Chapitre 5 : Changement de rythme
Le taxi arriva, peu avant midi, dans le village de vacances de Santa Lucia, près de Tavira, en Algarve. Pendant qu’Ingrid réglait la course au chauffeur, Édith entra récupérer les clés à l’accueil. En entrant dans la pièce, Ingrid observa son amie discuter en espagnol avec un charmant réceptionniste.
- J'ai toutes les infos pour rejoindre notre studio. Le réceptionniste parle bien l’espagnol. Avec un accent différent de celui que je connaissais au Honduras mais comme ce n’est pas sa langue maternelle non plus, c'est compréhensible
- Je me doutais bien que tu essaierais de communiquer avec les locaux, répondit Ingrid en riant.
Édith les guida sans trop de difficultés au milieu de bâtiments tous semblables jusqu’à leur studio, situé au premier étage. En ouvrant la porte, elles découvrirent la pièce de vie remplie de deux lits canapés et d’une minuscule table de cuisine adossée au mur. Des sachets de thés et des biscuits avaient été déposés à côté de la bouilloire pour les accueillir. Les volets fermés laissaient filtrer un fin filet de lumière qui permettait de conserver la fraîcheur de la pièce. La salle de bain était étonnamment spacieuse alors que la cuisine était des plus spartiates, ce qui n’était pas un problème puisqu’elles ne comptaient pas passer des heures à cuisiner. Derrière les volets, un balcon comprenant une large table et ses deux chaises les attendait, un lieu où elles s'imaginèrent immédiatement prendre leurs petits-déjeuners. Dans un pays où la température atteignait les vingt degrés dès le matin, cela représentait une pièce de vie supplémentaire pour leur confort. Les deux amies se posèrent sur la terrasse avant même de commencer à déballer leurs valises.
- Contente d'être enfin arrivée, le voyage a été long ! s'exclama Ingrid en s'asseyant
- Oui ! Et le réveil à cinq heures du matin pour prendre l'avion, c'était quand même rude. Je n’ai pas l’habitude, mais cela en valait la peine. Quel bonheur de pouvoir profiter de ce lieu paradisiaque !
- Soleil, farniente... Nous allons pouvoir nous laisser vivre sans nous préoccuper de nos jeunes.
Elles soupirèrent d’aise, ne penser qu’à elles était un luxe rare. Édith proposa à son amie de se rapprocher pour réaliser un premier cliché qu'elle déposerait dans leur groupe sur Facebook. Côte à côte, les deux jeunes femmes semblaient poser pour une publicité pour Benetton. Édith, la jolie métisse couleur café avec peu de lait et des tresses africaines pour lutter contre la chaleur contrastait avec la blonde Ingrid au teint de lait qu’elle devait protéger avec de la crème à indice cinquante si elle ne voulait pas brûler.
- As-tu des envies particulières pour ce séjour, Édith ?
- Pour le moment, je me pose, répondit-elle d’un ton paresseux.
- Je ne te demandais pas de bouger. Je voulais simplement savoir si tu avais envie de réaliser certaines activités pendant notre séjour. Moi, j'aime programmer une journée d'excursion pour découvrir les lieux. Pour le reste, cela peut être en fonction des opportunités qui s'offriront à nous.
- Quand tu parles d'opportunités, j'imagine que tu sous-entends des rencontres masculines ? la taquina Édith.
- Non ! Je ne cherche pas à faire de rencontres tant que ma situation maritale ne sera pas réglée.
- Justement, il serait peut-être temps d'y remédier ? Je ne comprends pas pourquoi tu végètes dans cette situation. Nous sommes encore jeunes et appétissantes, n'as-tu pas envie de refaire ta vie ?
Ingrid n’avait pas envie de rentrer dans un de leurs débats enflammés concernant leurs visions diamétralement opposées du couple. La fatigue du trajet l’incita à répondre diplomatiquement.
- La porte n'est pas fermée mais je n'ai aucune envie de chercher l'aventure. Ce qui ne semble pas être ton cas, Édith.
- Après ce que j’ai vécu avec Alex, je ne compte pas faire de place à un homme dans ma vie de sitôt mais j'en rencontrerais bien un ou deux pendant le temps des vacances. Cela me donne d'ailleurs envie d'aller observer ceux qui sont au bord de la piscine.
Malgré le travail du temps, Édith se remettait difficilement de son récent divorce. Le fait qu’il l’ait trompée pendant presque un an avant de la mettre devant le fait accompli lui était longtemps resté.
- Quand je me suis mariée, je pensais que c’était pour la vie, surtout après avoir eu les garçons. J'ai été sage trop longtemps, et je compte bien profiter de cette semaine de vacances pour faire quelques folies. Du sable, des hommes bronzés en maillot sur la plage, n’est-ce pas une perspective alléchante ?
- Je ne pense pas que l’on puisse changer de la sorte si facilement, Édith. Ne penses-tu pas que c’est une fuite en avant ?
- Et toi, ne penses-tu pas que tu devrais te lâcher un peu. Tu trouves ton bonheur dans une vie de nonne ?
Ingrid avait souvent encouragé sa copine à chercher du travail, en vain. Mais peut-être qu’Édith avait d'abord besoin de se reconstruire en tant que femme, de se sentir à nouveau désirable, avant de commencer à chercher activement du travail.
- J'avais d'abord besoin de me trouver professionnellement avant de pouvoir envisager de refaire ma vie. Et je suis fière de démarrer mon activité de consultance, même si elle ne me rapporte pas encore beaucoup d’argent. Au moins, je sais que je ne dépendrai plus jamais financièrement d'un homme. Plus jamais je n'aurai à choisir entre accepter l'infidélité de mon conjoint ou me retrouver sans le sou !
Ingrid commençait à retrouver confiance en elle grâce à sa vie professionnelle. Elle avait trouvé le moyen de valoriser l'expérience acquise auprès de son mari dans le cadre d'un travail pour une multinationale qui envoyait ses employés, accompagnés de leurs familles, en poste à l'étranger. En les aidant à se loger sur place et en leur servant d'intermédiaire avec les ambassades, elle avait un peu l’impression de ne pas avoir gâché complètement toutes ces années. Son stage avait été l’occasion de commencer une nouvelle vie active et elle regrettait qu'il n'en ait pas été de même pour son amie.
- Mais regarde donc ce magnifique paysage baigné de lumière. Ne te laisseras tu pas tenter par une aventure d'un soir avec un beau portugais ?
- Bah, les aventures d'un soir ne m'intéressent pas. J'ai besoin de temps pour apprendre à connaître l'autre avant de laisser tomber les barrières qui protègent mon cœur. J’ai appris à composer avec la situation actuelle et la vie de couple ne me manque pas.
Les deux comparses décidèrent ensuite de prendre une tasse de thé avant de se remettre en mouvement, de prendre encore un peu de temps pour se mettre au rythme du sud.
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