Chapitre 14 : Chacun ses limites
La plage se désertifiait de plus en plus et Édith n’avait encore pas réussi à rejoindre Felipe qui semblait toujours tenir à sa discrétion. Pendant cette longue marche silencieuse, le doute insufflé par Ingrid avait eu le temps de faire son chemin. Parfois, elle se disait qu'Ingrid était devenue son amie parce qu'elle lui apportait un peu de sagesse, contrairement à ses cousines qui l'encourageaient à se dévergonder en lui racontant leurs aventures coquines. Il était temps pour elle de faire taire les voix qui se disputaient dans sa tête, maintenant qu'elle était partie, elle comptait vivre l'expérience jusqu'au bout. Lorsqu’elle crut reconnaître l’endroit où elle avait vu les deux exhibitionnistes il y a quelques jours, elle héla Félipe en espagnol.
- On ne pourrait pas s’arrêter ici ?
Il se retourna et attendit qu'elle s'approche. Il n’y avait plus que quelques naturistes sur la plage, seuls ou accompagnés, et il ne risquait plus de croiser quelqu’un qui aurait pu le dénoncer.
- Si, ici c’est bon. La plage, c’est pour le naturisme. Pour découvrir ce qui se passe dans les dunes, suis-moi.
Édith choisit un endroit où elle restait visible depuis la plage. Elle installa sa serviette de bain, ainsi elle avait l'impression de maîtriser encore un peu la situation. Ils se déshabillèrent tranquillement et, à peine installés, un homme commença à tourner autour d'eux. Plutôt âgé, il était chauve et ne portait qu’une casquette pour se protéger des insolations. Il passait et repassait, au début derrière eux, puis ensuite en face, sans doute pour s'assurer qu'il avait bien été vu. Les regards qu'il lançait dans sa direction lui donnait un air malsain qui rebuta Édith.
- Il vient voir si nous sommes intéressés. Il entend que nous parlons espagnol, alors il n'est pas sûr de pouvoir approcher. Mais si tu le regardes dans les yeux, alors il nous rejoindra, lui expliqua Felipe.
L’inconnu, sentant être l'objet de leur conversation, finit par interpeler Felipe. Leur discussion se poursuivant en portugais, Édith ne pouvait deviner ce qu'ils manigançaient tous les deux.
- Il est intéressé par nous deux.
- Quoi ? Non, non. Je ne suis pas intéressée, répondit Édith d'un ton brusque.
- Si tu veux juste pour regarder, tu peux nous suivre derrière la dune.
Édith était venue pour observer les ébats d'autres couples. Une fois dans l'ambiance, elle aurait éventuellement pu envisager de se donner en spectacle au milieu d'inconnus qu'elle ne reverrait jamais. Mais un plan à trois, qui plus est avec un homme qui ne lui plaisait pas, n'entrait pas dans ses fantasmes. Du moins pour le moment. Elle venait de découvrir une déviance sexuelle de son beau Felipe à laquelle elle ne s'attendait pas.
Les deux hommes discutaient en jetant régulièrement des regards vers elle. A cet instant, un éclair traversa son esprit : cela ne devait pas être la première fois qu'il ramenait des touristes ici pour ses amis. Ses envies de voyeurisme commençaient à s’envoler et elle se demanda si elle n'aurait pas mieux fait de suivre les conseils de prudence de son amie. Elle allait emporter ses vêtements et s'éclipser discrètement lorsqu'elle imagina la situation si Ingrid était venue avec elle. Elle pouvait facilement se représenter la scène : Ingrid, le regard baissé vers ses doigts de pieds, ne sachant plus où se mettre. Elle serait devenue toute rouge mais ne l'aurait pas pour autant obligée à partir. Dans ces circonstances, elle n'aurait pas hésité à observer les deux hommes en cachette, ce qui aurait encore augmenté le trouble de son amie.
Les deux hommes se dirigèrent derrière la dune voisine, là où ils n'étaient plus visibles de la plage. Son teint lui permettait de rougir sans que cela se voit, alors elle les suivit. Elle était venue pour regarder, ce n'était pas exactement ce qu'elle pensait mais c'était l'occasion de découvrir quelque chose de nouveau. Non, elle ne laisserait pas Ingrid déteindre autant sur elle. Elle s'était donné un objectif et elle n'allait pas s'arrêter aussi tôt.
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