L'obséquieuse
— Allô la mort, mais qu’est-ce que tu faucilles ? Je t’attends depuis des heures !
— Vrai, tu languis ? Répète, s’te plait ! C’est si bon de se faire ainsi désirer.
— Faudrait pas pousser dans le tombeau d’inepties, tout de même ! J’t’attends juste pour l’interview… et ce n’est pas de gaité de cœur.
— Figure-toi que, à dessein de m’acheter un suaire en dit or, Je suis passée à la banque faucher quelque blé. Mais il n’y avait plus même un radis. J’te raconte pas la tête d’enterrement des préposés et consorts qui n’ont pas encaissé ce coup de j’arnaque à nuire à leurs intérêts.
Ceci dit, m’être fait couper l’herbe sous le pied m’a mis de très mauvais humour. Je pourrais ne plus répondre de rien.
Pour sûr que si je retrouve le malotru qui m’a, en cueillette d’oseille, devancée. il ne fera pas de vieux os.
Là, Je suis à la poste. J’ai un colis urgent à expédier dans l’au-delà. Y’a une queue de ouf. Si tu savais combien ça me titille de la faux de les zigouiller tous, ces précédents.
— Vu ton retard, je suis au regret de t’informer que l’on fera l’impasse sur le maquillage.
— M’en fous ! La mort au naturel, ça passe mieux… ou presque, non ?
— Je crois que personne n’est jamais chaud à l’idée d’être refroidi.
— Rabat-peine, va !
— N’oublie pas, aussi, de laisser au vestiaire ton arme de service. C’est que personne, ici, n’est à jour de ses vaccins antitétaniques. Mourir d’un coup de semonce en pointe rouillée serait tout de même tout autant incongru que dommageable.
— T’es vraiment pas drôle de toujours envisager le pire.
— C'est à dire que, depuis que je te fréquente, je ne me fais aucune illusion quant à ton manque de savoir-vivre.
Pendant que j’y pense, ne crois-tu pas que, au regard de ma fréquentation assidue des cimetières, en perte de proches, ces derniers temps, je ne suis pas en droit d’avoir une carte de fidélité à me laisser espérer, pour plus tard, une place gratuite ?
— Pfttttttttttttttttttttttt.
Passé le temps d’attente qui sembla d’éternité, on vit apparaitre la funèbre en grandes pompes.
L’était vraiment disgracieuse la faucheuse.
De marbre, la camarde ne s’attarda guère sur le plateau, ne fut sensible à aucun larmoiement ni autre questionnement des simples vivants qui espéraient qu’on les réconfortât, un temps soi peu, quant à leur mortel à venir.
Puis d’un coup, prétextant d’avoir à finir une partie d’osselets avec son pote Ankou - celui dont on dit qu’il est toujours charrette - elle leva le camp.
Chemin partant, elle marqua un temps d’arrêt aux abords de l’oreillette de l’intervieweuse à lui faire entendre : "T’inquiète pas, je reviendrai ! C’est que, jusqu’à ton dernier souffle, j’aurai toujours le dernier mo(r)t.
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