41. Ennemis ou amis
19e jour du 9e mois l’an XII745
Trois petits coups résonnèrent à la porte et le même arrière goût amer accueillit Levira à la sortie de son sommeil.
On avait tué une Chouette. Jurian Weissnachte avait été poignardé.
De toute évidence, cet homme s’était montré un peu trop loquace pour l’individu et son organisation. Elle ne cessait de repenser à leur conversation et complètements perdue et flouée par les événements elle n’avait même pas prit la peine de faire venir Kem pour lui demander des nouvelles de Licana.
On toqua à nouveau. Des grommèlements s'échappèrent de ses douces lèvres, redoutant une visite de courtoisie de ses hôtes. Puis elle se regarda dans le miroir et à l'allure de son reflet se souvint un peu tardivement qu'elle était encore un déshabillé de nuit. Une visite à une heure si tôt était impossible ! La jeune fille irradia de bonheur en songeant à la raison d'une visite en chemise de nuit. Oubliant un instant tout ses tracas elle se sentait prête à prendre elle-même le plateau de l'adolescente.
Elle ouvrit la porte, remerciant les Dieux…
Ah oui, la Volonté d’Ymir…songea-t-elle irritée.
Elle avait bien évidemment une faim de loup et de plus n’avait presque pas dormi de la nuit, la tête assaillie par des centaines de réflexions.
Les deux yeux gris argents qu’elle rencontra à travers l’embrasure lui firent l’effet d’une douche froide lorsqu’elle se rendit compte que ce n’était point son petit déjeuner mais son hôte au regard perçants qui venait lui rendre visite.
Lord Gilbert Greyfox lui lança un regard méprisant, dont la jeune fille ne comprit pas la signification jusqu’à ce qu’elle se rende compte de la mine déçue qu’elle tirait.
Vu mon accueil je suppose que je le mérite, songea Levira.
La jeune fille aux cheveux bleus brisa le silence.
- Excusez-moi Lord Gilbert, je m’attendais à quelqu’un d’autre.
- Il n’y a pas de mal, répondit le jeune homme aux prunelles grises. Puis celui-ci tourna légèrement la tête. Je préfère quand vous n'êtes pas vêtue pour un bal masquée...
- Ce qui veut dire ? fit la jeune femme en s'avançant, sentant la remarque cinglante pointer le bout de son nez.
- Et bien, marmonna le jeune homme en détournant les yeux. Chaque fois que je vous vois...votre visage...on dirait un masque...
- Un masque ! s'insurgea la jeune femme. Évidemment que je porte un masque, c'est bien la première chose à avoir quand on est noble ! Croyez-vous vraiment que je parviendrais à retenir mes pulsions destructrices sans lui ? Vous vous sentez bien d'ailleurs ? fit la jeune fille devant ses étranges manières. Oh mais peut-être voudriez-vous savoir à quel moment j'enlève ce masque que vous décrivez Lord Greyfox ?
- Avec le reste visiblement...
Tout à coup, une pointe glacée titilla l'échine de Levira. Elle avait froid aux pieds. Et d'un coup, un brasier ardent s'empara de ses joues : elle était pied nus. Elle avait complètement oublié la gracile silhouette sous le tissu opaque qu'elle avait aperçu dans le miroir. Horrifiée par son apparence négligée, un hoquet de stupeur venant d'un couloir l'empêcha de respirer. L'inconfort de son hôte lui apparut comme un phare et la dernière chose que le jeune homme vit fut une porte claquant à son nez. Mais il n'en tint pas compte.
Levira s'adossa à la porte, ses mains prises de fourmillements. Les domestiques allaient jouer les comères, et tout cela remonterait jusqu'au duc qui trouverait une raison supplémentaire d'infantiliser Levira. La journée commençait très bien en effet.
Lorsque la jeune fille rouvrit la porte elle avait enfilé un peignoir et mis de l'ordre dans ses cheveux. Le rouge à ses joues n'avait pas encore disparu quand le jeune duc passa devant elle.
