L’obligation de consommer techno

Il existe une telle certitude en une amélioration de nos conditions de vie grâce aux technologies du futur, que des directives, publiques comme privées, vont alors vouloir imposer à la population entière l’acquisition d’appareils équipés de divers programmateurs. C’est une première dans l’évolution de nos sociétés. Jamais jusque-là, les citoyens n’ont pu être forcés à l’achat, par exemple, d’une voiture, d’une télévision, ou encore d’une baignoire plutôt que d’une douche, d’un appareil Polaroïd, plutôt que d’un banal Instamatic.

Selon un rapport de l’Insee paru en janvier 2022, 7% de la population n’a pas Internet – soit à peu près 1 million d’individus ! – et certains ne disposent même pas de branchements adéquats pour la connexion. Ces dépourvus de technologie ont, en quelques décennies, sombré dans une impitoyable marginalité. Ce ne sont pas des parias – du moins pas encore – mais ils ont été exclus du système et sont devenus comme transparents, puisqu’on attend désormais, de tout concitoyen, qu’il ait un branchement Internet, y compris pour des démarches administratives ! Pour désigner le nouvel isolement de ces marginaux du web, on parle désormais de « fracture numérique ». Or, il s’agit tout autant d’une fracture sociale, tant ils peuvent être également sujets à des reproches, du seul fait de ne pas « être branchés » comme le dit si explicitement, l’expression.

Il existe une évidente inhumanité à vouloir imposer des investissements aussi coûteux que le branchement et l’achat d’un ordinateur à des foyers où des nécessiteux, se démènent déjà au quotidien, pour se nourrir. De même, il est inhumain de vouloir imposer Internet à des personnes âgées, qui n’ont jamais utilisé un clavier de leur vie, ont des gestes lents, ne souhaitent plus apprendre et surtout, n’ont nullement envie d’intégrer un mode de vie qui n’est pas le leur. Enfin, tout simplement, pourquoi des individus ou des familles n’auraient pas le droit de vivre sans Internet si c’est leur choix de vie ?