Chapitre 16 : Chassez le naturel
Les volets n'ayant pas suffi à garder la fraîcheur, Édith actionna la climatisation dès son entrée dans le studio. C’était le moment de se débarrasser des restes de la plage avant de se changer pour le soirée. Ingrid se dépêcha d’occuper la salle de bain pour se préparer avant son rendez-vous avec Arturo. Au moment d’y entrer, elle ressentit un scrupule.
- Je peux annuler mon rendez-vous de ce soir si tu veux, Édith. J’ai un peu honte de te laisser seule ici avec ta romance sur papier.
- Ah non, Ingrid. Ne me prends pas comme excuse pour fuir Arturo. C'est vrai que j’étais un peu découragée, mais tu me connais, je vais sans doute finir par sortir. Il y a quelques terrasses sympas en bord de mer.
- Bonne idée, et cela t'évitera de revoir Felipe.
- Pourquoi dis tu cela ? J’ai été surprise par la tournure des évènements, mais Felipe s'est toujours comporté en gentlemen. J'irai sans doute discuter un moment avec lui dans la soirée.
Ingrid rentra dans la salle de bain, perplexe. Elle éprouvait une légère appréhension à ce rendez-vous, alors quÉdith semblait avoir retrouvé toute son assurance. En sortant de la douche, elle vit sa peau rougie réclamer de l’après-soleil. Elle s’appliqua une épaisse couche hydratante, profitant du bien être apporté. Au moment où elle allait utiliser le sèche-cheveux pour mettre sa coiffure en forme, elle entendit la sonnette du studio. Cela devait déjà être Arturo à qui elle avait proposé de venir la chercher directement dans leur logement cette fois. Elle pensait le faire attendre un peu, c’était sans compter son avance. Tant pis, Édith était là pour l’accueillir et elle ne voulait pas bâcler son apparition.
- Bonjour Édith.
- Entre. Veux-tu boire quelque chose ? Nous avons de l’eau ou du vin rosé au frais.
- Merci, un verre d’eau n’est jamais de refus, surtout avec des températures caniculaires comme aujourd’hui. Avez-vous passé une bonne journée toutes les deux ?
- Tranquille en bord de plage. Demain nous retournons à Tavira pour notre dernière journée.
Arturo était contrarié à l'idée de ne plus revoir Ingrid avant son départ. Ce feu qui couvait en elle et qui ne demandait qu'à s'exprimer, malgré sa réserve, l'avait touché bien plus que les autres aventures qu'il avait collectionnées depuis son divorce. C'était la première femme avec laquelle il pourrait envisager de se poser. Mais pour cela, Il allait devoir modifier son emploi du temps pour la garder le plus possible avec lui.
- Tavira est une belle ville qui mérite plus d’un jour de visite. Je peux vous conseiller un restaurant au bord du fleuve, la cuisine est délicieuse. J'aimerais vous rejoindre en fin de repas et kidnapper Ingrid pour la nuit. Mes associés peuvent me remplacer samedi et je pourrais même vous déposer à l’aéroport pour votre retour.
- Oui, ce sera une petite compensation pour le rapt d'Ingrid, répondit Édith en souriant.
Elle l’invita à s'installer sur la terrasse, le temps qu'Ingrid finisse de se préparer. C’était l’occasion de continuer à lui poser quelques questions sur les métiers du tourisme.
- La reprise n'est pas trop difficile après le confinement de l’année passée ?
- Si, j'ai même hésité à reprendre mes saisonniers. Les risques de restrictions qui pèsent encore sur les voyages en avion, cela laissait supposer qu’il n’y aura pas beaucoup de touristes cette année. Mais j’ai préféré les garder pour qu’ils ne cherchent pas du travail ailleurs. On s'attend à des pénuries de saisonniers l’année prochaine. Ils ne pourront pas rester deux ans sans travailler et beaucoup d'entre eux risquent de se reconvertir dans d’autres secteurs.
- Cela augmentera les opportunités pour moi. Je m’imagine bien ne travailler que quelques mois par an.
- Ce n’est pas tellement bien payé, mais nous vivons au soleil et nous sommes en vacances même lorsque nous travaillons. Mes deux associés sont encore jeunes, mais je m’attends à ce qu’ils cherchent un emploi mieux rémunéré lorsqu’ils voudront fonder une famille.
- Tu as engagé un couple ?
- Non, mais Elena va bientôt avoir trente ans. C’est un âge où beaucoup de femmes commencent à envisager la maternité.
- Beaucoup de jeunes ne veulent plus des contraintes liées aux enfants de nos jours. Et certains revendiquent ce choix aussi dans l'intérêt de notre planète surpeuplée.
- Il y aura toujours des femmes qui voudront des enfants, et Elena en fait partie. Il lui faut cependant d’abord trouver un homme avec les mêmes envies qu’elle.
En sortant de la salle de bain, Ingrid se dirigea vers la terrasse en suivant le bruit de la conversation. Lorsque Arturo la vit, il se leva immédiatement pour l’embrasser.
- Tu es splendide, Ingrid. Je vais en faire des jaloux ce soir.
Elle se sentait souvent mal face aux flatteries, pensant à tous ces gens qu’elle avait côtoyé dans les ambassades et qui cherchaient à obtenir des faveurs. Mais celui-ci semblait sincère, et il lui réchauffa le cœur. Elle se sentait bien en sa présence, et c’était tout ce qui comptait pour le moment.
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