- Veuillez m'excuser pour ma négligence, dit-elle platement en fermant la porte. Je ne m'attendais pas à une visite aussi, hésita-t-elle en regardant par la fenêtre... Tôt ?
Le soleil avait dépassé son point le plus haut.
- Dieux ! s'écria-t-elle. Quelle heure est-il ?!
- Calmez vous donc ! fit le jeune homme déboussolée.
- Me calmer ! s'insurgea la jeune femme.
- Vous ne pensez pas en faire un peu trop ? répliqua le jeune duc en la dardant de ses yeux gris.
- Bien sûr ! Je suis folle et irrespectueuse ! On me regarde comme un parasite depuis que j'ai passé vos portes et voilà que l'on me donne encore une raison de paraître ridicule ! J'en ai plus qu'a-
Gargouillis. Levira marmonna un juron.
- Oh et puis après tout, pouffa-t-elle sans joie. On ne nourrit pas les rats.
- Assez, trancha Gilbert Baskerville. Avez vous une si piètre opinion de moi pour penser que je parlerais à un rat ?
Un silence flotta et aucun d'eux n'osa prendre la parole, de peur de rompre le fil tendue entre eux...Levira se sentit idiote. Les hommes de pourpre, Alphonse Greyfox, Licana...tous ces visages flottaient dans sa tête et refusaient de partir. Licana et ses secrets, son amie transformée en être supérieure pour un mystérieux crime, les hommes de pourpre et leur folie meurtrière, Alphonse Greyfox et son regard de fer, son dédain, le dédain des Greyfox, le reflet de sa faiblesse. Sa gorge brûlait de hurler...
- Vous pouvez manger dans les jardins si vous le souhaitez, proposa finalement le jeune Greyfox. Des domestiques vous y attendront et...vous pourrez respirer un peu.
Le feu dans sa gorge sembla s'adoucir.
- Je crois que j'en ai bien besoin, répondit doucement la jeune fille.
Puis celle-ci fut titillée par les mots du jeune homme.
- Ils m'attendent ?
Gilbert Greyfox ne la regarda pas dans les yeux, seule sa voix dépourvue de sarcasme et de méfiance témoigna de sa présence.
- J'ai pensé que du repos vous ferait du bien. Après les événements d'hier...
Oh...
Levira ne dit rien.
- Navré si...nous vous avons paru insultant.
Honte de ses propres paroles. Gratitude. Incrédulité. Même après des années, Levira ne saurait jamais laquelle de ses émotions avait réchauffé son coeur à cet instant. Ses yeux rivés sur ses pieds, ses lèvres s'entreouvrirent plusieurs fois sans laisser sortir le moindre son. Lorsqu'elle releva les yeux, une plainte lourde naquit dans sa gorge.
Il avait les même yeux.
Des orbes d'argent empreintes d'un voile lourd et tendre. La même considération.
Les même que le jour de sa mort.
Elle vit à nouveau la silhouette sombre s'écrouler au sol, le sang coulant à flot de son flanc.
Ne pas y penser. Ne pas y penser.
Le souvenir de la nuit disparut, mais ses jambes étaient en coton. Elle s’éloigna de la psyché d’un pas lent et tremblant cherchant à atteindre le fauteuil quand un bras s’offrit à elle.
Gilbert Greyfox la regardait, elle et son regard las, si las qu’on aurait pu croire qu’elle allait s’effondrer. La jeune fille hésita, puis à bout de force saisit le bras du jeune homme et se laissa guider jusqu’au fauteuil.
Le jeune homme resta debout, préoccupé par son invitée qui semblait à bout…à bout de tout en fait.
- Vous êtes une Chapardeuse non, dit-il enfin plutôt surpris. Ne me dites pas que c’est la première fois que vous voyez du sang ? Je doute que vous ne soyez qu’une Cueilleuse.
