Chapitre 17

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« Je n’ai pas compris pourquoi vous arrêtez les auditions et ne gardez que ce docteur Valtrum, confia Freya pendant qu’Akos se prenait un café à la machine.

— Parce que je ne vais pas continuer à poser des questions à des gens dont je sais qu’ils ne m’apporteront rien.

— Il doit me manquer des informations alors. Mais je vais commencer par le début. Que viennent faire les chirurgiens de cet hôpital dans l’enquête ? »

Akos expliqua les indices qui l’avaient amené là. Puis il lui révéla que le Druide avait probablement consulté le chirurgien en question.

« Qu’est-ce qui vous dit que c’était dans le cadre d’une consultation ?

— Rien. Mais on va revenir à la base de ce qu’on cherche quand on enquête.

— La vérité ?

— Certes mais ça c’est la case d’arrivée. Il y a peut-être des étapes intermédiaires, non ? »

Freya le regardait et attendait qu’il lui donne la réponse.

« On commence par établir des scénarios et qu’est-ce qui nous permet de choisir l’un plus que l’autre ?

— Les preuves ?

— Mais non. Vous réfléchissez à l’envers. La preuve, c’est ce qui confirme votre scénario, ce n’est pas elle qui oriente votre enquête vers telle hypothèse ou telle autre. Si je retrouve l’adresse d’un vétérinaire dans le portefeuille de quelqu’un, quelle hypothèse en tirez-vous ?

— Qu’il a sûrement pris un rendez-vous avec ?

— Commencez par le début.

— Qu’il possède un animal ?

— Bah voilà ! Du coup en partant de là, vous allez chercher la trace de l’animal, votre preuve ! Donc si je reviens à notre Druide avec l’adresse d’un hôpital dans ses affaires ?

— Le plus probable, c’est qu’il ait consulté un des médecins de cet hôpital.

— Bon et pourquoi je n’ai pas besoin d’interroger les autres médecins. Dans la mesure où mon chirurgien est incapable de répondre oui quand je lui demande si sa clientèle est totalement humaine, vous en déduisez quoi ?

— D’accord mais qu’il réponde oui ou non, ça n’en fait ni un innocent ni un coupable. Alors pourquoi il ne répond pas.

— Ceci est la bonne question. La plupart des gens croient qu’un interrogatoire présuppose qu’on les accuse de quelque chose. Vous déduisez quoi ?

— Qu’il a fait quelque chose d’illégal ? Mais c’est sans rapport avec l’enquête.

— Sauf que lui ne le sait pas. On va essayer de garder cet élément pour nous. C’est toujours bon d’avoir un moyen de pression pour obtenir la vérité.

— Ce n’est pas très fair-play.

— Mais qui a dit que je l’étais ? » fit Akos en souriant.

*

Akos fit un tour dans son bureau et sortit un dossier de son casier qu’il emporta avec lui. Quand il revint accompagné de Freya dans la salle d’interrogatoire, il constata que le Dr Valtrum avait choisi de continuer l’audition seul. D’évidence, il avait dû réfléchir et remettre sa situation en perspective car il semblait beaucoup plus serein qu’un quart d’heure plutôt. Sûrement avait-il réalisé ce qu’Akos lui avait dit : il n’était là que pour donner des réponses et n’était en aucun cas inculpé de quoi que soit.

« Bon, continuons si vous voulez bien. Avez-vous reçu récemment une personne non humaine dans votre cabinet ? »

Akos fut un peu surpris mais un sourire se dessina sur les lèvres du chirurgien.

« Je pensais bien que vous alliez me parler de cela. Alors oui.

— Qui était-ce ?

— Il ne m’a pas donné de nom mais c’était un Druide.

— C’est lui qui s’est présenté comme tel ?

— Oui et non. Mais il pouvait difficilement le cacher.

— Je comprends. Cependant tout le monde ne semble pas capable d’identifier un Druide à notre époque. Qu’est-ce qui fait que vous, le pouvez ?

— Mes études et ma curiosité sur le sujet, je suppose. Quand vous faites des études de médecine, ce genre de choses vous intrigue, ne serait-ce que d’un point de vue de la connaissance.

