13- Hauteur-Élévation
Ce thème m’évoque évidemment une de mes passions. L’escalade me manque ! Déjà six mois que je n’ai pas fait corps avec une paroi. J’ai hâte de reprendre… J’ai découvert ce sport à l’âge de douze ans, seule fille dans un groupe de sept mecs. J’y ai alors rencontré mon prof, l’adulte que j’avais choisi comme référent, malheureusement décédé trois ou quatre ans après dans un accident de voiture, à l’âge de trente ans. J’entends encore cet homme dans l’église nous dire qu’il nous apprenait à “grimper, à faire le singe” (ce qui nous faisait sourire malgré nous) et que par notre présence nous l’accompagnions dans sa dernière ascension, sa dernière élévation… J’en ai encore une montée d’émotions plus de vingt ans plus tard.
L’escalade m’a offert de merveilleuses relations. C’était un espace où ma petite taille n’était pas un handicap, où nous étions tous différents mais solidaires. J’y ai développé de la confiance en moi, j’ai apprivoisé ce corps que j’ai assoupli et renforcé avec fierté pour le plaisir de l’effort. J’allais à l’escalade autant pour papoter avec les copains que pour les sensations.
Avec eux, j’ai profité de plusieurs stages dans le Gard. Nous étions alors logés dans un centre équestre, ce qui me plaisait d’autant plus que je suis aussi cavalière. Nous construisions des barrages sur un petit ruisseau dans le bout du gîte, cuisinions à tour de rôle et faisions de même pour la vaisselle, une semaine par an à vivre en groupe avec nos profs, tant de bons souvenirs ! J’ai encore en mémoire le poids du sac avec baudrier, chaussons, gourde, pique-nique, corde, dégaines pendant que nous gravissions les pentes caillouteuses jusqu’au pied des falaises. Les topos avec les noms des voies, souvent imagés, parfois poétiques : “Rouge-Gorge”, “14 juillet”, “Ça glisse au pays des merveilles”... La sensation de la roche chaude sous les doigts, l’odeur du thym qui poussait dans les interstices, ce lézard qui m’avait accompagnée un moment jusqu’à me passer sur la main, l’exaltation mêlée d’appréhension de la grimpe en tête avec ce moment si particulier où on clipe la dégaine dans le spitz avant de faire de même avec la corde (on sait alors que si on se loupe on va faire un vol de toute beauté et je ris encore d’un magnifique vol de moustique écrasé sur une voie en pan positif particulièrement patinée). Les muscles tendus dans l’effort, croire à la stabilité de ses pieds (ça tient !), trouver du bout des doigts la moindre aspérité, pour monter toujours plus haut, tout en gérant au mieux l’effort pour limiter la fatigabilité. Beauté du geste, souplesse et équilibre. Et tout en haut, la récompense. Vaché à la chaîne de fin de voie, regarder le paysage qui s’étale en contrebas avec, tout au fond de la gorge, l’eau qui serpente… Merveilleux souvenirs que ceux-là…
Il s’est écoulé des années où j’ai laissé cette passion de côté faute d’opportunité, de temps dans mon organisation, d’assureur aussi, et puis j’ai repris l’an dernier, ravie de constater que je n’avais rien perdu, ou presque. Moment hors du temps avec mon meilleur ami d’adolescence, fraîchement retrouvé, lui aussi. Je mesure encore une fois ma chance dans ces retrouvailles et le bonheur que j’ai eu de pouvoir grimper jusqu’à mes six mois de grossesse. Bientôt nous reprendrons, en famille. Parce que mon mari aime aussi et que j’ai passé le virus à ma fille. Nous pourrons nous relayer auprès de sa petite sœur, peut-être même rapatrier mon meilleur ami et son fils. Joie anticipée de ces moments partagés.
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