Levy le regarda, cette fois-ci c’était elle qui fut étonnée.
- La plupart des nôtres auraient déjà fait courir la rumeur jusqu'à l’autre bout du pays et se donnerait un mal fou pour m’éviter, fit-elle remarquer.
Le jeune homme tira une grimace irritée.
- Vous feriez mieux de prendre garde à votre langue, siffla-t-il. Il n’est pas dit que je me laisserai insulter chez moi.
Levy abandonna. Ce type voyait décidément le mal partout…Facile d’imaginer pourquoi avec un père comme le sien.
- Je n’en avais pas l’intention, s’excusa-t-elle.
- Vous ne m’avez pas répondu.
Sidoh avait raison, je n’aurais vraiment pas dû venir dans cette maison de paranoïaque…
- Qu’est-ce qui vous fait penser que je ne suis point Cueilleuse ?
- Honnêtement je doute que vous vous balladeriez avec une dague sous votre manche si vous n'étiez pas prête à l'utiliser. Vous portez toujours des manches boussante et ouvertes même en été, comme si vous aviez quelque chose à cacher et pourtant elle ne sont jamais serrées. En même temps je ne vois pas comment dégainer efficacement avec une dague écrasée entre le tissu et la peau...
- Vous avez réellement deviné cela à partir de ces insignifiants détails ? fit Levira.
Le jeune homme détourna légérement le regard.
-...Pas vraiment. En fait j'ai surtout sentit l'odeur du métal, marmonna-t-il. Le reste n'était que des suppositions.
Levira fit les gros yeux. Puis un gloussement la secoua, surprise et amusée.
- Alors comme ça le jeune Greyfox a un odorat surdéveloppé ?
- J'ai des sens très affutés, répondit-il en maugréant comme si ses facultés représentaient une gêne. C'est pour ça que l'on m'a donné le surnom du Jeune Renard. Et vous ? Cueilleuse ou Traqueuse ?
Son amusement et la chaleur de la scène s'estompa, mais Levira en gardait un goût très doux, comme un bonbon qui fond dans la bouche. Elle se dit que ces quelques mots étaient les mots les plus normales qu'ils avaient échangés, comme deux jeunes gens banals discutant d'un détail amusant l'un sur l'autre. Pas deux nobles pris dans un complot, dans une histoire de divinité et de secte...
- Je fais un peu dans les deux, avoua-t-elle dans un sourire effacé.
- Alors ? Vous entrez sur le territoire de ces créatures, les volez et les tuez au besoin, vous ne devriez pas être horrifié par un peu sang ou un vulgaire meurtre.
- Vous parlez de meurtre comme si ce n’était qu’une formalité.
- Et si vous n’êtes pas d’accord avec moi, revoyez vos leçons de biologie élémentaire. Tuer un animal n’est pas différent de tuer un homme.
- Je le sais. L’humain est un animal tout autant qu’un chien.
La jeune fille baissa les yeux. Peu importe comment elle les regardait, les créatures d’Ymir n’était rien d’autre que des animaux. Des créatures primitives dont on ne devait pas s'embarrasser en scrupule. Mais les humains étaient pareils…Et pourtant…malgré le nombre incalculable de fois ou elle avait dû lever son arme contre un humain, contre un rival ou un voleur dans les rues, ce n’était pas pareil…C’était toujours plus dur, raison pour laquelle elle n'avait jamais tué d'humains.
Elle regarda Lord Gilbert. Ses yeux cherchants désespérément une réponse dans la voix du jeune homme aux iris froides.
- Comment pouvez-vous traiter un humain de la même manière qu’un Terkard ?
Comment…dîtes moi comment…comment accepter ce que j’ai fait…
Gil ouvrit grand les yeux. Puis il lâcha sa réponse le plus nonchalamment possible, sans aucune trace d'hésitation ou de respect.