— Qu’était-il venu vous demander ?

— Je ne suis pas certain de ce que dit la loi sur le sujet mais pour l’instant, je vous demande de me pardonner, je préfère ne pas répondre à cette question. »

Akos eut un sourire et ouvrit le dossier qu’il avait avec lui. Il prit quelques documents et les posa devant le médecin.

« Je vais vous faciliter les choses. Ce sont les photos du Druide en question. Pardonnez le côté rude mais comme vous êtes chirurgien, je suppose qu’elles vous impressionneront moins qu’une personne ordinaire. Pouvez-vous déjà me confirmer que nous parlons du même individu ? »

Le docteur se pencha légèrement sur les photos et acquiesça.

« Comme vous le voyez, ce Druide est malheureusement mort et j’ai la charge de l’enquête. Vous devez connaître les dispositions applicables dans ces circonstances, n’est-ce pas ? Je me permets donc de réitérer ma question précédente. »

Le chirurgien se redressa et joignant ses mains, il s’accouda sur la table.

« C’est un peu étrange.

— Qu’est-ce qui est étrange ?

— Ce Druide est venu me voir plusieurs fois depuis ces dernières semaines et chaque fois, il m’a raconté une histoire. Il m’a expliqué beaucoup de choses sur ce qu’il avait compris au fur et à mesure des années. »

Akos fut tenter de couper le médecin pour lui poser une première salve de question mais son intuition lui commanda de s’abstenir.

« Il m’a confié aussi des choses dont je dois dire, je n’ai pas pris l’entière mesure. Et m’y retrouver confronté aujourd’hui, je vous assure que c’est assez déstabilisant. »

Akos fronça les sourcils. Il ne comprenait où le chirurgien voulait en venir. Mais il le laissa poursuivre.

« Vous pensez sûrement, vu que ce Druide est venu me consulter et que je suis chirurgien plasticien, que c’était probablement en lien avec son apparence physique. Sa couleur de peau ou bien, la fameuse excroissance qu’il avait à l’arrière de la nuque ? Figurez-vous que cela n’a rien à voir. C’est là que c’est assez déroutant car il m’avait prévenu.

— Prévenu de quoi ?

— De ce qui se passe aujourd’hui. »

Akos comme Freya ouvrirent de grands yeux.

« Je sais ce que vous vous dites mais moi-même, j’ai eu peine à y croire quand vous avez posé la question.

— Permettez-moi de clarifier. Vous êtes bien en train de nous affirmer que ce Druide est venu vous voir à plusieurs reprises ces dernières semaines, non pas sur un sujet médical mais pour vous raconter ce qui allait arriver aujourd’hui. J’ai bien compris ?

— Pas dans les détails mais oui, je confirme.

— Donc vous savez comment cet interrogatoire va se terminer ?

— Non, ça ne fonctionne pas comme cela. Ce Druide m’a juste fait part de quelques éléments.

— Pourquoi ? Il vous a expliqué pourquoi vous et pas un autre ?

— Non. Je vais vous paraître comme un sale type, mais ce gars venait me voir, me racontait ses histoires pendant un quart d’heure, payait et s’en allait. C’était de l’argent facilement gagné. »

Akos se pinça les lèvres. L’homme face à lui disait-il la vérité ou avait-il mis au point le mensonge le plus délirant qu’il soit possible d’imaginer pour se protéger de quelque chose ? Mais de quoi ? Et sinon, partant du principe qu’il dise la vérité, comment était-il en mesure de valider ses affirmations ? Il réfléchit et finit par se dire qu’il allait peut-être un peu trop vite en besogne. Avant de s’intéresser à la véracité ou non des réponses de ce type, il fallait d’abord qu’il aille au bout et dise tout ce qu’il avait à dire. Ainsi pourrait-il développer un sentiment de confiance qui pourrait s’avérer utile par la suite.

« Pouvez-vous nous raconter aussi précisément possible les histoires que le Druide vous a raconté ? »

Le praticien dodelina de la tête.

« Je peux essayer au moins. »

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