Chapitre 12

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Akos s’apprêtait à s’attaquer aux rapports d’interrogatoire réalisés par les agents qui étaient arrivés sur place avant lui quand il reçut un appel d’Ely.

« Hello Darling ! »

Akos secoua la tête.

« Tu arrives un peu tard, Lys.

— Comment ça ?

— Walmsley.

— Walmsley, quoi ?

— Elle est passée ce matin au commissariat.

— Pas très étonnant. C’est une pro.

— Je ne sais pas à quoi tu fais référence mais je te confirme que c’est l’impression qu’elle m’a donnée. Elle n’est pas arrivée là où elle est par hasard, c’est une certitude.

— Je fais référence à beaucoup de choses la concernant. C’est en partie à cause de cela que j’ai mis du temps à te recontacter. S’il y a des personnes dont la vie est d’une platitude insondable, elle, elle en est la parfaite antithèse. Si son pédigré n’était pas parsemé de trucs un peu louches, ce serait mon héroïne.

— T’emballe pas comme ça, tu vas me faire peur. Lys en admiration d’une autre personne qu’elle-même, ça fait un peu flippé.

— C’est pas très gentil ça mais je vais le prendre comme un compliment.

— Je t’en prie. Alors ? »

Akos entendit Lys marteler son clavier et jouer avec la roulette de sa souris. Le son était très reconnaissable. Cela faisait des années que plus personne n’utilisait ce système de pointage car il suffisait que la caméra intégrée aux ordinateurs suive le mouvement des yeux de l’utilisateur pour déduire ce qu’il voulait faire. Mais il restait encore quelques excentriques à le préférer pour son côté vintage. Mais il y avait une autre raison plus pragmatique. Pour des personnes comme Lys, l’idée d’avoir une caméra en train de scanner son visage en permanence n’entrait pas dans les standards paranoïaques de base.

« La vie de cette femme est un vrai roman. Un bon roman d’espionnage. Elle est née en Ostereich, à Blerne plus exactement. Papa dans l’armée et maman à la maison, le vieux modèle patriarcal des familles. A notre époque, ça peut faire bondir mais bon, en Ostereich en 3470, ça n’avait rien de surprenant. C’était presque la norme. Le pays avait été décimé par la grande Pandémie dix ans plus tôt et le pouvoir était revenu dans les mains des militaires. Donc un truc bien conservateur, très « Marche ou crève » si tu vois ce que je veux dire et avec les conditions économiques de l’époque, je pense que Mme Walmsley mère avait rangé les banderoles féministes pour trouver un bon gros mâle dominant pour avoir un toit et de la bouffe dans l’assiette tous les jours. J’ai jeté un coup d’œil sur la vie de M. Walmsley : il ne devait pas être très rigolo. Il a fait toutes les interventions militaires sur plus d’un demi-siècle et chaque fois, il ramenait une médaille à la fin. Relation de cause à effet peut-être, Papa n’étant pas à la maison, la petite Eléonore a mené la vie dure à sa Maman. Jusqu’à ses dix-sept ans, elle changeait d’établissement quasi tous les six mois : pas de problème au niveau des notes, mais côté comportement, la petite prenait ses camarades pour des punching-ball. À la fin, je suppose que Papa est revenu pour la remettre dans le droit chemin car elle entre en école militaire l’année suivante et là, tout semble aller mieux. Ensuite, elle passe différents examens et obtient ses diplômes pendant que côté militaire, elle gagne en grade. A vingt-deux ans, il semblerait qu’elle ait eu une amourette un peu sérieuse avec un gars qui ne l’était pas, alors elle change d’orientation ou bien peut-être s’est-elle faite recrutée mais je trouve les premières traces de ses missions de terrain. Pas les mêmes que Papa, car là, on parle d’espionnage et de contre-espionnage. Et elle est douée. Tous ses superviseurs sont hyper-élogieux à son propos. Est-ce que la position de Papa dans le haut commandement militaire du pays joue un rôle : peut-être mais clairement, ça doit être à la marge. Les missions qu’elle mène à bien ou même celles où elle échoue, c’est de la haute volée. Pour sa trentième année, elle change encore d’orientation. Elle a du faire un tour du côté de la salle de muscu car elle passe dans les forces spéciales. Et là, rebelote et on ne parle pas d’aller liquider un obscur terroriste à la tête d’une bande de dix pékins illuminés, non… Madame liquide des chefs d’États et fait passer ça pour des actions du parti d’opposition. Aucun état d’âme, tant pis si des innocents trinquent à la sortie. En plus ce sont des missions sans filet et parfois de longue durée. Officiellement, elle n’y gagne aucune médaille à mettre dans le cadre du salon mais il y a cinq ans, l’état-major la sort du service actif pour la mettre à la tête de la section 23 de la Sécurité Intérieure, son prédécesseur ayant péri dans des circonstances plutôt étranges. Sur le papier, c’est un groupuscule armé sorti du chapeau qui a fait, et en vrai, moi, je penche pour un règlement de comptes entre services arrosé d’ambition politique et de pouvoir d’influence. Sa nomination est trop simultanée avec d’autres jeux de taquin pour que ce soit de simples coïncidences.

— Sacré CV. Mais rien de surprenant. C’est extrêmement cohérent avec la bonne femme qui s’est présentée ce matin. Peut-être a-t-elle quitté le service actif, mais elle continue à s’entretenir. J’avais déjà un doute tout à l’heure sur ma capacité à l’affronter physiquement, vu ce que tu me racontes, je pense que si je peux l’éviter, je choisirai cette option. Quand tu sors des forces spéciales, même plusieurs années après, tu dois avoir de beaux restes.

— C’est certain.

— Bon, c’est tout au sujet de Walmsley ?

— Oui.

— Et la section 23 ? »

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