- Lorsqu’un loup veut la place de l’alpha, il se bat avec ses griffes. Lorsque le paon veut se reproduire il se pavane avec sa queue colorée. Quant un renard se sent menacé, soit il fuit soit il attaque et se débarrassa rapidement de l’adversaire. L’homme fait exactement la même chose. Mais avec différentes armes. Le loup et le renard se battent avec leurs crocs et griffes, l’homme avec des mots. C’est tout. Les hurlements dans une meute ne sont pas différents des avertissements que l’on s’envoie par lettre. Et la fortune ainsi que le faciès ne sont que des substituts à la queue du paon. Les hommes ne sont que des animaux Lady Levira. Rien de plus rien de moins. Il est juste différent.
Levira ne répondit rien. Elle repensa à Licana. Elle ne le disait pas ainsi mais au fond, ces deux-là avait la même vision des choses. Elle savait que si elle ne la maintenait pas en laisse, la jeune fille aux yeux de braises ne manquerait pas de montrer sa nature de dragon et de dévorer quiconque ne lui donnerait pas satisfaction. Elle était dragon, et les humains et No Humano n’étaient rien d’autre que des animaux qui tout au plus pouvait faire apparaître de jolies images illusoires. Et de vulgaires chiens et paon ne faisaient pas le poids face à un dragon. Elle repensa à cette poursuite en ville, à l’arche de pierre qui s’effondrait…Metalicana n’aurait eu aucun remord quand bien même tous les habitants auraient péri dans sa course. Ils avaient raison. L’homme n’est qu’un animal. Et pourtant elle refusait de le penser.
- Des animaux qui font avec ce que la Volonté leur donne…
Gilbert Greyfox hocha la tête.
- Que savez-vous d’elle exactement ? demanda Levira.
- Seulement ce que mon père m’en a dit, répondit-il le regard noir.
- À savoir ?
Le jeune homme marcha jusqu’à la fenêtre et tapota sur le verre, qui se fluidifia et au final disparut, laissant l’air frais s’engouffrer dans la chambre. Levira le regarda. Son regard était perdu, puis elle la vit clairement, cette volonté de réponse…La même que la sienne…Elle ne vit point le visage froid, mais le sien, perdu dans un flot de questions toujours en attente de réponse…
- Une gamine arrogante qui prend plaisir déchirer ses poupées avant de danser sur la mélodie de leurs cris…
Pourquoi une telle haine ? Qu’avait donc fait la Volonté au duc pour être ainsi l’objet d’une telle haine ? Levira ne savait point. Et Gil non plus.
- Et vous ? Que savez vous ?
- Que c’est elle le vrai Dieu, répondit Levira la voix éteinte. Que sa première moitié déchire les poupées…alors que la seconde danse sur leurs cris.Et que tout ça…
Sa voix était entrecoupée. Elle luttait pour ne rien laisser paraitre. Les larmes refoulées lui brûlaient les yeux et ses paroles lui tordaient la gorge. Tel père, tel fils. Tout comme devant le duc Greyfox, la jeune duchesse ne parvenait pas à se contrôler.
Les quatre bandits de son enfance. Cette nuit qui n’était « jamais arrivée » pleine de sang et de flammes. Son esprit à moitié fou par deux fois. Ces cauchemars. Et tout cela pour quoi ?
Parce que ce n’était qu’une histoire ? Pour qu’une gosse chante et danse ? Pour qu’une gamine puisse rire ?
Tragédie de Gjavyr ? Mon œil…
- Tout ça ce n’est qu’une absurde comédie.
Une absurde comédie avec pour acteurs une ribambelle de clowns tristes…
Gilbert Greyfox ne dit rien. Il grimaça à ses termes puis mit les mains à ses oreilles.
La jeune fille le regarda, les yeux tyrannisés par les larmes refoulée, et vit que le jeune Renard avait les yeux clos. Levira n’en pouvait plus. Et devant cette faveur de la part de son rival, laissa les larmes couler…en silence…
Quand elle eut vidé toutes les larmes de son corps elle tapa dans ses mains et alors le jeune homme ouvrit les yeux et abaissa les mains. Levira lui lança un regard assuré, après tout elle pensait bien qu’il n'était pas venu pour la « voir » pleurer.
