Chapitre 7 : Une excursion des plus instructive

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Le soleil couchant apportait un peu de fraîcheur après cette journée caniculaire. Installées à la terrasse d’un restaurant de Santa Luzia, Édith et Ingrid profitaient de la vue sur la lagune. Elles s'étaient toutes les deux parées de leurs achats de la veille, de jolies robes dénichées lors de leur après-midi de shopping à Tavira. L'excursion en 4X4 du matin leur avait permis de découvrir les alentours avec Arturo, une bien belle balade en compagnie d'un guide passionné par l'histoire de la région. Quelques tapas et une carafe de sangria blanche sur la table contribuaient à prolonger la magie de cette journée parfaite.

  • Tu avais l'air de boire les paroles de notre guide, Édith. Et je ne fais pas référence aux explications concernant les lieux visités.
  • C'est vrai qu'Arturo était sympathique et chaleureux. Il nous a même offert un tour un peu plus long que celui qui était prévu à l'origine. Les explications qu’il m’a données concernant sa reconversion professionnelle, pendant que nous dégustions les huîtres et le vin blanc chez l’ostréiculteur, m’ont vraiment intéressée. Je devrais peut-être partir comme lui et me construire une nouvelle vie au soleil. Pour le moment, j'ai un peu de mal à joindre les deux bouts, notre pays est un pays tellement cher.
  • J'espère que je ne te fais pas exploser ton budget pour les vacances. L'excursion ce matin et ensuite le restaurant, c'est peut-être trop pour ton budget quotidien...
  • Merci d'en tenir compte, Ingrid. Tu sais que je n'ai aucun mal à refuser lorsque je ne suis pas d'accord avec une de tes propositions. Et cette excursion m'a ouvert de nouvelles perspectives. Je vendrai peut-être mon appartement à Maubeuge pour acheter quelque chose de moins cher dans un pays du sud.
  • Arturo nous a confié qu’il avait eu besoin de changer de vie après son divorce. Il semble heureux d'avoir utilisé sa part de la vente de sa maison en France pour venir s'installer ici.
  • Toi aussi tu sembles l'apprécier notre guide, remarqua Édith.

Ingrid ne releva pas, poursuivant la pensée qui lui occupait l'esprit :

  • Ses enfants sont majeurs et il pouvait se permettre d'acheter un logement plus petit pour lui seul ici. Mathis sera bientôt indépendant mais Théo entre dans l'adolescence. Ne penses-tu pas qu’il a besoin de ses copains de classe et de sa famille ?
  • Toujours la voie de la raison Ingrid... Un peu de folie ne te ferait pas de mal. Je vais devoir devoir faire des choix pour maintenir mon budget maintenant que la contribution d'Alex diminue.
  • Heureusement que tu as récupéré l’appartement à Maubeuge après ton divorce, celui que vous aviez acheté comme investissement.
  • Il était trop petit pour y vivre à trois, mais il suffit pour Théo et moi. Il va devoir changer d'école, ce qui l'ennuie. Et moi, l'idée de me retrouver prochainement en périphérie d'une petite ville ne me séduit pas. A part le clair de lune, il n'y a rien à faire là-bas.
  • Tu préférerais partir dans un pays où tu ne connais personne alors que tu as eu tellement de difficultés à te recréer un réseau d'amis ?

Ingrid venait de projeter ses propres angoisses sur son amie. Édith avait souvent regretté la convivialité et l'entre-aide qui unissaient les expatriés de tous les horizons. Ici, elle se liait facilement aux autres mais regrettait que ces relations restent longtemps superficielles avant de pouvoir se considérer comme des amis.

  • Tu ne connais ni l’Afrique, ni la coopération, Ingrid. Je pense que c'est assez loin du monde étriqué dont tu m'as parlé quand tu vivais dans les ambassades. Les coopérants sont tous loin de leurs familles et les liens d’entre-aide sont très forts entre nous. Toute la communauté est présente lorsque nous déménageons vers une autre destination, et elle est également présente lorsqu'une nouvelle famille emménage. Rien à voir avec mon prochain déménagement.
  • Tu sais que tu peux compter sur moi pour t’aider, Édith. Et tu pourras revenir aussi souvent que tu le veux à Lille. Annabelle va sans doute bientôt quitter l'appartement et j'aurai une chambre pour te loger à chacune de nos sorties.
  • Je suis à une période de ma vie où je me pose beaucoup de questions. Je garde la nostalgie de mon ancien niveau de vie. J'ai eu la chance d'apprendre l'espagnol lorsque nous vivions au Honduras, je pense que je pourrais explorer les possibilités de carrière en Espagne.
  • Ola ! En voilà de belles perspectives. Je viendrais te voir avec plaisir.

Édith s’imaginait revivre en expatriation alors qu’Ingrid s’assombrissait à l’idée de perdre bientôt son amie. Pour chasser cette idée noire, elle changea de sujet et taquina sa voisine.

  • Es-tu sûre de ne pas préférer le Portugal. Cela a immédiatement collé entre Arturo et toi. J'imagine que ce n'est pas uniquement pour te renseigner sur son parcours que tu l'as invité à nous rejoindre ce soir.

La sympathie qui s'était développée entre ces deux-là pendant l'excursion était flagrante. Édith avait proposé à leur guide de les rejoindre en fin de journée pour prendre un verre avec elles. Elle avait aussi insisté pour qu'elles se fassent belles et étrennent leurs nouvelles acquisitions.

  • Mais tu es vraiment aveugle ! s’exclama Édith. Tu n’as donc pas remarqué qu’il s’intéressait à toi ? Arturo répondait à mes questions mais il n'avait d'yeux que pour toi.
  • Ça, ça m'étonnerait rétorqua Ingrid.
  • On verra s'il nous rejoint ce soir. Et là, tu constateras que je suis bien plus observatrice que toi.
  • Tu sais que les aventures de vacances ne m'intéressent pas. Et je ne crois pas non plus aux relations à distance depuis que Jean m'a trompé lors d’un voyage diplomatique qu'il devait accomplir seul. La secrétaire de l'ambassade s'est un peu trop investie pendant le premier séjour de Jean et je ne l'aurais sans doute jamais su s'il n'avait pas été ensuite affecté là-bas. Il y a toujours une âme charitable pour t'informer des infidélités de nos maris voyageurs, poursuivit-elle avec aigreur.

Édith s'était effectivement souvent demandé pourquoi des inconnus pouvaient t'informer de ces trahisons. Probablement un collègue qui voulait nuire à l'intéressé ou une maîtresse qui espérait récupérer ainsi son amant pour elle seule. Elle se garda bien de formuler ses réflexions qui ne pouvaient réconforter son amie. Ingrid ne semblait pas réellement prête à ouvrir son cœur à un homme ni à profiter des occasions qui pouvaient se présenter à elle. Son amie l'avait déjà rabrouée plusieurs fois lorsqu'elle l'avait encouragée à se poser moins de questions et à profiter des bonnes choses de la vie. A quoi bon insister alors qu'elle n'était même pas sûre que Arturo les rejoindrait ce soir. Elles s’apprêtaient à commander leurs plats lorsque Édith se redressa.

  • Regarde Ingrid ! Il arrive...


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