Une réponse à tous les savoirs

Non moins risible est cette persuasion que la technologie est une panacée qui solutionne tous les problèmes, qu’ils soient médicaux, sociologiques, psychologiques, sentimentaux… Iriez-vous demander à votre médecin de réparer vos fils électriques ou à votre facteur des conseils sur les assurances ? Mais le technologue, lui, serait capable de Tout, et même, comme Madame Irma, de prédire l’avenir !

Voyons des exemples révélateurs à ce sujet :

Sur le site gouvernemental Vie publique, un article s’intitule : Parole d'expert – Les nouvelles technologies au service de l’environnement. Il s’agit, dans cet article de devenir « techno-optimiste » en reconnaissant que la technologie peut résoudre les problèmes écologiques. Mais est-ce la machine qui va éduquer l’humain à moins gaspiller et à moins polluer ?

La revue Telus Santé, évoque quant à elle : Six technologies qui « transforment les soins de santé mentale ». L'article précise : « L’innovation technologique place le patient au premier plan ». Pas de doute, on nous explique que des malades qui souffrent de problèmes mentaux vont pouvoir mieux se porter grâce à la technologie ! Il faut se pincer pour y croire.

« La technologie peut-elle éliminer la pauvreté ? » interroge un article du Monde du 19 novembre 2010. Dans la revue Pour la Science, d’après un article L’innovation au service des plus pauvres, la question ne se pose même pas. « La science, l’ingénierie, la technologie et l’innovation » ont pour objectif (réaliste ?) « l’éradication de la pauvreté extrême et de la faim. » Donc tout va très bien Madame la Marquise, la technologie arrive, comme Zorro, pour lutter contre les injustices sociales !

Sur la chaîne de télévision M6, une émission de télé-réalité intitulée : Mariés au premier regard, sidère ses téléspectateurs en proposant une solution de mariage uniquement basée sur des critères de compatibilités qui seraient définis « par la science », selon le vocabulaire employé. Les candidats à l’expérience doivent donc jouer le jeu en rencontrant leur partenaire uniquement le jour du mariage.

On est presque dans les conditions du mariage de raison, les prétendus « experts » – des diplômés en psychologie – remplaçant, dans ce cas, les rôles occupés jadis par les parents. Se pose quand même une question éthique : dans certains pays, la justification du mariage de raison reste une manière d’interdire la spontanéité des sentiments amoureux et l’on sait que de jeunes couples aujourd’hui encore, voient leur vie affective ruinée pour cette raison. C’est pour mettre un terme à ce genre de souffrance, que dans les siècles précédents, en Europe, des auteurs et artistes comme Molière ont vigoureusement combattu tout ce qui servait à justifier un mariage de raison. Donc, où est le progrès proposé par les instigateurs de cette émission qui bouscule les traditions ? Le projet a beau être audacieux et réfléchi en dépit du caractère populaire et voyeuriste de l’émission, les flops se succèdent. Est-ce si surprenant ? Le monde naturel, pour peu que l’on s’attarde à l’observer, nous révèle que les oiseaux se courtisent. Les albatros, qui peuvent vivre jusqu’à 70 ans, c’est-à-dire presque aussi vieux que l’être humain, restent fiancés pendant trois ans avant de s’accoupler, et demeurent fidèles tout au long de leur vie. À croire que les oiseaux savent être plus romantiques que les humains.

Les jeunes et moins jeunes qui recherchent l’amour, de nos jours, vont bien moins écouter les leçons de la nature, que les messages sur écrans ou prononcés par des robots. Le site Winco dans un article, explique « Comment la technologie révolutionne l’amour » et affiche un point de comparaison avec « la révolution sexuelle des années 60 ». Mais supposer qu’il revient désormais à des scientifiques et à des technocrates de tenir des discours sur l’amour, est-ce que ça ne fait pas plutôt froid dans le dos ?