- Avez-vous pu vérifier ce que je vous avais demandé ? demanda Levira.
- Vous êtes rudement maligne, répondit le jeune homme. Comme vous l’avez dit, la rue ne figurait pas sur le plan de ronde le jour de la fête de Ptah.
- Toutes les rues sont donc surveillées chaque jour ? s’étonna l’invitée.
- Depuis la Bête exactement, mais les fêtes sont souvent source de problèmes alors tous les gardes étaient appelés à surveiller les alentours de la Grande Place.
- Les meurtriers ont du penser la même chose, ce qui explique la date des massacres. Mais cela n’explique pas comment ils ont pu se rendre en ville. Un groupe aussi conséquent qui passe les portes ça ne passe pas inaperçu, et même si ils étaient rentrés séparément comment passer à coté d’autant d’étrangers ?
- Et dans les deux cas un autre problème se pose, fit Gilbert Greyfox la mine sévère. Pourquoi se réunir dans la maison d’un alchimiste ? Et surtout comment ont-ils pu tous tenir dans cette minuscule bicoque ?! Il y avait tellement de bordel que ce cinglé de charlatan n’avait même pas de cuisine ou de toilette !
- Justement…
Elle regarda le jeune homme dans les yeux puis elle les tourna vers la porte…plus précisément sur la serrure…
- L'artefact de la Chouette ? devina le jeune homme.
La jeune fille hocha la tête. Le jeune homme mit la main à la poche de son pantalon et en sortit la demi sphère.
- C’est un Kaguinigue, n’essayez pas de chercher j’ai dû demander le nom à quelqu’un. Cet artéfact n’est pas très répandu et même pour un duc il est compliqué de s’en procurer.
- Kaguinigue ?
- Littéralement il s’agit de la Clé du Fuyard.
- Peu flatteur comme nom, commenta Levira.
- Sûrement la raison pour laquelle les romantiques en ont refait le conte.
Cela ne l’étonnait même pas. Les Criis étaient de grands romantiques et surtout amateurs de frisson. Horreur, fantastique, fantaisie, suspense ou romance, rien n’échappait à l’imaginaire des grands enfants du Pays Perché. Et ce qui avait le don de dégouter ces jeunes gens, c’étaient bien les histoires sans panache. Ce pays méritait bien son quolibet, il n’y avait rien de plus perché que Crya, la terre où tout était enjolivé et exagéré.
- Et de quel conte s’agit-il ?
- La Promesse d’Amour, un de vos romans de chevet ?
- On ne me considèrerait même pas comme une femme si ce n'était pas le cas, sourit Levira.
Le jeune homme rit. Toutes les jeunes filles du pays connaissaient cette histoire. L’histoire de deux amoureux éperdument amoureux mais séparés par leur cruelle destinée. La jouvencelle, sommée de se marier dès que possible décida alors de s'enfermer dans sa chambre et jura que la porte verrouillée ne s’ouvrirait devant personne d’autre que son bien aimé qui se trouvait de l’autre coté de la mer. Et elle veilla à son serment, la porte trop lourde pour être enfoncée le seul moyen d’ouvrir était de la déverrouiller. Or la jeune fille avait glissée sa chaînette d’or, cadeau de son amour, dans la serrure depuis son coté de la porte et enroulée autour de la poignée, empêtrant ainsi n’importe quel crochet. Or au bout d’un an, la jeune éplorée, entendit une douce mélodie dans la serrure et vit sa chainette d’or disparaître de l’autre coté de la porte et alors elle explosa en sanglot…seul son amour avait jamais réussi à ouvrir sa porte avec la chaînette dans la serrure. Et le serment prit fin, car son amour était de nouveau là, il avait bravé les mers, les gardes de sa maisonnée, tout ça pour la retrouver.
