À l'épicerie
Monsieur l'épicier regagne sa boutique. Madame est occupée à faire le tri dans les tomates sur l'étal à l'extérieur du magasin.
— Ça va chéri, demande-t-elle devant la mine déconfite de son mari. T'en fais une drôle de tête.
— Je reviens du café, la p'tite fleuriste nous a raconté une sacrée histoire ! Tu...
— Oh comment va-t-elle ? l'interrompt sa femme. Tu sais qu'elle m'a demandé de lui apprendre à jouer au rami ? Je ne sais pas d'où lui vient cette passion soudaine pour les cartes.
— Bof encore une de ses lubies, rétorque Monsieur l'épicier en haussant les épaules, ça lui passera. Écoute plutôt ça, c'est à propos du chantier de l'aut'côté du village. Figure-toi que la nouvelle boutique va servir pour laver les petites affaires sales de ta chère copine Madame la maire, ajoute-t-il avec un clin d’œil.
— Et alors, c'est bien le principe d'une blanchisserie, non ? Puis ce n'est pas ma copine, je n'ai même pas voté pour elle.
— T'as pas compris. Je veux parler de cacher ses petites magouilles. Monsieur le barman m'a conseillé une série, on va la regarder, tu vas comprendre.
À ces mots, Madame l'épicière est d'abord choquée.
— Quelles magouilles ? De quoi tu parles ? Bon, c'est vrai qu'elle s'est montée la tête depuis qu'elle est l'élue, ça ne m'étonnerait pas qu'elle ait usé de petites combines pour financer sa campagne.
— J'en sais rien, répond Monsieur l'épicier incapable de répondre à la question de sa femme.
Il réfléchit un instant avant de suivre Madame l'épicière dans l'arrière-boutique où elle dépose la cagette de tomates.
— Mais au fait, vous étiez inséparables au collège jusqu'à ce qu'elle te pique ton amoureux. Tu sais que tu m'as jamais dit qui était ce bellâtre ?
Madame l'épicière lui sourit. Elle ouvre la caisse et feint de compter les billets.
— C'est de l'histoire ancienne mon chéri. Ce qui importe maintenant est qu'elle ait rencontré son âme sœur, et Elisabeth est une personne absolument charmante. Elles se sont rencontrées lors d'un voyage et ne sont plus jamais quittées. J'adore les histoires d'amour. Ce qui me dérange, en revanche, est qu'elle lui soit infidèle.
— Quoi ? Qui t'a raconté ça ?
— Madame la coiffeuse pardi ! Tu sais très bien que j'étais au salon pendant que tu buvais ton apéro, qui a duré plus de deux heures quand même. Ça en valait bien la peine, tiens, tu n'as même pas remarqué ma nouvelle coupe de cheveux.
— Excuse-moi, ça te va très bien, bafouille Monsieur l'épicier tout penaud. Mais cette histoire d'adultère ?
— Eh bien, il paraît que notre chère maire a ouvert sa porte à Monsieur le facteur. Et il ne fait pas que distribuer le courrier celui-là !
— Ça alors ! s'exclame Monsieur l'épicier ebahi. Je m'attendais pas, mais alors pas du tout à un truc pareil ! Ouh beh ! Elle traficote des trucs pas claire notre chère élue. Mais où tu vas ?
Après avoir oté son tablier, Madame l'épicière avait prit son sac à main et se dirigeait vers la porte.
— À la quincaillerie. Il me faut de toute urgence un tournevis.
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