parfumé au citron comme à son habitude - raison de plus pour laquelle on lui donnait l'âge d'une adolescente -, Nono proposa alors à Levy d'aller dans les Galeries pour remplir leur garde-robe, invitation que son amie dût refuser : elle devait remettre sa commande à son client ( et puis au point où elle en était elle n'avait pas vraiment besoin de remplir "ses" et non "sa" garde-robe).
Levy finit sa boisson puis accompagné de Kem le rat sur sa tête elle quitta le QG, sa cape rouge flamboyante sur les épaules.
Annotations
Versions