Brille petite chaînette de mon cœur. Scintille or d’espoir. Lorsque ton éclat ne parviendra plus à mes prunelles, alors mon amour sera de retour…
Il fut un temps où Levira ne pouvait passer une nuit sans relire cette magnifique histoire. Un temps où elle rêvait elle aussi d’être enlevée par le beau jeune homme de sa vie et qui ne vivait que pour elle. Maintenant ce conte n’était qu’un conte et si Levira avait envie que le beau jeune homme l’enlève, c’était non pour l’amour, mais pour la sortir de cette histoire tirée par les cheveux…
Brille…Scintille…
Un éclat de génie. Levira comprit.
- Cet artéfact, commença-t-elle, c’est un dérivé des pouvoirs des Passe-Partout.
- Exactement. Il suffit de poser les deux demi sphères sur deux serrures de porte, et utiliser la clé pour les deux soient reliées.
- Et il y avait cette Clé sur la serrure de l’alchimiste.
Le jeune homme considéra la jeune femme, suspicieux.
- Avez-vous trouvez quelque chose de semblable dans votre cité ?
- Non, dit-elle en se levant.
Elle ouvrit l’un des tiroirs de l’étude et y prit les morceaux de cuivre brillant.
- En revanche j’ai trouvé ça chez l’alchimiste.
Gilbert Greyfox prit un air grave. Puis il grogna, assez discrètement, mais pas assez pour la jeune fille.
- Quelque chose vous tracasse ?
Le jeune homme se reprit. Mais Levira voyait bien que quelque chose l’inquiétait, il doutait.
- La clé de la Chouette…croyez vous qu’elle conduise à nos ennemis ?
Levira réfléchit. La Chouette avait fini par révéler ses pires craintes : il y avait des ennemis dans les hautes sphères. Peut-être même les avait-elle déjà vu, invités à une de ses soirées…Mais pour que Jurian Weissnachte en vienne à leur demander de l’aide cela ne voulait dire qu’une chose…qu’il se pouvait qu’elle séjourne bel et bien chez les bouchers de cette nuit atroce…
Il y avait au moins un traître dans chaque ville. Des traîtres au Consistorium. Des traîtres parmis les ducs…Des traîtres partout…
- Des ennemis…il y en partout.
Puis elle fixa le jeune homme, les yeux tranchants.
- En êtes vous un Lord Gilbert ?
Les iris d’acier défièrent les pupilles de sang de la jeune duchesse. La jeune fille soutint son regard froid et menaçant, bien décidée à ne pas flancher. Elle n’avait pas le droit de flancher, désormais elle était et serait toujours en territoire ennemi…Elle devait savoir. Savoir sur qui compter. Savoir de qui se méfier. Savoir qui éliminer…
Le jeune homme ne la quitta pas des yeux mais la tension disparut et il répondit simplement :
- Non. Libre à vous de me croire ou non.
Le regard de Levira s’adoucit. Elle le voyait. Elle voyait en lui comme dans un livre. Comme en la majorité de ceux qui lui parlait. Il ne mentait pas.
Et puis même…comment aurait-il pu en être un quand il avait péri pour la protéger.
- Je vous crois, dit-elle.
- Vous semblez bien sûr de vous.
- J’ai mes sources.
- Parce que vos yeux suffisent à savoir qui ment ou non ?
Il y avait bien une autre manière. Juste un peu d'encre et en seulement quelques mots sur du papier n'importe quel menteur dans la pièce mourrait. Si seulement elle était en mesure d'utiliser son pouvoir...Et puis de toute manière, quel genre de personne mourrait pour sauver son ennemi ?
- Et vous, êtes vous une ennemie ?
La jeune femme respira un grand coup. Il ne mentait pas. Elle non plus.
- Vous avez toujours été le seul à voir mon vrai visage, sourit-elle tristement. Quel est votre verdict ?
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